DS0804 -

La perception change avec l'évolution des représentations d'actions – PERCERA

Comment perçois-tu cet objet ? Cela dépend de ce que tu sais faire avec.

Le projet s’intéresse à la question générale des interrelations entre perception, action et cognition, considérées ici comme des sources de changement. Si la manière avec laquelle les individus perçoivent et se représentent leur environnement dépend de leur propre répertoire et capacités d’actions, alors les changements dans ce répertoire et ces capacités d’actions entraineront des modifications dans la perception et la représentation de l’environnement.

Les conséquences de l’implication de représentations d’action multiples sur la perception.

Les théories de la cognition incarnée postulent l’existence de liens intimes entre perception, action et représentations d’objets. La perception d’objets manipulables ou d’actions dirigées vers ces objets activerait les mêmes représentations d’actions que celles en jeu dans l’exécution d’actions réelle. Or un objet peut être associé à différents gestes servant à atteindre différents buts. De multiples représentations d’actions peuvent donc être simultanément activées. Lorsque l’individu agit, il doit sélectionner et intégrer les représentations d’action pertinentes et ces processus affectent la réalisation de l’action. Si les représentations d’action sont également recrutées en dehors d’action réelle, alors le traitement perceptif devrait aussi être influencé par l’étendue et la gestion des différentes représentations d’actions activées. Par conséquent, l’objectif est de caractériser les mécanismes sous-tendant la compétition et l’intégration entre représentations d’action lors de la perception des objets et des actions d’autrui. Les représentations d’action et les capacités de gestion de la compétition entre alternatives étant dynamiques, il s’agit en outre de mettre en évidence les modifications perceptives causées par des changements développementaux, interindividuels et contextuels dans le traitement de l’action.

Un protocole évalue la perception d’objets en environnement virtuel. Les participants réalisent différents types de jugements perceptifs sur les objets présentés à différentes distances. Pour moitié les objets sont conflictuels, c’est-à-dire associés à des gestes de saisie et d’utilisation différents. Lorsque les objets conflictuels sont potentiellement atteignables, les représentations gestuelles activées entrent en compétition et ralentissent leur traitement perceptif. Nous avons évalué comment le coût de la compétition entre représentations gestuelles évoluaient entre 8 ans et l’âge adulte. Nous avons également étudié les corrélats neuronaux de ce coût de traitement en électroencéphalographie et sa modulation par la présentation de verbes d’action.
Un second protocole mesure l’identification d’actions présentant des violations de gestes et/ou de but. Il met à l’épreuve l’activation et la compétition entre les représentations de geste et de but d’une même action. Les participants jugent si des photographies d’actions sont correctes ou non. L’identification des actions est évaluée aux niveaux comportemental et cérébral grâce à l’électroencéphalographie et à la stimulation magnétique transcrânienne. Une étude associe également des questionnaires évaluant le fonctionnement social.

Le traitement perceptif des objets est ralenti par la compétition entre représentations gestuelles. Ce coût ne suit pas un développement linéaire, il est présent chez le jeune enfant et l’adulte mais disparaît à l’adolescence. Il se reflète au niveau cérébral par une suppression de la résonnance motrice lors de la perception de l’objet, plus ou moins importante selon le contexte verbal. La reconnaissance des actions dirigées vers les objets suit un modèle prédictif, même lorsque les indices contextuels sont minimaux. Une représentation du but de l’action est d’abord activée avant d’être intégrée à celle du geste. La primauté du but sur le geste est modulée par le fonctionnement social de l’observateur. Ces résultats démontrent une implication dynamique des représentations d’actions de geste et de but dans la perception.

Les travaux réalisés soulignent trois sources de changement important dans les liens entre perception, action, et représentations : le développement, les caractéristiques de personnalité individuelles et le contexte. Ces changements peuvent affecter la spécification et la sélection des représentations d’actions, deux mécanismes complémentaires décrits dans la littérature sur la planification des actions. Nous proposons par conséquent d’étendre les enjeux et questions des modèles de sélection des affordances à toutes les situations d’interaction hypothétique avec l’environnement. Les défis pour les recherches futures sont de mieux comprendre le rôle des représentations de but de haut niveau (attentes sur les intentions de l’autre, demandes liées à la tâche, etc.) sur la spécification et sélection des représentations d’actions en situation perceptive et d’examiner la variabilité inter-individuelle de manière plus systématique. L’accès aux représentations des buts des actions d’autrui est en outre un mécanisme fondamental à étudier pour l’examen et la prise en charge de plusieurs déficits cognitifs et sociaux. Les résultats du projet soulignent également la pertinence de considérer les relations action-perception dans une perspective développementale sur les plans théorique et pratique. Les périodes de transitions comme l’adolescence ou la retraite devraient recevoir une attention toute particulière. Par ailleurs, le phénomène de compétition entre représentations d’action devrait être pris en compte en ergonomie, en robotique et dans les interfaces homme-machine. Enfin, le rôle du contexte verbal sur les liens action-perception est important à considérer pour la création d’images à visée pédagogique, marketing, ou culturelle.

