DS0802 -

Les campagnes françaises dans la dynamique des migrations internationales – CAMIGRI

Les campagnes françaises dans la dynamique des migrations internationales

Face à un état de l'art lacunaire des études migratoires dans les campagnes en France et constatant la persistance du cloisonnement des recherches par catégories de populations, CAMIGRI adopte un nouveau point de vue transversal destiné à éclairer les dynamiques rurales contemporaines dans un grand quart sud-ouest du territoire.

Le prisme des migrations internationales pour revisiter l’évolution des mondes ruraux contemporains

Le projet CAMIGRI a pour objectif de revisiter l’étude des campagnes françaises au prisme des migrations internationales et de la diversification croissante des formes de mobilité. L’hypothèse principale est basée sur le fait que les migrants internationaux se sont progressivement imposés comme des acteurs de transformations démographiques, économiques et socio-culturelles qui caractérisent l’évolution récente des campagnes françaises. Qu’ils interviennent directement en tant qu’acteurs économique, politique ou social ou bien qu’ils soient à l’origine de prises de positions habitantes, d’initiatives nouvelles ou de mobilisations citoyennes locales, les migrants internationaux révèlent certaines formes de recompositions socio-spatiales des mondes ruraux. En poursuivant cet objectif, le programme CAMIGRI permet de mieux décrypter ces dynamiques et de les intégrer au champ de la connaissance des études rurales et migratoires. Il aboutit, par le développement de collaborations étroites avec des artistes et des acteurs de la société civile, à un partage et une diffusion de l’ensemble de ses productions dans les territoires investis par la recherche.

Le projet adopte une méthodologie mixte développée dans les territoires ruraux situés dans un grand quart sud-ouest de la France. Celle-ci repose sur deux principes communs appliqués sur les terrains de recherche : Saumurois et Loudunais, Périgord Vert, Pyrénées Ariégeoises. Il s’agit d’abord de privilégier l’entrée par des territoires, regroupant plusieurs communes rurales, une échelle d’analyse jugée pertinente pour pouvoir articuler différentes formes de présences étrangères dans un même espace. Cette posture permet d’inscrire ces présences dans des dynamiques rurales générales (démographiques, résidentielles, agricoles, etc) et d’en révéler les potentielles contributions. Il s’agit également de combiner une approche statistique multi-source et multi-date (Données du recensement de la population depuis 1968 ; données notariales PERVAL sur les transactions foncières, immobilières et commerciales, données sur les entreprises SIRENE) avec des approches qualitatives (observations continues, entretiens biographiques et semi-directifs, suivis des associations et des mobilisations) et sensibles (collaborations avec des artistes : photographe, auteurs de Bande dessinée) pour rendre visible et manifester la présence étrangère dans les espaces ruraux.

A l’issue du programme, on identifie plusieurs résultats marquants. Malgré la faiblesse persistante des effectifs de populations étrangères et immigrées en milieu rural, les campagnes de l’ouest connaissent actuellement un double mouvement (1) d’installation croissante des migrants internationaux (« spontanée » : cas des migrations de travail ou d’aménités ; ou « forcée » : exemple des exilés) et, (2) surtout de diversification des nationalités et des profils sociodémographiques en présence. (3) Ces nouveaux habitants des campagnes françaises contribuent à leur mesure et selon diverses modalités au repeuplement de territoires en déprise, à la revitalisation de secteurs économiques en difficulté (agriculture, tourisme), à l’émergence de nouvelles sociabilités et, parfois même, au développement d’initiatives entrepreneuriales inédites.

Au cours du programme, les travaux concernant les présences migrantes dans les espaces ruraux français se sont multipliés et ont concerné l’ensemble des régions françaises. D’un sujet qui nous semblait assez singulier au démarrage du projet, il est devenu un champ d’étude plus investi aujourd’hui. On notera que dans le cadre formel du programme une dizaine de mémoires de Master ont été encadrés, plusieurs thèses ont été ou vont être soutenues sur plusieurs aspects du projet. Aussi, les occasions de dialogue avec des travaux développés par des collègues en France et à l’étranger constituent une nouvelle opportunité pour engager d’autres programmes scientifiques (CAMPOS, porté par David Lessault au laboratoire ESO-Angers et une collaboration à venir avec l’Université Bordeaux Montaigne et l’Université de Barcelone coordonnée par William Berthomière au laboratoire PASSAGES-Bordeaux). A travers ces prolongements, Camigri conserve sa double originalité d’aborder l’ensemble des migrations internationales (alors qu’elles restent cloisonnées par grandes catégories dans les autre travaux) et d’envisager sa réflexion du point de vue des campagnes et non de celui des populations migrantes. Cette posture nous semble féconde d’autant plus qu’elle s’inscrit dans un ensemble régional singulier, le Grand Ouest - voir l’ensemble « Arc Atlantique » de l’Union Européenne - qui présente des caractéristiques spécifiques en termes de présences étrangères. Une prochaine étape consistera certainement à une mise en perspective internationale des résultats obtenus et à la consolidation de collaborations scientifiques à l’échelle européenne.

