CE27 - Culture, créations, patrimoine

Géologie et architecture à Délos – GAD

Géologie et architecture à Délos

Du IIIe millénaire av. J.-C. jusqu’au VIe s. apr. J.-C., des centaines d’édifices publics et privés ont été érigés à Délos combinant des matériaux locaux et d’autres importés des îles environnantes ou de Grèce continentale. Le projet GAD a pour finalité d'étudier toutes les étapes de l’usage de la pierre dans l'architecture de Délos, de son extraction en carrière à sa mise en œuvre.

Types, origines et usages des roches mises en œuvre dans les constructions antiques de Délos

Délos est un terrain exceptionnel pour étudier de quelle manière une agglomération a combiné dans son équipement architectural ses ressources géologiques et des pierres importées ; selon quelles modalités s’y est opérée la transmission de techniques sur les chantiers de monuments offerts par des cités étrangères ou par des rois ; et comment ont dialogué, depuis plus de deux siècles, géologues et spécialistes de l’architecture antique. Notre projet relève à la fois de la géologie, de l’histoire des sciences et des techniques antiques et modernes, de l’histoire de la construction et de l’histoire économique. Les objectifs de notre projet sont les suivants :<br />1. Écrire l’histoire longue et complexe des relations entre géologie et architecture antique dans l’île de Délos en produisant un recueil des textes des voyageurs qui se sont intéressés à la formation de Délos et à sa géologie. Des recherches particulières porteront sur les travaux de l’Expédition scientifique de Morée et sur ceux de L. Cayeux, qui publia la première carte géologique de Délos en 1911.<br />2. Caractériser les grandes familles de roches mises en œuvre à Délos et en déterminer les origines. Certaines comme le granit et le gneiss employés dans le bâti affleurent dans l’île et donc pourraient être purement locales, mais on les trouve aussi dans les îles avoisinantes de Rhénée et de Mykonos, voire d’autres des Cyclades, il faut donc mieux les caractériser, préciser les minéraux qu’elles contiennent pour déterminer leur origine. <br />3. Faire un bilan des différents critères que les maîtres d’œuvre et les maîtres d’ouvrage prenaient en compte dans la définition de stratégies d’exploitation des ressources locales et d’importation de types de pierres non disponibles dans l’île.<br />4. Restituer toutes les étapes du travail de la pierre, de la carrière à l’ouvrage fini.

Les méthodes d’identification des roches quand elles ne sont pas à l’affleurement dans leur contexte géologique ne peuvent se fonder que sur deux registres : leur chimie et leur caractéristiques physiques. Il s’agit d’une part d’analyser les propriétés physiques des roches comme la texture, la granulométrie, la densité ou la porosité et d’autre part leur chimie via leur composition minéralogique. Ces analyses classiques, destructrices, nécessitent de faire des prélèvements. Les contraintes patrimoniales sur l’île de Délos sont telles qu’il est difficile d’envisager d’échantillonner les pierres du bâti afin de les soumettre à des analyses certes plus précises, mais par essence destructrices. Dans ce projet nous allons donc privilégier l’utilisation d’instruments portatifs permettant des mesures in situ non destructrices, sans prélèvement. Pour ce qui est des propriétés physiques des roches nous utiliserons des capteurs sismiques type buzzeurs, des porosimètres et des microscopes portables permettant de visualiser les textures et les structures internes des roches tout en quantifiant la taille des grains. Pour la chimie nous utiliserons la fluorescence X (XRF) portative.

Nos premières études ont mis en évidence des importations massives de gneiss, de marbres et, dans une moindre mesure, de poros, dès l’époque archaïque à la fois pour les constructions commanditées par les Déliens et celles construites par des étrangers, non seulement pour des édifices publics mais aussi pour des édifices privés. Ces nouvelles données changent très largement l’image de l’économie de la pierre à Délos, où l’on admettait que les Déliens construisaient surtout avec les matériaux locaux et les étrangers avec des roches extraites sur leur territoire.
L’identification de carrières de granite dans l’île permet de connaître un mode d’exploitation de cette roche assez différent de ceux qui sont bien attestés pour les marbres et les poros dans le monde grec antique.

À partir de l’étude du cas délien, nous avons l’ambition de proposer un modèle de protocole d’analyse, de techniques d’identification pétrographique et de mise en valeur patrimoniale pour d’autres ensembles associant des carrières et des constructions antiques réalisées avec des matériaux qui en sont issus.

Moretti J.-Ch. et al., « Délos : géologie et architecture » chronique des travaux réalisés en 2019 », à paraître dans le Bulletin de correspondance hellénique.

Vettor T. et al., « A non-invasive investigation for quarry provenance of Delos archaeological marbles », 2020, soumis au Journal of Archaeological Science.

