ToughGlasses est un projet PRC de recherche fondamentale dont le but est de comprendre et d’améliorer la durabilité des verres face à des sollicitations mécaniques sur le long terme.
Les verres font partie intégrante de notre quotidien, dans nos bâtiments, véhicules et de nombreux objets courants comme la vaisselle. Leurs caractéristiques techniques les rendent utiles dans des technologies avancées, par exemple comme matériaux résistants aux contraintes thermiques ou mécaniques, (protections de téléphones portables ou écrans de télévision), dans la production d’énergie bas carbone (couvrant des panneaux solaires) ou dans des satellites. Le verre subit alors des dommages de nature et d’origine diverses comme l’usure courante, l’abrasion liée aux éléments et au sable, l’irradiation, les hautes températures, etc. Ceci peut conduire à une dégradation de ses propriétés physiques et mécaniques et à la casse des appareils qui en dépendent. L’analyse post-mortem révèle fréquemment des défauts du matériau qui contribuent à sa destruction en permettant la propagation de fissures lors de la corrosion sous contraintes (CSC). Des études ont montré que la résistance à la CSC pouvait être améliorée en irradiant le verre aux électrons. Cependant, l’analyse de la composition des verres utilisés montre qu’elle se trouve dans une lacune de miscibilité du verre SiO2-B2O3-Na2O (SBN). La question est alors : la lacune de miscibilité est-elle un facteur contribuant à l’amélioration de la résistance du verre à la CSC ? L’objectif de ToughGlasses est d’apporter des éléments de réponse, et ainsi d’améliorer notre compréhension des mécanismes complexes de la CSC.
Notre motivation dans ToughGlasses est de comprendre comment la separation de phase affecte les propriétés de CSC des verres SBN. Pour cela, nous avons sélectionné un échantillon de verre homogène (SBN12, avec [SiO2]=59.6 mol%, [B2O3]=23.9 mol%, et [Na2O]=16.5 mol%) et deux compositions pour lesquelles une séparation de phases amorphe (SPA) en 3 phases est attendue (SBN42: [SiO2]=70 mol% , [B2O3]=23 mol% et [Na2O]=7 mol% , ainsi que SBN96 : [SiO2]=62.9 mol%, [B2O3]=29.6 mol% et [Na2O]=7.5 mol%). Ces échantillons ont été fabriqués à l’IPR (institut de physique de Rennes). Ils ont subi un recuit à l’IPR pour encourager la séparation de phase avec un protocole strict et à des températures et pour des durées précises. La structure des verres affecte toutes leurs propriétés, au-delà de la CSC. C’est pourquoi nous avons utilisé une approche globale et les échantillons ont subi de nombreux tests pour déterminer leurs propriétés physiques et structurales. Enfin, ils ont subi des tests de CSC dans des environnements contrôlés. Ces travaux ont été accompagnés de simulations numériques pour décrire les propriétés thermo-physique des verres.
Le recuit a permis la SPA comme attendu pour les compositions dans la lacune de miscibilité, avec une décomposition spinodale pour les échantillons SBN42 et SBN96. Des études de résonance magnétique nucléaire (RMN) ont montré la présence préférentielle des ions Na+ dans la phase riche en bore. Des tests de CSC utilisant une machine de Deben et des échantillons DCDC ont été effectués sur les verres SBN12, SBN42 et SBN96 ayant ou non subi des recuits. Le verre SBN12 a permis la mise en place du dispositif expérimental et la validation des protocoles. Les résultats concernant SBN42 et SBN96 montrent de nettes améliorations de la résistance à la CSC apportées par la SPA et sa microstructure en réseau 3D. Premièrement, la SPA conduit à deux pentes distinctes dans le régime I de la CSC. Ensuite, la taille des phases secondaires retarde la propagation de fissures en CSC.
Il est clair que la structure à l’échelle microscopique (des anneaux de la structure vitreuse à la microstructure des separations de phase) joue un rôle dans la résistance à la CSC des verres SBN. Cependant, des expériences permettant de manipuler cette structure restent hors de notre portée aujourd’hui. Ceci complique notre compréhension des interactions entre les fissures et les différentes phases pendant la CSC. Des simulations comme la dynamique moléculaire (DM) peuvent apporter des éléments de réponse. De plus, l’aspect cinétique de la SPA est important.
Ce projet a conduit à des publications dans des journaux à comités de lecture (3 + 3 en préparation) et des présentations lors de conférences internationales, workshops et séminaires (>20). Nous organiserons une journée thématique sur la mécanique des verres avec l’USTV fin 2023 ou en 2024. Elle sera suivie d’une école d’été en 2025 ou 2026, à laquelle nous présenterons à la communauté les résultats principaux de ToughGlasses. Nous avons organisé une session intitulée « Strength, Fracture, and the Mechanical Properties» au 26e congrès international des verres à Berlin en 2022, qui est une conférence majeure du domaine.
ToughGlasses est un projet de recherche fondamentale motivé par la nécessité de prédire (puis de contrôler et d’améliorer) la durabilité mécanique des verres sur le long terme. Les verres d’oxydes sont utilisés pour de nombreuses structures (panneaux de protection, satellites, cellules photovoltaïques…) subissant des sollicitations variées (corrosion sous contrainte, vents, irradiations, température élevée…) pouvant amener un endommagement intempestif et/ou l’altération de leurs fonctionnalités. Des études récentes ont dévoilé une méthode très innovante pour améliorer la réponse en corrosion sous contrainte qui consiste à irradier électroniquement le matériau. Cependant, l’irradiation par électrons modifie aussi la composition chimique et amène la composition du système chimique proche de sa zone de démixtion. La question qu’on se propose de résoudre ici est de vérifier si l’apparition de zone de demixtion est bien responsable de l’amélioration du comportement en corrosion sous contrainte, puis de l’étudier pour ensuite aboutir à l’application en utilisant cette méthode de manière à augmenter la tenue en service des verres.
Madame Cindy Rountree (Service de Physique de l'Etat Condensé)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
DPC Département de Physico-Chimie
IPR Institut de Physique de Rennes
SPEC Service de Physique de l'Etat Condensé
Aide de l'ANR 408 738 euros
Début et durée du projet scientifique :
mars 2018
- 48 Mois