CE03 - Interactions Humains-Environnement

Judiciariser la nature. Animaux et environnement au tribunal – RULNAT

RULNAT - Judiciariser la nature. Animaux et environnement au tribunal

Ce projet étudie comment les questions liées à l’environnement et aux animaux sont portées devant les tribunaux ; comment, dans un procès, la nature est traitée par les avocats, les juges, les activistes, ou l’état; comment elle est ‘judiciarisée’ et ‘gouvernée’ par la loi et les procédures judiciaires dans différents pays ; et sous quelles formes le débat général sur les ‘droits’ de la nature et des animaux est concrètement mis en œuvre dans les litiges.

Enjeux et objectifs du projet : saisir, par des études de cas, comment les relations entre les humains et les animaux ou l’environnement sont modelées ou non par l’action juridique.

Les débats sur la protection de la nature et des animaux ont pris de l’ampleur dans le monde. S’ils ne sont pas nouveaux, ils reflètent un changement de sensibilité et s’accompagnent d’un sentiment d’urgence pour préserver ce qui se peut de ressources naturelles déjà compromises. Un nombre croissant de cas est de ce fait porté devant les tribunaux concernant le bien-être animal ou les problèmes écologiques. <br /><br />Ces questions sont de plus en plus envisagées selon les « intérêts propres » de la nature ou des animaux, ce qui a parfois conduit à réfléchir sur leur statut juridique. Légalement, les animaux sont des biens dont on peut être propriétaire. Tout en bénéficiant de certaines protections, ce ne sont pas des personnes en droit. Certains proposent désormais de leur attribuer une personnalité juridique, une idée devenue un élément d’un débat global : quelques législations ou décisions judiciaires à travers le monde ont commencé à donner la personnalité juridique à des ressources naturelles et une démarche similaire se développe en faveur des animaux, remettant en cause les frontières avec les humains. Cela n'est pas sans susciter des critiques. S’il y a en effet consensus sur la nécessité de mieux protéger l’environnement et les animaux, il n’y en a aucun sur les outils juridiques à employer dans ce but, pas plus qu’il n’existe de vision partagée des relations des humains à la nature : dans les faits, la plupart des litiges impliquant actuellement la nature ou des animaux sont décidés en appliquant des lois relevant du droit civil ou criminel tel qu’il existe. <br /><br />L’enjeu est de mieux comprendre ces articulations entre traditions juridiques et perceptions sociales, et entre affaires locales et circulation internationale des idées, qui participent d’une gestion conflictuelle et évolutive de la nature. Pour cela, l’objectif du projet est d’éclairer ces dynamiques en combinant perspective comparative et études de cas, et en associant approches légales et anthropologiques.

Cinq grandes questions structurent le projet :
- Les protections légales des animaux et de l’environnement : comment la notion de « droits » est utilisée dans les tribunaux pour protéger des ressources naturelles et des animaux sans modifier le système juridique.
- La question de la « personnalité juridique » des animaux et des ressources naturelles : ce débat prend un sens différent selon les pays, et il est nécessaire d’analyser les cas non seulement selon le raisonnement juridique qui est suivi, mais aussi en tenant compte du contexte local qui a conduit à leur élaboration.
- Les conflits entre humains et animaux : les tribunaux peuvent être amenés à gérer des situations où la protection d’animaux entre en conflit avec la protection des humains et de leurs biens.
- Le rôle des experts dans les dossiers judiciaires : les décisions concernant la protection et les droits éventuels des animaux et de l’environnement se réfèrent le plus souvent à des publications scientifiques ou à l’avis d’experts convoqués au tribunal ; les expertises peuvent être contradictoires, et le jugement dépend de la capacité du procureur ou des avocats à discréditer les experts convoqués par la partie adverse.
- Circulation des précédents et débat international: se concentrer sur les litiges dans leur contexte local permet de saisir l'interaction entre différents niveaux de juridiction, du local au global
Le consortium comprend trois laboratoires français et un partenaire scientifique belge. L’équipe est constituée d’anthropologues ayant l’expérience des terrains concernés et de juristes spécialisés dans le droit comparé, ainsi que d’un avocat impliqué dans la défense de l’environnement (soit six chercheurs français en collaboration avec sept spécialistes étrangers), auxquels s’ajoutent une thèse et deux post-doctorats.

