DE LA VAISSELLE EN PIERRE A LA CERAMIQUE : rythmes, causes et modalités d'une adoption tardive de la poterie au Levant Sud (7ème millénaire) – CERASTONE
Au Proche-Orient, le Néolithique marque une période de profonds bouleversements économiques, sociaux et symboliques qui affectent particulièrement les habitudes alimentaires des groupes préhistoriques. L’introduction progressive de plantes (blé, orge, lentille) et d’animaux (chèvre, mouton, bœuf) domestiques dans la composition des plats s'accompagne d'une diversification des ustensiles de cuisine (en pierre, en chaux et en céramique) servant à stocker, préparer et servir. Autrefois composées de contenants en bois, les batteries de récipients s’enrichissent de vases en pierre au Natoufien, en chaux au Pre-Pottery Neolithic B et en céramique au Early Pottery Neolithic. La pratique de la poterie apparaît en Mésopotamie Occidentale aux alentours de 6900 av. J.-C., avant de se propager dans le reste du Croissant fertile durant les siècles qui suivent par diffusion culturelle ou démique. Parce que la poterie y apparaît de façon tardive (seconde moitié du 7ème millénaire av. J.-C.), le Levant Sud est jusqu'ici resté en marge des recherches sur les premières productions céramiques du Proche-Orient. Ce corridor, situé au carrefour de l'Asie et de l'Afrique, voit se constituer une mosaïque d'entités culturelles au début du Pottery Neolithic dont le Yarmoukien, le Byblosien, le Korenien et le Jericho IX sont les plus emblématiques. Différentes théories ont été formulées sur les rythmes (rapide vs progressif), les causes (facteurs économiques vs climatiques) et les modalités (diffusion culturelles vs démique) d’adoption généralisée de la poterie au Levant Sud mais les hypothèses avancées jusqu’ici restent hautement spéculatives faute de données consistantes sur les sociétés levantines de la fin du Pré-Pottery Neolithic et du début du Pottery Neolithic.
Le projet CERASTONE vise à mettre en lumière la diversité fortement soupçonnée des rythmes, des causes et des modalités d'adoption généralisée de la poterie au Levant Sud. Afin d'appréhender ce phénomène historique dans toute sa complexité, l'enquête se concentrera sur les assemblages de contenants conséquents et diversifiés des 10 sites stratifiés clés du 7ème millénaire répartis au sein des 4 principales entités culturelles. Parce que les premières céramiques du Levant Sud montrent des affinités stylistiques (copie de certaines formes et décors), techniques (montage aux colombins sur support de vannerie par exemple) et fonctionnels (usage pour le service notamment) évidentes avec les récipients en chaux et en pierre du 7ème millénaire, nous allons entreprendre une étude diachronique croisée de ces 3 catégories de vaisselles. Cette approche comparée (WP1), tout à fait innovante, sera menée en 3 volets d’analyses complémentaires suivant des méthodologies communes. Pour préciser les rythmes d’adoption de la poterie au Levant Sud (le quand), nous allons construire un cadre chrono-stratigraphique à haute résolution (WP2) qui combine éléments de chronologies relatives (tâche 2.1.) et absolues (tâche 2.2.). Pour en cerner les causes (le Pourquoi), nous proposons d’étudier la fonction des différentes catégories de contenants néolithiques (WP3) par le biais d’une approche multi-proxy novatrice qui combine les aspects morpho-dimensionnels (tâche 3.1.) et les traces d’utilisation (tâche 3.2.) des vaisselles. Pour décrypter les modalités d’apprentissage de la poterie (le Comment), nous envisageons d’analyser la fabrication des différentes catégories de récipients néolithiques (WP4) à partir d’une lecture techno-pétrographique innovante qui intègre les macro-traces techniques (tâche 4.1) et les pétrofabriques (tâche 4.2.). L’étude contextualisée croisée des récipients en pierre, en chaux et en céramique du 7ème millénaire av. J.-C. permettra à terme d’explorer les transferts stylistiques, techniques et fonctionnels s’étant produits entre ces 3 catégories de contenants préhistoriques et, par-delà, d’alimenter les débats controversés autour de l’émergence de la céramique au Néolithique.
Coordination du projet
Julien Vieugue (Préhistoire et Technologie)
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Partenaire
PreTech Préhistoire et Technologie
Aide de l'ANR 341 031 euros
Début et durée du projet scientifique :
décembre 2019
- 48 Mois