Les résultats du projet ont fait l’objet de 6 publications dans des revues internationales à comité de lecture ; plusieurs articles sont encore en cours. Ils ont été présentés et discutés lors de multiples congrès nationaux et internationaux. Ces travaux ont donné lieu à des collaborations nationales et internationales nouvelles dans les domaines du traitement des images de haute qualité et des liens perception-action. Enfin, ce projet sert de fondement à deux thèses de doctorat en psychologie cognitive.

Le projet s’intéresse à la question générale des interrelations entre perception, action et cognition, considérées ici comme des sources de changement. Si la manière avec laquelle les individus perçoivent et se représentent leur environnement dépend de leur propre répertoire d’actions, alors les changements dans ce répertoire d’actions entraineront des modifications dans la perception et la représentation de l’environnement. Les travaux sur la planification de l’action indiquent que de multiples représentations d’actions guident la réalisation des actions et que la compétition entre ces représentations affecte leur exécution. De plus, l’exécution réelle des actions d’une part, et la perception des actions et celle des objets d’autre part, seraient sous-tendues par des processus similaires. Nous envisageons donc que la compétition entre représentations d’actions affecte également la perception. Par ailleurs, le recrutement et la gestion des représentations d’action peuvent évoluer au cours du développement et changer sous la pression de facteurs contextuels et environnementaux. Par conséquent, le projet vise à identifier les mécanismes qui sous-tendent la compétition entre représentations d’action au cours de la perception des objets et des actions. Il a également pour ambition de mettre en évidence les changements dans le traitement perceptif qui peuvent être causés par les modifications développementales et contextuelles du traitement de l’action.
Le projet envisage un modèle des représentations d’action à plusieurs niveaux et se centrera sur trois objectifs. Chaque objectif combine les problématiques et méthodes de la psychologie cognitive, développementale et sociale, et des neurosciences à travers les expertises complémentaires de quatre jeunes chercheurs situés dans le nord de la France. L’objectif 1 est d’étudier les changements développementaux, contextuels, et sociaux qui se produisent dans l’évocation et la gestion des représentations gestuelles au cours de la perception d’objet. Des données préliminaires indiquent que la perception d’objets associés à des gestes structuraux et fonctionnels distincts entraine un coût de traitement. Dans trois études comportementales, nous évaluerons comment ce coût évolue avec l’âge (enfants, adultes jeunes et âgés) et comment il peut être modulé par les conditions de présentation de l’objet et par des variables sociales comme le pouvoir. La perception d’objet sera examinée à l’aide d’un paradigme en réalité virtuelle récemment développé. L’objectif 2 est de tester l’organisation hiérarchique des représentations d’action et de spécifier comment et quand les représentations du geste et de l’intention participent à la compréhension des actions. Dans quatre études, nous identifierons la dynamique temporelle du décodage des actions aux niveaux comportemental et cérébral et nous testerons comment les contextes visuel et social modifient cette dynamique. Des images d’actions contenant des violations de geste ou d’intention ont été élaborées dans ce but. L’objectif 3 est d’identifier les marqueurs neuronaux du conflit entre représentations d’actions en perception à l’aide de l’électroencéphalographie. Une étude sera centrée sur le conflit entre gestes distincts au cours de la perception d’objet (cf. objectif 1), une autre sur le conflit entre représentations de geste et d’intention incongruentes au cours de la perception d’action (cf. objectif 2). Les résultats alimenteront les conceptions théoriques sur la perception, la sémantique de l’action, et la cognition incarnée. Ils permettront également de déterminer les périodes de la vie au cours desquelles la perception est particulièrement affectée par la compétition entre représentations d’actions et d’identifier les facteurs qui pourraient réduire le coût de cette compétition. Ils auront un impact notable dans les domaines de l’éducation, de la réhabilitation des déficits neurologiques et de l’innovation technologique liée à l’image.

Coordination du projet

Solène KALÉNINE (Université de Lille - Sciences Humaines et Sociales)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

UDL - SHS Université de Lille - Sciences Humaines et Sociales

Aide de l'ANR 203 130 euros
Début et durée du projet scientifique : - 36 Mois

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