Un site internet dédié a été réalisé en anglais : rulnat.cnrs.fr

L’équipe est complétée par une doctorante (thèse sur la Colombie) et deux post-doctorants (recherches en Italie et au Groenland), et s’est élargie à deux chercheurs associés (recherches en France).
De nombreuses missions d’enquête sur le terrain ont pu être menées en France, Italie, Groenland, Colombie, Inde, Sri Lanka – la Chine reste fermée jusqu’à aujourd’hui.
Des séminaires réguliers (17 communications) ont été organisés, d’abord en visioconférence puis en présentiel au campus Condorcet (Aubervilliers). Un colloque international (30 juin-2 juillet 2022) a permis de réunir l’ensemble des membres du projet et des chercheurs invités d’audience internationale (https://rulnat.cnrs.fr/?page_id=7853). Les Actes sont en préparation.
Les membres du projet ont effectué plus d’une trentaine de communications, dans les séminaires Rulnat ou à l’extérieur. Publications : un livre collectif en anglais accepté, un numéro spécial de revue en préparation, 3 chapitres d’ouvrage (+ 5 acceptés), 5 articles dans des revues à comité de lecture (+ un soumis).

Le projet a acquis une audience conséquente par la constitution de réseaux de chercheurs, l’encadrement d’étudiants, l’articulation à des programmes universitaires, et par des publications et diffusion en français et en anglais.

Il existe une littérature abondante concernant la « judicialisation » de questions qui étaient autrefois gérées à un niveau administratif ou politique. Pour ce qui est de la protection de l’environnement ou des animaux, les débats juridiques se concentrent sur les « droits » qu’il faudrait accorder, ou non, à la nature, voire sur l’attribution éventuelle d’une « personnalité juridique. Ces préoccupations rejoignent des changements intervenus au sein de la discipline et de la théorie anthropologiques, où les représentations de la nature et de l’environnement suscitent un intérêt croissant. Il s’agit cependant en grande partie de deux domaines d’études séparés, les anthropologues s’intéressant rarement à la façon dont les tribunaux fonctionnent et décident des affaires environnementales.
Le projet Rulnat vise à dépasser cette séparation et à ouvrir une perspective de recherche qui associe approches juridiques et anthropologiques. Il se distingue d’autres travaux sur l’environnement ou les rapports entre humains et animaux en se centrant sur l’analyse de litiges spécifiques, à la fois compris dans leur contexte socio-politique local et éclairés par la circulation globale des idées et des précédents judiciaires.

Ángel Botero, C. 2022. « Hacer especie en el juzgado: el caso del oso “Chucho” » (« The Making of a Species in the Judicial Context: The Case of “Chucho” the Bear »), Revista Derecho del Estado 54 : 381-405. revistas.uexternado.edu.co/index.php/derest/article/view/8372/12891

Berti, D., et A. Good (dir.). (accepté). Animal Sacrifice, Religion and Law in South Asia. Routledge, inclut:
- D. Berti & A. Good : Introduction: The Judicialisation and Politicisation of Sacrifice
- Berti, D. “Animal sacrifice on Trial. Moral reforms and religious freedom in India”
- Dutta, R. “The last straw on the Camel’s back. Analysing Judicial decisions and legal approaches on protection of camels in India”
- Good, A. “Animal Sacrifice and the Law in Tamil Nadu, South India”
- Letizia, C. (avec B. Ripert) “Not in the name of dharma. A judgment of the Supreme Court of Nepal on mass sacrifices at the Ga?hi Mai Mela”

Brunet, P. 2020. «Pour un droit animalier global», Revue Semestrielle de Droit Animalier, 2020-2 : 285-291

Brunet, P. 2021. «La représentation des entités naturelles», in M. Albertone et M. Troper (dir.), La Représentation politique. Anthologie. Paris, Garnier, Bibliothèque de science politique, pp. 473-488.

Brunet, P. 2021. «L’écologie des juges. La personnalité juridique des entités naturelles (Nouvelle-Zélande, Inde et Colombie)», in M.-A. Cohendet (dir.), Droit constitutionnel de l'environnement, Paris, Mare et Martin, pp. 303-325

Brunet, Pierre. 2022. « Diritto, credenze e natura: verso un’ontologia giuridica animista? », in Emanuele Coco (dir.), L’invenzione della realtà. Scienza, mito e immaginario nel dialogo tra psiche e mondo oggettivo. Una prospettiva filosofica in omaggio a Francesco Coniglione, Pisa, Edizioni ETS, p. 425-438

Dutta, Ritwick. 2022. “Climate change in the courts: An environmental lawyer’s viewpoint”, Contributions to Indian Sociology 55, 3 (2021): 438–458

