DS05 - Sécurité alimentaire et défi démographique

Blé et pains spécifiques pour résoudre la sensibilité au gluten – GlutN

GlutN : Blé et pains spécifiques pour résoudre la sensibilité au gluten

Les produits à base de blé, que l’on obtient grâce au gluten, jouent un rôle clé dans notre alimentation. L’ingestion de gluten, réseau de protéines de réserve, peut provoquer allergies, maladie cœliaque et sensibilité non-cœliaque au gluten (SNCG), pathologie généralement auto-diagnostiquée faute de test clinique objectif. Cela entraine une éviction du gluten. Le bien-fondé de ce régime se pose pour la filière céréalière et pour le consommateur atteint de la SNCG, ni cœliaque ni allergique.

Does gluten network pose a risk to consumers who are not allergic or celiac? and if so, how can wheat varietal selection and the process manage it?

Le blé est une céréale consommée dans le monde entier et la France est le premier producteur Européen. Au cours des transformations les protéines de réserve du blé génère un réseau de gluten. Or le gluten peut être cause d’allergie, de la maladie cœliaque et de la sensibilité non-cœliaque au gluten (SNCG). La SNCG est à ce jour mal caractérisée et difficile à diagnostiquer sans test clinique objectif. A ce jour, un régime sans aliments contenant du gluten est souvent adopté par défaut. L’enjeu de ce projet est double : i) faire la lumière sur le rôle du gluten dans la SNCG (ou hypersensibilité) pour donner des éléments objectifs sur les risques liés à sa consommation et ii) exploiter la diversité génétique du blé et des divers procédés de panification pour y remédier. La stratégie scientifique est basée sur la complémentarité des approches multiéchelles de caractérisation des blés, du gluten et de l’amidon tout au long du tractus digestif, in vitro et in vivo. Un des leviers identifiés repose sur les spécificités génétiques des blés (ancien vs moderne) et des modes de panification utilisant ou non des levains. Les objectifs du projet sont d’identifier les mécanismes responsables de l’hypersensibilité, d’estimer sa prévalence, de développer des biomarqueurs pour en objectiver le diagnostic et de fournir si possible des pains spécifiques adaptés à ces patients. L’ensemble des connaissances produites permettra aux consommateurs d’adopter un régime en connaissance de cause. Il permettra aux pouvoirs publics de donner des conseils avisés sur la consommation de gluten.

Une étude clinique permettra de trancher sur la responsabilité du gluten dans la SNCG et d’avancer sur sa pathogénie. Pour mieux cerner les paramètres causaux de cette hypersensibilité et développer des pains spécifiques que pourraient tolérer les patients, les caractéristiques de la matrice protéo-amylacée, qui serait plutôt résistante à la digestion, seront analysées dans un échantillon de lignées de blé et dans les pains produits par trois procédés différents. Ces caractéristiques seront aussi analysées sur des échantillons prélevés au cours de la digestion in vitro. Cette étude de digestion in vitro d’une sélection de pains produits à partir d’une variété de blé donnée et d’un procédé de panification particulier intègrera la simulation de la phase orale (mastication) suivie de la simulation de la digestion gastro-intestinale. Les analyses seront réalisées sur des prélèvements réalisés en cinétique au cours de la digestion, de la bouche à l’iléon. Au final, parmi les pains digérés in vitro, certains seront aussi consommés par des patients dont on enregistrera les réactions. Les liens entre caractéristiques du produit, digestibilité et réactions du patient seront établis pour sélectionner des blés ou des procédés donnant des pains mieux tolérés. Par conséquent, l’impact de la diversité des variétés de blé et des procédés de panification sur la structure finale de la matrice amidon-gluten sera étudiée et son impact sur la digestibilité mesurée. La prévalence de cette hypersensibilité sera elle appréhendée à partir des données de la cohorte NutriNet-Santé à partir de questionnaires spécifiques.

