CE34 - Contaminants, écosystèmes et santé

La purge lipidique des pesticides: mécanismes physiologiques et conservation évolutive – LIPIDIC_PURGE

Mécanisme d’action d’un pesticide à faible doses d’exposition

Le fipronil est un insecticide dont l’usage à l’air libre en agriculture a été interdit début 2014. Il reste toutefois présent dans de nombreux produits, par exemple comme composé antiparasitaire utilisé pour traiter les animaux de compagnie. Ce projet étudie son mécanisme d’action à doses faibles principalement chez un insecte modèle ainsi que dans des modèles d’étude chez les mammifères.

Fipronil et métabolisme lipidique

Le fipronil a été interdit sur les cultures de plein air, surtout le maïs, à cause de son effet nocif sur les abeilles. Il apparaît que beaucoup de pesticides ont des effets nocifs sur les insectes à des doses d’exposition faibles. Ils peuvent s’ajouter à d’autres facteurs comme des infections. Ainsi, des abeilles exposées à des doses sublétales de fipronil et soumises à une infection par des microsporidies succombent beaucoup plus rapidement à ces agents lors d’une exposition conjointe que séparée. Nous avons reproduit ces résultats dans l’organisme génétique modèle Drosophila melanogaster, la mouche du vinaigre. Comme nos travaux sur cet organisme avait mis en évidence le rôle critique du métabolisme lipidique dans l’évolution de l’infection par les microsporidies, nous avions cherché à déterminer l’impact du fipronil seul sur les réserves lipidiques de l’insecte. Nous avions alors constaté un épuisement de ces réserves au niveau du tissu adipeux. Les objectifs sont donc de comprendre comment le fipronil induit la perte des lipides et de déterminer s’il s’agit d’un mécanisme général au niveau du vivant, en testant des modèles de culture de cellules et aussi in vivo la souris.

Les hypothèses élaborées sont testées de deux manières complémentaires. Il s’agit d’une part d’observer et de mesurer le paramètre d’intérêt et d’autre part de perturber génétiquement le système investigué et d’étudier alors les conséquences de ces manipulations sur le paramètre ainsi que sur la capacité des drosophiles de survivre à une exposition au fipronil.

Chez la drosophile, nos observations n’ont pas permis de valider notre modèle initial basé sur une perte des lipides prenant place au niveau de l’intestin. Nos résultats nous amènent plutôt à privilégier un effet prenant place directement au niveau du tissu adipeux, sous le contrôle du système nerveux où fonctionne le récepteur ciblé par le fipronil.
Au niveau de cellules intestinales humaines en culture, nos résultats confirment un relargage de lipides dans le milieu de culture suite à une exposition à des doses faibles de fipronil.

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L'actualité a souligné la diminution de la biodiversité dans notre environnement, avec une baisse sensible chez les oiseaux et dramatique chez les insectes. La disparition des colonies d'abeilles est représentative de cette tendance et est multifactorielle. Les infections sont citées, mais l'exposition à différentes catégories de pesticides est l'un des suspects majeurs. Dans un projet précédent financé par l'ANR, nous avons reproduit chez l'organisme modèle Drosophila melanogaster, la mouche du vinaigre, une observation originale réalisée chez l'abeille, à savoir qu'une infection par un parasite fongique intracellulaire, une microsporidie, devient beaucoup plus grave lorsque celle-ci est exposée à des quantités sublétales d'un insecticide utilisé en agriculture et aussi pour des applications domestiques, le fipronil. Les insectes succombent plus rapidement, sans toutefois que la charge parasitaire augmente. Nos études sur l'infection de la drosophile par une microsporidie nous ont permis de découvrir qu'un lipide particulier, le phosphatidate, limite de manière critique la prolifération du parasite, lequel pille les réserves lipidiques de son hôte. Nous avons remarqué que ce phénomène de déplétion du corps gras survient plus rapidement en présence du pesticide et, de manière inattendue, que l'exposition au fipronil seul entraine aussi la perte des réserves lipidiques. Ainsi, il apparaît que l'insecte succombe suite à l'épuisement de ses réserves énergétiques résultant d'une compétition inattendue entre le parasite et le pesticide pour les lipides de l'hôte. En fait, le fipronil n'induit pas l'oxydation des lipides, mais leur perte au niveau de certains entérocytes par l'extrusion de larges globules lipidiques dans la lumière intestinale par un mécanisme rappelant la lactation des mammifères. La purge résulte d'un arc réflexe par lequel le fipronil en inhibant le récepteur ionotropique GABA aboutit à l'activation de neurones innervant la partie proximale de l'intestin moyen. L'épithélium intestinal proximal émettrait alors en réponse un signal qui se propagerait jusqu'à la région de l'intestin où la purge lipidique prend place, loin de toute zone innervée. Nous supposons que le signal proximal induit au niveau d'entérocytes compétents un programme permettant la collecte des lipides présents dans l'hémolymphe, leur migration, fusion et extrusion dans l'intestin. Lors de l'exposition au fipronil, le flux lipidique normal de l'intestin vers le corps gras est inversé, ce qui aboutit à l'épuisement progressif des stocks lipidiques du corps gras.
Ici, nous proposons de répondre à trois questions:
i) Comment les neurones communiquent-ils avec l'intestin proximal et quel est le signal émis en relai vers les régions éloignées riche en lipides de l'intestin? Nous supposons l'existence d'une "synapse" intestinale à l'instar de la plaque neuromusculaire par laquelle les neurones instruisent directement un type cellulaire de l'épithélium intestinal. Quel est alors le programme transcriptionnel mis en place dans les entérocytes riches en lipides où la purge survient?
ii) Comment l'organisme réagit-il face à cette fuite de lipides? Cette réponse est-elle passive ou active par l'intermédiaire d'un signal émis par l'intestin en purge lipidique? En répondant à la dernière question de i), nous disposerons peut-être de candidats pouvant assumer une fonction de signalisation. Nous nous baserons aussi sur la riche base de connaissances du métabolisme lipidique de la mouche pour tester plusieurs voies de signalisation. Cette étude sera complémentée par une approche plus systématique.
iii) La purge lipidique est-elle conservée évolutivement chez les vertébrés? Cette question sera abordée d'une part en culture de cellules intestinales et d'autre part in vivo chez la souris.
Cette étude initiera une dissection fine d'un mécanisme de détoxification encore très mystérieux et susceptible d'influer aussi bien sur notre propre santé que celle des insectes.

Coordination du projet

Dominique FERRANDON (Réponse immunitaire et développement chez les insectes/Modèles Insecte de l'Immunité Innée (depuis 2018))

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

RIDI (M3I depuis 2018) Réponse immunitaire et développement chez les insectes/Modèles Insecte de l'Immunité Innée (depuis 2018)
PAM Procédés Alimentaires et Microbiologiques

Aide de l'ANR 569 976 euros
Début et durée du projet scientifique : septembre 2018 - 42 Mois

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