Moretti I., « La pierre dans les grands sanctuaires de la Grèce antique, Délos et Delphes. Une enquête policière pour en comprendre les origines », à paraître dans Pour la science, 2020.

L’île de Délos, qui a joué un rôle majeur dans l’histoire du monde antique, est devenue par la fouille systématique qui y est conduite depuis 1873, le plus vaste site archéologique de Grèce, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1990. Du IIIe millénaire av. J.-C. jusqu’au VIe s. apr. J.-C., des centaines d’édifices publics et privés y ont été érigés qui combinent des matériaux locaux et d’autres importés des îles environnantes ou de Grèce continentale. Le projet GAD a pour finalité d'étudier toutes les étapes de l’usage de la pierre dans les monuments de Délos, de son extraction en carrière à sa mise en œuvre. À partir de l’exemple délien, qui offre une documentation particulièrement riche, il vise aussi à analyser les rapports entre architecture et géologie dans le monde grec et, d’un point de vue historiographique, l’évolution des liens et des échanges entre la géologie et l’étude de l’architecture antique. Le cas délien a été retenu pour sa richesse documentaire : Délos est la seule cité grecque dont le territoire ait été entièrement abandonné et où une étude de tous les lieux d’extraction antiques soit possible. C’est aussi l’un des rares sites où ont été retrouvés des comptes de construction, gravés entre le milieu du Ve et le IIe s. av. J.-C. et où, aux époques archaïque, classique et hellénistique, plusieurs très grands édifices ont été érigés par des étrangers avec des pierres importées des plus grandes carrières grecques. Sa géologie a suscité l’intérêt de nombreux voyageurs et savants occidentaux depuis le XVe s., dont les membres de l’Expédition scientifique de Morée (en 1829) et L. Cayeux (en 1906 et 1908), qui ont fait des prélèvements de roches dans l’île. À partir de l’étude du cas délien, nous avons l’ambition de proposer un modèle de protocole d’analyse, de techniques d’identification pétrographique et de mise en valeur patrimoniale pour d’autres ensembles associant des carrières et des constructions antiques.
Le projet, qui a reçu un avis favorable du Conseil supérieur de l’archéologie en Grèce et de l’éphorie des Cyclades, est porté par J.-Ch. Moretti, DR1 au CNRS (Institut de recherche sur l’architecture antique, USR 3155), directeur de la mission archéologique de Délos. Il implique des chercheurs et des ingénieurs relevant de cinq partenaires institutionnels : des archéologues et des architectes de l’IRAA ; des spécialistes de géologie, de pétrologie et d’archéométrie du Muséum national d’histoire naturelle (IMPMC-UMR759, responsable du projet : V Sautter, DR1) ; d’autres géologues, spécialistes de géodynamique de l’Institut des Sciences de la Terre de Paris (UMR 7193, Sorbonne Université, CNRS, responsable du projet : L. Jolivet, PR) ; des historiens des sciences et des techniques du Centre Alexandre-Koyré (CNRS, EPHE, MNHN, UMR 8560, responsable du projet : D. Juhé-Beaulaton, DR2) ; ainsi qu’un topographe et un informaticien de l’École française d’Athènes (responsable du projet : L. Fadin, topographe). Trois autres chercheurs grecs et français, dont les institutions ne sont pas partenaires, nous apporteront leur concours. Les moyens demandés sont principalement destinés à financer un contrat doctoral, plusieurs CDD, l’achat d’un instrument de mesure pour la caractérisation des roches (fluorescence X portative), des missions de terrain et un séminaire.
Au cours de nos travaux, nos avancées seront présentées sur un carnet de recherche Hypothèses, sur les sites de nos différents laboratoires et sur le Web-SIG de Délos. À terme, nous mettrons en ligne un vocabulaire illustré multilingue de la pierre dans l’architecture antique et publierons à la fois un ouvrage collectif sur la pierre dans l’architecture délienne et un guide sur la pierre à Délos. Une exposition sur l’histoire des recherches sur la géologie des Cyclades avec la mise en valeur des collections de l’Expédition scientifique de Morée conservées au MNHN sera organisée à Paris et au musée archéologique de Délos.

Coordination du projet

Jean-Charles Moretti (Institut de recherche sur l'architecture antique)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

IRAA Institut de recherche sur l'architecture antique
IMPMC Institut de Minéralogie, de Physique des Matériaux et de Cosmochimie
CAK Centre Alexandre Koyre
ISTEP Institut des sciences de la Terre Paris
EFA Ecole française d'Athènes
Société archéologique / Société archéologique
Ephorie des Cyclades / Ephorie des Cyclades
CRHEC

Aide de l'ANR 318 956 euros
Début et durée du projet scientifique : octobre 2018 - 48 Mois

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