CE01 - Terre fluide et solide

Impact des stériles miniers sur l'environnement : exemple des terrils du Nord de la France et des transferts associés – ENTRESOL

Les terrils du Nord de la France : un symbole régional, un patrimoine industriel classé UNESCO, une niche écologique … et une source de pollutions ? Zoom sur le projet ANR ENTRESOL

Les terrils du Nord de la France sont, d’une part, un merveilleux support pour le développement d’un écosystème unique et original (colonisation par des espèces pionnières) qui doit être protégé, mais d’autre part, une source potentielle de polluants pour l’environnement de surface (lessivage et altération des résidus miniers). Pour savoir si cet équilibre est rompu, les transferts doivent être définis et quantifiés, et le risque environnemental évalué. C’est ce à quoi s’attelle l’ANR ENTRESOL.

Enjeux et Objectifs

Pour satisfaire ses besoins, depuis le début de l’ère industrielle, l’homme n’a de cesse d’augmenter les capacités d’exploitation minière. Cette exploitation a un fort impact sur l’environnement, notamment lors du stockage des résidus miniers non valorisables. Ces stériles miniers sont généralement accumulés sous forme de dômes modifiant le paysage. Et en étant en contact direct avec l’atmosphère, les eaux météoriques et la biosphère, ils sont soumis à des processus d’altération et de lessivage. Par conséquent, des éléments potentiellement toxiques et/ou polluants peuvent être transférés de ces résidus vers leur environnement proche, et constituer un risque pour la santé humaine et les écosystèmes. Avec l’extension des zones minières et l’extraction de nouveaux minerais, le risque pollution par les résidus miniers devient une affaire mondiale.<br />Face à ces enjeux sociétaux, économiques et environnementaux, les interactions entre stériles miniers et environnement, ainsi que les processus de transferts associés, doivent être bien compris et leurs impacts quantifiés pour tenter de les minimiser.<br />Malgré un certain nombre de risques environnementaux associés à l’extraction et à l’empilement des résidus miniers (combustion spontanée, glissements de terrain, mobilisation de contaminants, ...) issus de l’exploitation du charbon, de nombreux stériles miniers issus de cette exploitation à travers le monde ne sont étudiés que depuis peu ou sont mal étudiés.<br />En France, cette problématique est particulièrement présente dans les anciennes régions minières, notamment dans le Nord et le Pas-de-Calais, où se situait l'une des plus importantes zones d'extraction de charbon du pays. Les terrils - près de 300 dômes formés par les cumulas de résidus et de déchets de l’exploitation houillère - peuvent être l’origine de transferts d’éléments du matériel géologique parent (éléments traces, métaux, soufre, composés organiques, …) vers les écosystèmes et hydrosystèmes attenants. Or à ce jour, très peu d’études ont quantifié les risques associés à ces transferts.<br />Malgré leur potentiel pouvoir polluant et leur apparente stérilité, les terrils présentent à leur surface un néo-sol et une végétalisation par des espèces pionnières. Ainsi, les terrils deviennent le support d’écosystèmes originaux et uniques dans la région, et doivent à ce titre, être protégés.<br />Ce projet vise à caractériser les interactions et les transferts terril/eau/environnement, à établir les flux d’éléments mobiles, et à identifier les risques potentiels de pollution.

La principale originalité du projet réside dans son approche multidisciplinaire, pour comprendre les processus d’altération et les flux d’éléments depuis les terrils vers l’environnement. Le projet comprend l’étude de 4 terrils avec des caractéristiques spécifiques et inclut des approches géologiques, géophysiques, hydrologiques, écologiques et biogéochimiques. Plusieurs protocoles d’échantillonnage, de mesure et d’analyse sont spécialement développés pour ce projet et n’ont jamais été appliqués auparavant sur ce type d’objet géologique que sont les terrils. Ainsi, pour caractériser les processus d’altération du matériau géologique, des analyses de composition à l’échelle nanométrique sont réalisées, un GPR (Ground Penetrating Radar) sera déployé pour étudier le système hydrologique interne des terrils, et des tests de lixiviation en laboratoire seront utilisés pour établir des liens entre le rejet d’éléments par le matériel géologique et le néo-sol et la composition in situ du ruissellement de surface et des eaux infiltrées.

Les analyses DRX des schistes bruts non altérés prélevés sur les terrils d’Ostricourt et de Sabatier Nord montrent l’homogénéité minéralogique des échantillons : majoritairement quartz, phyllosilicates (essentiellement des micas type illite et muscovite, de la kaolinite et de la chlorite), et des oxydes de fer. Nous notons également la présence d’interstratifiés, notamment pour les échantillons du terril Sabatier Nord. Les observations en microscopie optique et MEB confirment ces résultats, attestant aussi de la présence d’oxydes de titanes, de pyrite et de rares feldspaths alcalins. Lors de l’observation des échantillons, des témoins de la circulation de fluides ont pu être observés : présence de veines de quartz automorphes, de kaolinite néoformée et de calcite.
Les analyses DRX des fronts d’altération (encroûtement d’altération en surface de schiste) montrent qu’ils sont constitués de quartz et à de phyllosilicates (essentiellement des micas de type illite/muscovite), ainsi que de jarosite, totalement absente du schiste brut. Des observations et analyses plus fines au MEB ont montré la présence d’autres minéraux dans le front d’altération et surtout une chimie bien différente du schiste brut. En effet, le schiste brut est composé majoritairement de Si, associé au quartz, d’Al et de K contenus dans les phyllosilicates, alors que le front d’altération est composé essentiellement de Fe, de S et de K, de phyllosilicates néoformés ainsi que de quartz détachés du schiste. Sur certaines parties du front d’altération, le ratio Fe/S est homogène, sur d’autres, il est variable à l’échelle micrométrique : nous identifions alors clairement une zonation chimique, avec deux couches superposées l’une plus riche en S et en K, et l’autre plus riche en Fe.
Des lames ultraminces, de 10 µm x 5 µm x 100 nm (découpe FIB Focused Ion Beam), découpées dans un échantillon de schiste présentant un front d’altération zoné chimiquement, ont été observées au microscope électronique en transmission (MET) et analysées au synchrotron par STXM-XANES (décembre 2021). Il a été mis en évidence que ces deux couches constituant le front d’altération ont une épaisseur d’environ 10 µm, celle enrichie en Fe étant composée d’oxydes et d’argiles, celle enrichie en S et K étant constituée d’un mélange de jarosite plus ou moins bien cristallisées, d’oxydes et de résidus de quartz et d’argiles détritiques. Toutes ces observations confirment que Fe et S peuvent être facilement transférés du schiste vers l’environnement, comme cela est observable dans les drainages acides miniers, mais que deux mécanismes distincts – et qui doivent être identifiés – sont à l’œuvre.

