OxyCat_CO2 vise à mettre au point des catalyseurs hétérogènes d’époxydation et de cycloaddition fonctionnant simultanément, dans des conditions douces, pour convertir des alcènes en carbonates cycliques à partir de CO2 et de O2 de l’air. Cette approche, économe en atomes, participe à la valorisation du CO2.
Le réchauffement climatique est un des plus grands défis de l'humanité et, aujourd'hui, il est impératif de trouver des solutions pour limiter la concentration des gaz à effet de serre, dont CO2, dans l'atmosphère. Pour cela, la chimie offre des solutions qui permettent de voir CO2, non pas comme un déchet, mais comme une source de composés à haute valeur ajoutée. Cependant, sa conversion n'est pas une tâche aisée. Des catalyseurs efficaces sont requis. Parmi les différentes cibles, la formation de carbonates cycliques biodégradables, obtenus par réaction du CO2 avec des époxydes, suscite actuellement un intérêt croissant. En effet, ces composés ont une large gamme d'applications en tant que monomères dans les plastiques ou comme solvants pour les peintures, batteries ou dégraissants. Il paraît cependant plus intéressant encore de partir de précurseurs organiques plus abondants et moins chers que les époxydes, en l’occurrence les alcènes tels que le styrène qui sont produits industriellement en grande quantité. Ce projet a pour objectif la mise au point d’une réaction globale de synthèse de styrène carbonate à partir du styrène en présence de CO2 et d’un oxydant propre : O2.
Pour réaliser dans un même milieu des réactions d’époxydation et de cycloaddition de CO2 sur des époxydes, il faut pouvoir disposer de catalyseurs aptes à fonctionner aux mêmes températures et pressions. En général, les réactions de cycloaddition les plus efficaces opèrent, grâce à des halogénures de tétraalkylammonium, au-delà de 100°C et de 10 bars de CO2, tandis que les réactions d’époxydation aérobie, basées sur une catalyse redox et des donneurs d’électrons sacrificiels, sont optimales à des températures plutôt basses (< 80°C). L’enjeu ici était donc de concevoir des systèmes catalytiques multi-fonctionnels visant à abaisser les conditions côté cycloaddition, grâce à l’utilisation d’acides de Lewis adaptés. Des catalyseurs impliquant des bases de Schiff (pyrrole ou salophen) et divers ions métalliques (Zn2+, Mn3+, Ni2+, Cr3+) ont ainsi été préparés. Parmi ceux-ci, ceux à base de Mn3+ ou de Cr3+ présentent l’intérêt de participer potentiellement à la catalyse des deux réactions. D’abord, ces combinaisons ont été testées en solution, puis certaines ont été transposées sur support, une fois assurés que les différentes phases actives ne se nuisent pas l’une l’autre.
Côté cycloaddition, il a été montré que 1) les complexes salophen-chrome, notamment ceux porteurs de groupement amine, permettaient la formation quantitative de styrène carbonate à plus basses températures et que 2) l’hétérogénéisation de sels de tétralkylammonium sur silice mésoporeuse augmentait nettement leur efficacité dans cette réaction par effet de synergie avec le support. Enfin, nous avons réussi à obtenir un rendement maximum de 31% pour la réaction globale même s’il a fallu introduire les catalyseurs séquentiellement. Pour l’époxydation, de façon surprenante, le complexe métallique a paru ne pas être nécessaire.
L’utilisation simultanée de CO2 et O2 permet de diminuer le risque de formation de mélanges explosifs entre O2 et les composés organiques. Elle évite également la séparation énergivore préalable du CO2 de l’air en exploitant le potentiel oxydant encore présent dans des fumées, redouté lors de l’absorption (cf ANR Dalmatien, ANR-11-SEED-0006). Nous avons montré la faisabilité de la conversion globale des alcènes en carbonates cycliques. Un système catalytique simplifié basé sur un sel d’ammonium quaternaire, un complexe métallique non redox actif et un aldéhyde sacrificiel pourrait suffire.