Camigri développe une stratégie de valorisation diversifiée de ces résultats à destination de la communauté scientifique nationale et internationale et à destination du grand public. Deux articles phares du projet publiés dans des revues scientifiques de rayonnement national - (1) « Présences étrangères dans les campagnes du Sud-Ouest de la France. Contribution d’initiatives récentes à la diversification sociale et économique des espaces ruraux », Cybergéo ; (2) « L’accueil des exilés dans les espaces ruraux en France : orientations nationales et déclinaisons locales d’une politique de dispersion », REMI - sont en cours de traduction (Anglais). (3) La coordination d’un numéro spécial de la revue Etudes Rurales intègre les travaux complémentaires de collègues livrant leur expertise dans d’autres régions rurales de l’Europe : « Dispositifs et initiatives d’installation de personnes en migration dans les campagnes. Etudes de cas en Europe du Sud (France, Espagne, Italie) ». Enfin, (4) les productions artistiques « Fragments d’ancrage » (Photographie) et « Village Global » (Bande dessinée) complètent, par le biais d’expositions itinérantes et de conférences-débats, le dispositif de diffusion des résultats auprès du grand public dans les territoires du programme et au-delà.

Le projet CAMIGRI entend revisiter l’étude des campagnes françaises au prisme des migrations internationales et de la diversification croissante des formes de mobilité. Notre hypothèse principale est que les migrants internationaux se sont progressivement imposés comme des acteurs de transformations démographiques, économiques et socio-culturelles qui caractérisent l’évolution récente des campagnes françaises. En effet, ils participent de plus en plus à la reprise démographique constatée de certains espaces ruraux, portée pour l’essentiel par le croît migratoire. Leur insertion économique et sociale au niveau local peut poser un défi aux collectivités territoriales tout comme elle est une opportunité de diversification socio-culturelle d’espaces souvent considérés comme « isolés », repliés sur eux-mêmes ou en retrait des espaces migratoires internationaux. Qu’il s’agisse du rôle que les migrants peuvent jouer dans le peuplement d’espaces en déprise démographique, dans le développement économique de secteurs en crise ou encore du redéploiement actuel des dispositifs d’accueil des demandeurs d’asile, la contribution potentielle des migrations internationales à la dynamique des territoires ruraux fait l’objet d’une attention soutenue de la part de la communauté scientifique et des décideurs politiques en France et en Europe. Autant d’éléments de contexte qui plaident pour la mise en place d’un programme de recherche permettant d’appréhender à la fois de manière quantitative et qualitative la diversité des dynamiques et des contextes migratoires qui intéressent aujourd’hui le milieu rural français.

La visibilité sociale ou l’invisibilité statistique des migrants est fortement dépendante des dispositifs d’observation et des catégories analysées. Les lacunes de la statistique publique et la perception pérenne dans les représentations collectives du « migrant » comme personne « immigrée » ou « étrangère », au sens des définitions statistiques, nous amènent à proposer une lecture des campagnes en termes de circulation internationale. En privilégiant une entrée par des espaces ruraux identifiés dans la région du Sud-ouest, CAMIGRI propose d’étudier la diversité des formes de migrations internationales - de la circulation temporaire à l'ancrage permanent, de l'inscription ponctuelle aux installations pérennes - dont les conséquences sur les territoires ruraux ne peuvent être examinées à partir des seules connaissances existantes. Ces effets sont étudiés dans trois principaux domaines de mutations des campagnes françaises : (1) la transformation des espaces résidentiels dont l’analyse met en évidence de nouveaux modes d’habiter ; (2) les systèmes agricoles dans lesquels les migrants ont des impacts importants sur les recompositions paysagères, foncières, et sur l'évolution des réseaux d'approvisionnement alimentaire ; (3) les politiques d’accueil des demandeurs d’asile en milieu rural qui interrogent les réactions et capacités d’intégration des sociétés rurales. Proposant une lecture transversale de ces processus, CAMIGRI se positionne à la rencontre de plusieurs champs de recherche (Etudes rurales et migratoires) et de composantes de la vie des campagnes (résidentielle, économique et politique). Le projet contribue à l’émergence de nouveaux questionnements qui appellent des réponses d’ordre scientifique, méthodologique et politique. Il apporte ainsi une contribution originale à la compréhension de l’évolution récente des campagnes, des nouvelles logiques migratoires et des capacités des sociétés et des politiques publiques à répondre à ces dynamiques de changement.


Coordination du projet

David Lessault (Migrations Internationales Espaces et Sociétés - Centre Nationale de la Recherche Scientifique)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

MIGRINTER-CNRS Migrations Internationales Espaces et Sociétés - Centre Nationale de la Recherche Scientifique

Aide de l'ANR 204 552 euros
Début et durée du projet scientifique : septembre 2016 - 36 Mois

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