Soixante-quinze lignées de blé tendre ont été finement caractérisées (teneur et composition en protéines de réserve, caractéristiques du gluten et de l’amidon, propriétés rhéologiques). Ces résultats ont permis de sélectionner quelques lignées qui ont été panifiées selon trois procédés. Lignées et procédés ont été choisis de sorte à avoir des pains contrastés.
Des résultats d’imagerie préliminaires montrent des différences entre poudres (farine, gluten) et types de pains.
Au niveau de l’étude clinique, les régimes sont au point et le livret patient a été rédigé.
Concernant le volet épidémiologique, après exclusion des participants ayant déclaré une maladie cœliaque ou une allergie au blé, un échantillon de 20 456 participants de la cohorte NutriNet-Santé avait répondu à un questionnaire portant sur les exclusions alimentaires. Dans cet échantillon, après redressement sur les données de l’INSEE, 10,31% des individus excluaient le gluten, dont 1,65% totalement. Les individus excluant le gluten étaient majoritairement plus âgés, des femmes, ayant un niveau d’éducation faible, et un plus grand nombre d’exclusions alimentaires, dont le lactose. La principale motivation d’exclusion du gluten était le bien-être physique et la perception que c’est plus sain. Ils avaient un profil globalement plus sain : ils étaient non-fumeurs, consommaient davantage de fruits et légumes, et moins d’alcool et de produits gras. Leurs apports en nutriments étaient également plus favorables. L’occurrence de la SNCG dans la population française a été extrapolée et pourrait atteindre 2.7%.

Les liens qui seront fait entre les résultats de l’étude clinique et ceux de la digestion in vitro permettront in fine de déterminer les caractéristiques du produits transformés ou/et de la plante favorables au déclenchement de la SNCG. L’objectif finalisé du projet est de proposer des pains spécifiques pour les patients réalisés à partir de variétés ou de procédés de panification adaptés (ou de la combinaison variété x procédé).

A court et moyen termes, nos perspectives concernent :
• La caractérisation au niveau plante et farines
La valorisation des données obtenues concernant la caractérisation fine des 75 lignées de blé est entreprise. Ces résultats (au niveau des protéines de réserve, amidon, fructanes) seront ensuite mis en relation avec ceux issus des études de structuration/déstructuration de la matrice amidon-protéines et de mastication/digestion in vitro.
• La structuration/déstructuration de la matrice amidon-protéines
Les pains obtenus avec les variétés sélectionnées et selon différents procédés de panification vont être analysés. Une relation entre les images obtenues en microscopie électronique et les spectres Raman correspondants va être établie. La déstructuration de la matrice amidon-protéine au cours de la digestion sera également évaluée sur ces mêmes pains.
• La mastication/digestion in vitro
La déstructuration du complexe amidon-protéines dès la phase orale et au cours de la digestion in vitro va être étudiée Ce travail implique la mise en œuvre de travaux sur la mastication pour l’analyse de la déstructuration du complexe au cours de cette phase, puis la préparation de bols alimentaires qui seront digérés et caractérisés. Le relargage des peptides dans l’intestin grêle sera suivie.
• L’analyse clinique
La sélection de la cohorte va permettre la réalisation d’un l’essai clinique.
• La communication
Un point d’étape sur l’avancée des travaux et les premiers résultats va être réalisé, probablement en septembre au moment du congrès de l’AFIAG.

Perrin L, Allès B, Buscail C, Ravel C, Hercberg S, Julia C, Kesse-Guyot E (2019) Gluten-free diet in French adults without celiac disease: sociodemographic characteristics, motives and dietary profile. British Journal of Nutrition. DOI: doi.org/10.1017/S0007114519001053