Le projet ENTRESOL, basé sur ces trois axes de recherche - géologique, pédologique et géochimique - permettra de caractériser le matériel parent et les processus d’altération (caractérisation de la source des éléments mobiles), d’étudier la formation du néo-sol et son rôle dans les transferts des éléments, et de déterminer et quantifier les transferts d’éléments vers l’environnement de surface. En combinant les résultats de ces trois axes de recherche, nous serons en mesure d’aider au développement de stratégies de gestion raisonnée des terrils et de leurs écosystèmes. Bien que centrés sur les terrils du Nord de la France, nos résultats seront transposables à des systèmes similaires à travers le monde (Wallonie (Belgique), Russie, Angleterre, …).

P. Claisse, F. Bourdelle, E. Lloret (2021). Impact of tailings on Environment: example of the weathering of schist constituting spoil tips in the North of France. Affiche. RST 2021, Lyon, Novembre 2021.

Pour satisfaire ses besoins, l’homme n’a de cesse d’augmenter les capacités d’exploitation minière. Cette exploitation a un fort impact sur l’environnement, notamment lors du stockage des résidus miniers non valorisables. Ces stériles miniers sont généralement accumulés sous forme de dômes modifiant le paysage, et sont soumis à des processus d’altération et de lessivage. Par conséquent, des éléments potentiellement toxiques et/ou polluants peuvent être transférés de ces résidus vers leur environnement proche, et constituer un risque pour la santé humaine et les écosystèmes.
Face à ces enjeux sociétaux, économiques et environnementaux, les interactions entre stériles miniers et environnement, ainsi que les processus de transferts associés, doivent être bien compris et leurs impacts quantifiés pour tenter de les minimiser.
En France, cette problématique est particulièrement présente dans les anciennes régions minières, notamment dans le Nord et le Pas-de-Calais, où se situait l'une des plus importantes zones d'extraction de charbon du pays. Les terrils - près de 300 dômes formés par les cumulas de résidus et de déchets de l’exploitation houillère - peuvent être l’origine de transferts d’éléments du matériel géologique parent (éléments traces, métaux, soufre, composés organiques, …) vers les écosystèmes et hydrosystèmes attenants. Or à ce jour, très peu d’études ont quantifié les risques associés à ces transferts.
Malgré leur potentiel pouvoir polluant et leur apparente stérilité, les terrils présentent à leur surface un néo-sol et une végétalisation par des espèces pionnières. Ainsi, les terrils deviennent le support d’écosystèmes originaux et uniques dans la région, et doivent à ce titre, être protégés.
Ce projet vise à caractériser les interactions et les transferts terril/eau/environnement, à établir les flux d’éléments mobiles, et à identifier les risques potentiels de pollution. Pour ce faire, nous prévoyons de suivre trois axes de recherche : (1) un axe géologique, afin de caractériser le matériel parent et les processus d’altération (caractérisation de la source des éléments mobiles), (2) un axe pédologique, pour étudier la formation du néo-sol et son rôle dans les transferts des éléments, et (3) un axe géochimique, pour déterminer et quantifier les transferts d’éléments vers l’environnement de surface. En combinant les résultats de ces trois axes de recherche, nous serons en mesure d’aider au développement de stratégies de gestion raisonnée des terrils et de leurs écosystèmes. Bien que centrés sur les terrils du Nord de la France, nos résultats seront transposables à des systèmes similaires à travers le monde (Wallonie (Belgique), Russie, Angleterre, …).

Pour mener à bien ce projet, nous combinerons des approches géologiques, géophysiques, hydrologiques, écologiques et biogéochimiques. Plusieurs protocoles d'échantillonnage, de mesure et d'analyse seront spécialement développés pour ce projet. Ainsi, pour caractériser les processus d'altération du matériel géologique, des analyses de composition à l'échelle nanométrique seront menées (STXM-XANES pour l’étude de l’état d’oxydation du fer), le GPR (Ground Penetrating Radar) sera déployé pour étudier le système hydrologique interne des terrils et des tests de lixiviation en laboratoire seront utilisés pour établir des liens entre la libération des éléments du matériel géologique et du néo-sol et de la composition in situ des eaux de ruissellement et des eaux de percolation. Ce projet s’appuie sur l’expertise de collaborateurs en minéralogie, biogéochimie, hydrologie et géophysique.

Coordination du projet

Emily LLORET (LABORATOIRE GÉNIE CIVIL ET GÉO-ENVIRONNEMENT - LILLE NORD DE France)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

LGCgE LABORATOIRE GÉNIE CIVIL ET GÉO-ENVIRONNEMENT - LILLE NORD DE France

Aide de l'ANR 220 853 euros
Début et durée du projet scientifique : décembre 2020 - 48 Mois

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