Revet, S. 2020. « Les droits du fleuve. Polyphonie autour du fleuve Atrato en Colombie et de ses Gardiens », Sociétés politiques comparées, 52. www.fasopo.org/sites/default/files/varia3_n52.pdf

Revet, S. 2022. « Le fleuve et ses gardiens. Droits bioculturels en action sur le fleuve Atrato » Terrain, rubrique Terrains, 03 mars 2022. doi.org/10.4000/terrain.22695

Judiciariser la nature. Animaux et environnement au tribunal - RULNAT

Objectif
Ce projet étudie comment les questions liées à l’environnement et aux animaux sont portées devant les tribunaux ; comment, dans un procès, la nature est traitée par les avocats, les juges, les activistes, ou l’état ; comment elle est ‘judiciarisée’ et ‘gouvernée’ par la loi et les procédures judiciaires dans différents pays ; et sous quelles formes le débat général sur les ‘droits’ de la nature et des animaux est concrètement mis en œuvre dans les litiges. Ces questions touchent à d’importants enjeux intellectuels et politiques, et le projet se fonde sur l’hypothèse que l’étude de cas judiciaires, dans toute leur complexité, fournit une prise originale et pertinente pour saisir comment les relations entre les humains et les animaux ou l’environnement sont modelées – ou non – par l’action juridique.

Contexte
Les débats sur la protection de la nature et des animaux ont pris de l’ampleur dans le monde, et un nombre croissant de cas est porté devant les tribunaux concernant le bien-être animal ou les problèmes écologiques. Ces questions sont de plus en plus envisagées selon les ‘intérêts propres’ de la nature ou des animaux – dans le cas de ces derniers, leur droit à ne pas être soumis à des souffrances inutiles et à vivre dans des conditions répondant à leurs besoins individuels. Faut-il repenser les relations de droit qui nous lient aux animaux et à la nature ? Légalement, les animaux sont des choses, des biens dont on peut être propriétaire ; mais s’ils bénéficient de certaines protections, ce ne sont pas des personnes en droit. Devrait-on les reconnaître comme telles, et si oui, comment articuler ce statut à celui des humains ? L’idée formulée par Christopher Stone d’accorder le droit d’ester à des entités naturelles est devenu un outil juridique influent dans le monde (bien que très critiqué), et quelques législations ou décisions judiciaires ont déjà commencé à offrir la personnalité juridique à des ressources naturelles ; une démarche similaire se développe en faveur des animaux, modifiant les frontières avec les humains.

Démarche
Le projet repose sur l’imbrication entre études juridiques et enquêtes anthropologiques afin de renouveler la compréhension de ces questions. L’attention portera sur l’histoire judiciaire de cas choisis dans différents pays, dans leur complexité et sur le long terme. Cinq grandes questions structurent le projet :
- Les protections légales des animaux et de l’environnement
- La ‘personnalité juridique’ des animaux et des ressources naturelles
- Les conflits entre humains et animaux
- Le rôle des experts dans les dossiers judiciaires
- Circulation des précédents et débat international

Originalité
Le projet se distingue d’autres travaux sur l’environnement ou les rapports entre humains et animaux par le fait qu’il est centré sur l’analyse de cas judiciaires spécifiques envisagés dans une perspective comparative, en associant approches juridiques et anthropologiques.

Participants
Le consortium comprend trois laboratoires français et un partenaire scientifique belge. L’équipe est constituée d’anthropologues ayant l’expérience des terrains concernés et de juristes spécialisés dans le droit comparé, ainsi que d’un avocat impliqué dans la défense de l’environnement (soit six chercheurs français en collaboration avec sept spécialistes étrangers) ; le financement d’une thèse et de deux post-doctorats est demandé.

Résultats
Une quinzaine d’articles, individuels ou collectifs sont prévus pour des publications de niveau international, ainsi que la production de vidéos ethnographiques. Un ouvrage rassemblera les contributions d’une conférence internationale organisée la dernière année. Nous aurons aussi des réunions régulières (séminaires et workshops) tous les deux mois. Un blog dédié conférera une visibilité supplémentaire au projet.

Coordination du projet

Daniela BERTI-TARABOUT (Centre d'études sud asiatiques et himalayennes)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

CEHSA Centre d'études sud asiatiques et himalayennes
CERI Centre de recherches internationales
LESC Laboratoire d'ethnologie et de sociologie comparative
Université llbre de Bruxelles / Maison des Sciences Humaines (MSH)

Aide de l'ANR 420 344 euros
Début et durée du projet scientifique : décembre 2019 - 48 Mois

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