Première source de calories (20%) et de protéines (22%) dans l’alimentation humaine, le blé est une plante d’intérêt agronomique indéniable, au centre d’enjeux économiques. Son succès repose sur les transformations que la pâte peut subir grâce au réseau de gluten qui se constitue grâce aux protéines de réserve lors de l’hydratation de la farine puis du pétrissage. Si le gluten confère à la pâte des propriétés viscoélastiques uniques, il peut aussi entraîner des problèmes de santé : allergie, maladie cœliaque et sensibilité non-cœliaque au gluten (SNCG). Cette dernière est mal caractérisée et difficile à diagnostiquer en l’absence de biomarqueur clinique. Elle est donc souvent auto diagnostiquée entrainant des régimes sans gluten sans critères cliniques objectifs. Se pose alors, la question du bien fondé d’un tel régime pour les personnes non cœliaques et non allergiques, ce qui a de fortes conséquences pour les consommateurs (risque de régimes déséquilibrés) et pour la filière céréalière.
Dans ce contexte, le projet GlutN vise à élucider des mécanismes responsables de cette pathologie, évaluer sa prévalence et rechercher des biomarqueurs cliniques. Le pain étant la principale forme d’ingestion du gluten, GlutN vise aussi à produire de « nouveaux » pains, qui seraient tolérés par les patients SNCG. Pour cela, des pains seront produits à partir de différentes lignées de blé sélectionnées et différents processus de panification. Une étude de la digestion in vitro sera réalisée. Les pains avec les meilleures caractéristiques de digestibilité seront proposés à des patients. L’hypothèse de travail est que la SNCG résulterait d’interactions fortes entre le gluten et l’amidon rendant le réseau protéo-amylacé plus ou moins résistant à la digestion. Pour atteindre ces objectifs, GlutN est basé sur une approche translationnelle et pluridisciplinaire. GlutN comporte six tâches opérationnelles. Les profils de consommateurs ayant exclu le gluten seront établis dans une étude d'épidémiologie (tâche 1). Les tâches 2 à 4 apporteront des éléments de compréhension de la structuration/déstructuration de la matrice de gluten/amidon dans le pain et au cours de sa digestion.
La diversité des gènes impliqués dans la synthèse des protéines du gluten et de l’amidon sera analysée dans un ensemble de 75 lignées constitué de variétés anciennes et modernes dont on caractérisera aussi le gluten et l’amidon. Sur la base des données génotypiques et phénotypiques, 10 lignées seront choisies et panifiées selon trois processus différents. Pour chaque pain, la structure du complexe gluten/amidon sera évaluée par des techniques d’imagerie. Les pains seront aussi soumis à une analyse sensorielle pour identifier ceux ayant une bonne valeur gustative. Cinq de ces pains avec des caractéristiques structurales définies pour la matrice de gluten/amidon seront choisies pour l’étude de leur digestion in vitro. Les deux pains les plus digestibles seront sélectionnés.
Une étude clinique sur des patients SNCG permettra de finaliser ce projet (tâche 5). Les volontaires participeront à une étude d’intervention randomisée en double aveugle avec des périodes de régime avec ou sans gluten. Des échantillons biologiques seront prélevés et analysés par métabolomique pour identifier des biomarqueurs spécifiques. Ensuite, les volontaires SNCG seront soumis à la consommation des deux pains issus de la tâche précédente pour en apprécier la tolérance. Enfin, la tâche 6 sera consacrée à la communication et à la dissémination.
Pour conclure, GlutN apportera des connaissances fondamentales (comme l’étiologie de la pathologie). Il aura également des retombées économiques (biomarqueurs de la SNCG pour le diagnostic, lignées de blés et/ou produits panifiés spécifiques pour les personnes sensibles au gluten) et sociétales en aidant les consommateurs à choisir en toute objectivité leur régime et les pouvoirs publics afin qu’ils puissent donner des conseils avisés sur la consommation de gluten.

Coordination du projet

Catherine RAVEL (Génétique Diversité et Ecophysiologie des Céréales)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

DC SOC COOP AGRICOLE " DIJON CEREALES"
QuaPa Qualité des Produits Animaux
UNH Unité de Nutrition Humaine
CHU Centre hospitalier universitaire service de Médecine Digestive et Hépatobiliaire
EREN Equipe de Recherche en Epidémiologie Nutritionnele
BIA Biopolymères Interactions Assemblages
Axiane Meunerie
ASSOCIATION INTERCEREALES ASSOCIATION INTERCEREALES
GDEC Génétique Diversité et Ecophysiologie des Céréales
CIFAP CENTRE INFORMATION FARINES ET PAIN

Aide de l'ANR 757 076 euros
Début et durée du projet scientifique : décembre 2017 - 48 Mois

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