Les promesses de la séquestration du carbone dans le sol: innovations, organisations, savoirs – POSCA

En s’appuyant sur une équipe pluridisciplinaire constituée de 4 sociologues et 2 chercheurs en sciences des sols, POSCA développera une enquête sociologique portant sur la reconfiguration des manières de connaître le sol – c’est-à-dire des visions du type de connaissance des sols qu’il importe de produire ainsi que des infrastructures socio-matérielles qui les actualisent. L’enquête portera, en France et dans le contexte international, sur : la recherche sur le carbone des sols (infrastructures de modélisation et mesure: sociohistoire du modèle Orchidée et du réseau de mesure ICOs) (WP1) ; la régulation du carbone des sols (initiatives publiques et privées de production de méthodes et métriques standardisées: étude du rôle des bureaux d'études et start ups dans le Label Bas Carbone) (WP2) ; la gestion du carbone des sols (programmes locaux de SCS: Label Bas Carbone et PCAET aux niveaux national et locaux) (WP3). Le projet développe des méthodes d'enquête sociologique mixte, mobilisant des entretiens semi-directifs, des observations participantes, de l'étude documentaire, ainsi que des questionnaires.

WP1-L’enquête a permis de documenter les dynamiques d’évolution des sciences du sol. Elle a établi que celles-ci, loin d’être cantonnées à la classification des sols, constituent depuis plus d’un siècle un ensemble particulièrement riche et divers. L’objet sol, aux contours changeants selon les époques et les acteurs qui l’étudient, est saisi par des disciplines aussi diverses que la physique des matériaux, la biogéochimie, l’écologie, la microbiologie ou la génétique, souvent au sein d’instituts finalisés sur des questions agricoles (INRAE, ORSTOM puis IRD, CIRAD), notamment dans une perspective d’aide au développement dans les outremers ou les anciennes colonies françaises.
Le focus « climat », en fournissant de nombreux projets, financements, institutions et recrutements aux niveaux nationaux, européens ou mondiaux, permet de redynamiser plusieurs dimensions des sciences du sol. Même si la séquestration du carbone dans les sols, réversible et difficile à mesurer comme à calculer, apporte une réponse assez marginale au problème climatique, cette dynamique est jugée positive en raison de ses nombreux cobénéfices – sécurité alimentaire, santé des sols, biodiversité notamment. Cette enquête a ainsi permis d’analyser les dynamiques de « climatisation » de ce champ de recherche : le climat semble moins accaparer budgets et projets qu’apporter une ressource à des recherches diversifiées.

WP2-Les enquêtes ont permis d’échafauder les premières fondations empiriques d’une sociologie politique de la régulation du carbone du sol avec deux principaux ensembles de résultats. 1/l’analyse des ressorts d’un récit qui fédère les agendas politiques des gouvernants agricoles et de l’exécutif français autour de la séquestration du CO2 dans les sols agricoles d’un côté, et de la politisation de la “startup” agile et innovante de l’autre. 2/une caractérisation de l’hétérogénéité des “startups” de cette “décarbonation”, et l’identification de trois types : les “startups-révolutionnaires”, les “startups-bureaux-d’étude” et les “startups-bureaucratiques”. Enfin, l’enquête documente une écologisation facultative et partielle de l’agriculture, qui est encadrée par l’Etat, mise en œuvre par des prestataires administratifs privés et financée par des entreprises qui souhaitent améliorer leur bilan carbone.
WP3- Les premières pistes d’analyse sont les suivantes : 1 – il existe un décalage fort entre l’accent mis sur les sols dans les grandes initiatives internationales et nationales comme solution au dérèglement climatique et la place marginale qui leur est conférée dans la mise en œuvre d’instruments associés dans les territoires ; 2 – des modalités de conceptualisation des sols, comme stock ou puits de carbone, découlent des mécanismes de valorisation distincts ; 3 – la mise en œuvre, hétérogène dans les territoires, de ces instruments économiques, implique la structuration d’un tissu organisationnel spécifique à étudier dans la suite du projet.

