Effets des édulcorants sur la fonction vasculaire : identification du rôle de la famille des récepteurs du goût sucré T1R.
La consommation de produits contenant des édulcorants non nutritifs est en pleine expansion dans le monde et semble associée à une prise de poids et au risque de développer des pathologies chroniques, notamment cardio-métaboliques. Cependant les mécanismes sous-jacents nécessaires pour mieux décrypter les conséquences sur la santé humaine ne sont pas connus. Des travaux récents ont identifié la présence de récepteurs du gout sucré (T1R) dans le pancréas ou l’intestin, mais aussi de manière plus surprenante dans le cerveau et les cellules endothéliales. Ainsi, nous émettons l’hypothèse que ces T1R activés par les édulcorants sont impliqués de manière directe (au niveau du vaisseau) et indirecte (via une intégration centrale ou modulation métabolique) dans la réactivité vasculaire, un marqueur précoce du développement des pathologies cardio-métaboliques.
Dans un premier temps, nous explorerons les effets d’une consommation chronique d’édulcorants chez la souris sur la fonction vasculaire et gastro-intestinale : réactivité microvasculaire in vivo et macrovasculaire ex vivo et contractilité gastro-intestinale ex et in vivo. Une inhibition pharmacologique des T1Rs ou l’utilisation de souris knock out T1Rs permettront d’explorer les mécanismes impliqués. Nous conduirons ensuite une étude clinique randomisée et contrôlée contre placebo pour étudier (1) les effets d’une consommation d’édulcorants sur la fonction macro- et microvasculaire chez des volontaires sains. L’imagerie de contraste speckle couplée à la microdialyse intra-dermique sera utilisée pour disséquer le rôle de la voie des T1R dans ces effets vasculaires ; (2) de comprendre comment les T1Rs oraux et/ou intestinaux sont impliqués dans les réponses métaboliques et les conséquences sur la fonction vasculaire. Nous étudierons également chez l’homme et l’animal, l’effet direct des édulcorants sur le vaisseau via une activation des T1R présents au niveau des cellules vasculaires. Enfin, puisque ces édulcorants peuvent avoir une action sur la réponse métabolique ou encore sur le contrôle de la prise alimentaire, nous décortiquerons in vivo dans un modèle de souris sain ou knock out T1Rs, et par modulation pharmacologique, les projections cérébrales issues des nombreuses voies afférentes nerveuses du tractus digestif. L’effet direct des édulcorants sur les T1Rs cérébraux sera également étudié. Ces voies nerveuses pourraient, en retour, affecter la régulation nerveuse du tonus vasculaire.
Nos premiers résultats ont montré qu’il existait probablement, un effet spécifique de chaque édulcorant sur la fonction vasculaire, apportant ainsi une nouvelle hypothèse de travail. La molécule de synthèse sucralose, proposée dans ce projet, pourrait avoir des effets protecteurs sur le risque cardiométabolique, contrairement probablement à d’autres molécules telles que l’acesulfame potassium (Ace K). Nos premiers résultats suggèrent également qu’il est intéressant, en parallèle de nos populations saines, de proposer des modèles présentant des troubles cardiovasculaires ou métaboliques. Ces données pourraient aider à mieux comprendre les effets à très long terme de la consommation d’édulcorant.
Dans ce contexte, ces édulcorants sont également suspectés d’agir sur le contrôle de la prise alimentaire par une action directe sur les T1Rs cérébraux, nous avons donc réalisé un test de reprise alimentaire après un jeûne de 10h. Les animaux ont reçu soit une injection IP de NaCl (témoin), soit de glucose (satiétogène), soit d’édulcorants (20 mg/kg de sucralose ou 100 mg/kg d’Ace K). La mesure de la reprise alimentaire montre que le groupe ayant reçu du sucralose mange significativement plus que le groupe glucose alors que le groupe Ace K a mangé significativement moins que tous les autres groupes, ce qui semble indiquer un effet satiétogène de cet édulcorant. Collectivement, ces résultats préliminaires indiquent que les édulcorants interfèrent au niveau cérébral sur le contrôle de la fonction autonome et la prise alimentaire. Nous confirmons également dans cette partie, l’importance d’étudier les effets de chaque molécule de manière isolée.
Concernant la partie clinique, la soumission et les autorisations administratives ont été fortement impactées par la crise sanitaire, puisque tous les projets de recherche hors Covid ont été suspendus au CIC du CHU Grenoble Alpes. Toutefois, nous avons obtenu un avis favorable du Comité de Protection des Personnes le 13/07/2021. Les inclusions devraient démarrer fin 2021.
Il s'agit désormais de décortiquer l'implication des T1Rs dans ces réponses vasculaires et cérébrales observées et mieux comprendre quelles sont les cibles moléculaires impactées. Ces observations sont en attente de confirmation chez l'homme lors d'une étude clinique à venir.