Ce projet a donné lieu pour l’instant à 6 publications dans des journaux internationaux. Plusieurs autres manuscrits sont en cours de rédaction, y compris une revue bibliographique (Partenaires 1 et 2). Malgré la crise sanitaire, les résultats ont pu être présentés par oral en conférence ou séminaires (18) ou via des posters (6). D’autre part, les participants du projet ont été impliqués dans diverses actions de vulgarisation scientifique liées à la chimie du CO2.
Le projet OxCyCat-CO2 a pour objectif d’utiliser CO2 à la fois comme réactif et comme solvant (conditions supercritiques) pour préparer des carbonates cycliques d’intérêt en partant directement des oléfines correspondantes via une réaction « one-pot » impliquant également un oxydant propre : le peroxyde d’hydrogène ou le dioxygène associé à un réducteur. A cette fin, de nouveaux catalyseurs hétérogènes multi-fonctionnels seront développés en combinant, sur un même support mésoporeux, des phases actives capables de catalyser successivement dans le même milieu et les mêmes conditions de température et de pression l’époxydation des alcènes puis la cycloaddition de CO2 sur les époxydes.
Deux librairies de ligands, des polyoxométallates lacunaires (W-POMs) et des bases de Schiff azotées (BS-4Ns) sont disponibles au sein du consortium. Les premiers, W-POMs, seront utilisés tels quels pour catalyser l’époxydation des alcènes en présence de H2O2 et seront confrontés à des complexes du manganèse (III) impliquant les bases de Schiff azotées aptes à catalyser la même réaction en présence du dioxygène et d’un aldéhyde. Les mêmes bases de Schiff azotées associées à du zinc(II) seront également exploitées pour la réaction de cycloaddition de CO2 sur les époxydes. Ces différentes phases actives seront ensuite combinées, permettant ainsi la définition de deux classes de systèmes catalytiques bi-fonctionnels selon que ces derniers font intervenir i) à la fois des polyoxométallates et des complexes à bases de Schiff azotées (“Mix POM / BS-4N”) prévus pour fonctionner avec H2O2/CO2, ou ii) uniquement des complexes issus de bases de Schiff (“all BS-4Ns”) prévus pour fonctionner avec O2/CO2.
Dans un premier temps, ces combinaisons seront testées en solution. Nous nous assurerons, en particulier, que les deux phases actives peuvent fonctionner en synergie dans des conditions de solvant, de température et de pression comparables sans se nuire l’une l’autre. Un enjeu important du projet consiste à abaisser la température optimale de la réaction de cycloaddition de CO2 via le design de ligands BS4N adaptés avec le concours des collègues de chimie théorique impliqués dans le consortium. Les réactions seront d’abord réalisées en solvant organique, a priori dans l’acétonitrile, puis transposées dans CO2 supercritique. Ce dernier solvant sera privilégié, en particulier pour les combinaisons de CO2 avec O2 afin de limiter les risques d’explosivité. De plus, cette association laisse espérer la possibilité de pouvoir utiliser le CO2 d’émissions non complètement purifiées. Quelques alcènes représentatifs des besoins industriels seront envisagés. Des versions chirales des systèmes catalytiques “all BS-4Ns” seront réalisées puis testées dans le cadre de l’époxydation énantiosélective des alcènes puis pour le processus global.
Les polyoxométalates seront alors greffés par des liaisons amide à la surface de silices mésoporeuses et les complexes avec des ligands BS-4N par des liaisons Si-O-Si. Pour des raisons de simplification, et de façon ultime, on pourra privilégier, dans le cas de “all BS-4Ns”, l’utilisation d’un seul complexe métal/BS-4N pour jouer les deux rôles ou bien, dans le cas de “Mix POM / BS-4N”, la pré-association des deux entités au sein d’un édifice qui sera greffé par le biais de liaisons amide.
Monsieur Franck LAUNAY (Laboratoire de Réactivité de Surface)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
ISA - CNRS Institut des Sciences Analytiques
LRS Laboratoire de Réactivité de Surface
IRCELYON Institut de Recherches sur la Catalyse et l'Environnement de Lyon
IPCM Institut Parisien de Chimie Moléculaire
Aide de l'ANR 508 872 euros
Début et durée du projet scientifique :
septembre 2017
- 48 Mois