WP1
Préparation d’un article scientifique avec L.Manach, C. Granjou et H. Guillemot sur les dynamiques de « climatisation » de la modélisation du carbone du sol.

WP2
Soumission d’une proposition de contribution au numéro spécial « The politics of decarbonization » de la Review of Agricultural, Food and Environmental Studies (publication prévue mi 2023). Plusieurs communications des résultats de la première enquête sur les start-ups de la décarbonation dans des séminaires et colloques nationaux et internationaux (cf. détail partie D).

WP3
Communication de Robin Leclerc aux Journées des Doctorants du LISIS, « Mesurer localement le carbone des sols, une analyse par les outils de quantification », novembre 2022.

WP4
Tenue du workshop ‘Les promesses du carbone des sols : regards croisés’ en main 2022 avec la participation de membres de l’Ademe et d’I4C.

Edition en cours du numéro spécial ‘The politics of decarbonization - Investigating the carbon-related transformations of production activities, organizations and sectors » Review of Agricultural, Food and Environmental Studies. Publication prévue mi 2023.

Publication d’une revue de littérature sur les sols dans les SHS : Granjou C. and Meulemans G., Bringing soils to life in the Human and Social Sciences. Soil Security.

Articles in peer reviewed journals
1-Granjou C. and Meulemans G. 2022. Bringing soils to life in the Human and Social Sciences. Soil Security. www.sciencedirect.com/science/article/pii/S266700622200048X doi.org/10.1016/j.soisec.2022.100082
2-Granjou, C., Banos, V., Le Berre, S. et Sergent, A. édition du numéro spécial ‘The politics of decarbonization - Investigating the carbon-related transformations of production activities, organizations and sectors » Review of Agricultural, Food and Environmental Studies. Publication prévue mi 2023.
3-Granjou C., 2022. Compte-rendu d’ouvrage. Nigel Clark et Bronislaw Szerszynski, Planetary Social Thought. The Anthropocene Challenge to the social sciences. Revue d’anthropologie des connaissances 16(1). journals.openedition.org/rac/25804
4- Magnin L., Doré A. “Start-ups” to “decarbonize” agriculture? The political sociology of a greening promise. Review of Agricultural, Food and Environmental Studies Problem [Submited]

Communications
1. Granjou, C., 2021. Organisation et animation du colloque international « les sols dans la transition socio-écologique », colloque international en ligne, 9-11 juin 2021, Université Grenoble Alpes. (avec O. Labussière et al.)
2. Magnin L., Doré A. (2022-09-27). “Start-ups” to “decarbonize” agriculture? The political sociology of a greening promise. Presented at : Environmental Governance Seminar, Cornell, États-Unis (2022-09-27 - 2022-09-27)
1- Granjou, C., 2022. Les promesses du carbone des sols. Intervention au séminaire Twix, ETTIS, Bordeaux, le 1er avril 2022.
2- Granjou, C., 2021. Intervention plénière : La climatisation des sols : enjeux et programme de recherche. Ecole d’été « autour du 2°C » (CNRS- INRAE), Autrans, 20 septembre 2021.
3- Magnin L., Doré A. (2022-12-16). Des « startups » pour décarboner l’agriculture ? Sociologie d’une catégorie performative d’économie politique. Presented at : 16èmes Journées de Recherches en Sciences Sociales, Clermont-Ferrand, France (2022-12-16)
4- Magnin L., Doré A. (2022-06-23). Des « startups » pour décarboner l’agriculture ? Sociologie d’une catégorie performative d’économie politique. Presented at : The politics of decarbonisation. Investigating the carbon-related transformations of production activities, organizations and sectors, Bordeaux, France (2022-06-23)
5- Manach, L., 21 octobre 2022. «Les agriculteurs, « soldats de la lutte contre le changement climatique » ? L’agriculture, le changement climatique et la séquestration carbone dans les sols«, Séminaire Changement climatique : sciences, politique, société, ENS (Paris)
6- Manach, L., 20 mai 2022. «Les sols et le climat : séquestrer du carbone dans les sols pour mitiger le changement climatique, itinéraire d’une idée controversée » Centre Alexandre Koyré EHESS (Paris).
3. Guillemot H. (2021-10-20), « Some debates among climatologists on the development and use of climate models ». Presented at International ENS-PSL, ENS, Paris