Risdon S*, Battault S*, Romo-Romo A*, Roustit M, Briand L, Meyer G, Almeda-Valdes P, Walther G. Sucralose and cardiometabolic health: current understanding from receptors to clinical investigations. Adv Nutr. 2021 Feb 12:nmaa185. doi: 10.1093/advances/nmaa185
La consommation répétée de sucre, notamment via les boissons de type sodas, participe au risque de développer des maladies métaboliques (obésité, diabète de type 2), mais augmente aussi celui de développer des maladies cardiovasculaires. Pour limiter ces risques, des édulcorants de synthèse ou naturels non caloriques (aspartame, sucralose, acesulfame K, stevia…) sont commercialisés avec le potentiel bénéfice de ne pas induire de pic hyperglycémique, permettant malgré tout une consommation de produits à saveur sucrée chez les sujets sains ou à risques. Ces produits sont validés par l’Académie Américaine de Nutrition et Diététique ainsi que l’Agence Européenne pour la Sécurité Alimentaire. Cependant, des études très récentes démontrent une association entre la consommation de produits contenant des édulcorants et le risque accru de mortalité, dont celle d’origine cardiovasculaire, des effets néfastes sur le métabolisme du glucose, le microbiote intestinal ou encore le contrôle de l’appétit. Ainsi, les édulcorants ne seraient pas biologiquement inertes, mais les mécanismes sous-jacents pour mieux décrypter les conséquences sur la santé humaine ne sont pas connus. Des travaux récents ont identifié la présence de récepteurs du gout sucré (T1Rs) dans le pancréas ou l’intestin, mais aussi de manière plus surprenante dans le cerveau et les cellules endothéliales, activés par les édulcorants. De plus, nos résultats préliminaires démontrent un défaut de la fonction vasculaire chez le rat consommant des édulcorants dans la limite d’une dose journalière admissible. La dysfonction vasculaire endothéliale est bien reconnue pour son rôle précoce dans le développement de l’athérosclérose, mais aussi comme marqueur précoce et sensible du développement des maladies cardiométaboliques. Ainsi, nous émettons l’hypothèse que ces T1Rs activés par les édulcorants sont impliqués de manière directe (au niveau du vaisseau) et indirecte (via une intégration cérébrale ou modulation métabolique) dans la réactivité vasculaire. Cette recherche translationnelle associera des études chez l'Homme et l’animal dans le respect de la protection des personnes et de l’éthique. Dans un premier temps, nous explorerons les effets d’une consommation chronique d’édulcorants chez la souris sur la fonction vasculaire et gastro-intestinale : réactivité microvasculaire in vivo et macrovasculaire ex vivo et contractilité gastro-intestinale ex et in vivo. Une inhibition pharmacologique de T1Rs ou l’utilisation de souris knock out T1Rs permettront d’explorer les mécanismes impliqués. Nous conduirons ensuite une étude clinique randomisée et contrôlée contre placebo pour étudier (1) les effets d’une consommation d’édulcorants sur la fonction macro- et microvasculaire chez des volontaires sains. L’imagerie de contraste speckle couplée à la microdialyse intra-dermique sera utilisée pour disséquer le rôle de la voie des T1R dans ces effets vasculaires ; (2) de comprendre comment les T1Rs oraux et/ou intestinaux sont impliqués dans les réponses métaboliques et les conséquences sur la fonction vasculaire. Nous étudierons également chez l’homme et l’animal, l’effet direct des édulcorants sur le vaisseau via une activation des T1R présents au niveau des cellules vasculaires. Enfin, puisque ces édulcorants peuvent avoir une action sur la réponse métabolique ou encore sur le contrôle de la prise alimentaire, nous décortiquerons in vivo dans un modèle de souris sain ou knock out T1Rs, et par modulation pharmacologique, les projections cérébrales issues des nombreuses voies afférentes nerveuses du tractus digestif. L’effet direct des édulcorants sur les T1Rs cérébraux sera également étudié. Ces voies nerveuses pourraient, en retour, affecter la régulation nerveuse du tonus vasculaire.
Monsieur Guillaume WALTHER (Laboratoire de Pharm-Ecologie Cardiovasculaire)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
CHUGA - CIC1406 CHU Grenoble Alpes
CSGA CENTRE DES SCIENCES DU GOUT ET DE L'ALIMENTATION - UMR 6265 - UMR A1324 - uB 80
UMR 5305 -LBTI BIOLOGIE TISSULAIRE ET INGÉNIERIE THÉRAPEUTIQUE
PHYMEDEXP INSERM U1046
LAPEC Laboratoire de Pharm-Ecologie Cardiovasculaire
Aide de l'ANR 576 455 euros
Début et durée du projet scientifique :
janvier 2020
- 42 Mois