Depuis la COP21 en 2015, l’Accord de Paris affirme l'importance des puits de carbone, dont les sols, pour équilibrer les émissions de gaz à effet de serre avec les capacités de séquestration des puits. Longtemps considéré essentiellement en termes de fertilité agricole, le sol est désormais vu de manière croissante comme un stock global de carbone souterrain à mesurer, cartographier, modéliser, gérer et optimiser. POSCA étudie la manière dont la promotion du sol comme puits de carbone dans les politiques climatiques reconfigure la façon dont on connaît et gère les sols. Cette évolution interroge en effet les sciences des sols qui, d’une entreprise de connaissance naturaliste et descriptive, sont interpellées dans de nouveaux rôles de conseil et d’expertise pour le développement de projets et de méthodes de Séquestration du Carbone dans les Sols (SCS). Elle sont en même temps confrontées à de nouvelles incertitudes et tensions concernant la mesure et la stabilité du carbone dans les sols. POSCA vise à rendre compte de l’évolution en cours des agendas, des pratiques et des organisations des sciences des sols, définies comme la communauté de chercheurs, techniciens et experts académiques et non académiques travaillant sur les sols dans une variété d’organisations scientifiques, agricoles, forestières et territoriales.
En s’appuyant sur une équipe pluridisciplinaire constituée de 4 sociologues et 2 chercheurs en sciences des sols, POSCA développera une enquête sociologique portant sur la reconfiguration des manières de connaître le sol, en explorant les diverses visions du type de connaissance des sols qu’il importe de produire ainsi que les infrastructures socio-matérielles qui les actualisent. L’enquête portera, en France et dans le contexte international, sur : la recherche sur le carbone des sols (infrastructures de modélisation et monitoring) (WP1) ; la régulation du carbone des sols (initiatives publiques et privées de production de méthodes et métriques standardisées) (WP2) ; la gestion du carbone des sols (programmes locaux de SCS) (WP3). WP4 est dédié à la coordination du projet. L’hypothèse clef du projet est que les manières de connaître et gérer les sols sont reconfigurées à 3 niveaux :
(1) Au niveau épistémologique : d’une recherche de terrain retraçant la formation des sols, à une recherche informatisée et prédictive intégrée aux sciences de modélisation du système Terre ;
(2) Au niveau politique : d’un champ académique orienté vers la classification, à une science de régulation fournissant aux décideurs des méthodes standardisées de suivi et de mesure du carbone des sols.
(3) Au niveau économique: d’un appui au développement agricole et forestier, à la mise en oeuvre des programmes et des marchés de la comptabilité du carbone des sols.
Les sciences sociales s’étant très peu intéressées au sol et aux rapports sol/ société jusqu’ici, POSCA a un potentiel d’innovation scientifique important. Ses résultats contribueront :
(i) aux Sciences and Technology Studies (STS) en éclairant l’évolution actuelle des sciences des sols, une discipline largement négligée en STS ;
(ii) à la Sociologie des Politiques Climatiques, en rendant compte du développement d’organisations et initiatives de gestion du carbone des sols à l’interface entre science, politique et marché ;
(iii) à la Sociologie de la Comptabilité Carbone, en analysant l’expansion des instruments de comptabilité carbone en direction des sols et leurs effets sur les filières agricoles et forestières;
(iv) aux Sciences des Sols, en explorant l’évolution des représentations sociales du sol.
En dépit de son importance écologique et sociale majeure, le sol reste largement considéré comme une surface inerte dont l’existence est acquise. Dans un contexte urgent de dégradation des sols et de changement climatique accélérés, POSCA contribuera à une meilleure reconnaissance sociale et politique de la complexité et de la vulnérabilité des sols et de leur rôle climatique.