Les granules phototrophes pour le traitement des eaux usées – PSST
Les PhotogranuleS comme alternative aux STations d’épuration conventionnelles
Il est possible de transformer une boue activée de station d’épuration en photogranule oxygénique (OPGs) lorsqu’on l’expose à la lumière. Les OPGs sont des billes vertes de quelques millimètres de diamètre qui traitent les eaux usées en utilisant directement l’O2 produit lors de la photosynthèse. Les OPGs convertissent en parallèle le CO2 libéré lors du traitement de la pollution en biomasse d’intérêt. Les OPGs peuvent devenir une alternative crédible aux stations d’épuration pour la bioéconomie
L’objectif général est d’identifier les paramètres biotiques et physico-chimiques qui conduisent à la photogranulation. Cela va permettre une stratégie d’ingénierie écologique d’un bioprocédé à OPGs.
La dépollution efficace des eaux usées a été une avancée décisive dans le développement de l’Humanité. Dans les pays développés, le traitement centralisé des eux usées est maintenant généralisé, au prix d’un coût économique, énergétique et environnemental élevé. Actuellement, la priorité est donnée à l’élimination de la matière organique et inorganique, en N2 et CO2 principalement, qui partent dans l’atmosphère. En utilisant les photogranules découverts récemment dans un procédé de traitement, il serait possible d’extraire des bioressources à partir des eaux usées (C, N, etc. sous la forme de molécules à forte valeur ajoutée). Dans le cas des pays en voie de développement, les procédés à photogranules peuvent ainsi permettre la viabilité économique d’un système de traitement des eaux usées grâce aux multiples valorisations possibles. <br />Dans le cadre de ce projet, nous comptons décrire les mécanismes écologiques qui expliquent le processus de photogranulation, et se servir de ces connaissances pour éco-concevoir un nouveau bioprocédé. Malgré les applications potentielles évidentes des recherches menées, le projet est très focalisé sur de la recherche fondamentale en écologie microbienne. En complément, des études de bioprocédés en réacteur séquentiel discontinu et une analyse en cycle de vie sont menées pour identifier les points les plus critiques du point de vue environnemental pour le futur développement d’un bioprocédé à photogranules. Le fait d’identifier précocement les points faibles permet de focaliser les efforts sur des modèles de laboratoire avant de penser au changement d’échelle en essais pilote. L’approche d’éco-conception au sein de ce projet, mise en œuvre immédiatement après avoir obtenu la preuve de concept de l’intérêt des photogranules pour le traitement des eaux, devrait très certainement apporter une alternative crédible aux systèmes actuels de traitement des eaux.
La photogranulation est le processus de transformation d’une boue activée en photogranules (OPG) en plusieurs semaines en présence de lumière ; observé pour la première fois dans un flacon posé au bord d’une fenêtre. Dans ces conditions, un seul OPG est formé par flacon. Nous avons montré que les OPG formés en condition statique étaient morphologiquement similaires aux OPG obtenus en conditions turbulentes en SBR. L’ensemble des techniques permettant de produire des OPG seront utilisées dans les 3 tâches expérimentales du projet.
Après comparaison morphologique et des structures de communautés, nous avons fait l’hypothèse que le mécanisme de formation des OPG devait être similaire, malgré les dispositifs très différents pour produire ces OPG. Nous pouvons donc utiliser des OPG produits de façon statique pour observer la formation et la maturation les OPG dans le temps, et extrapoler nos observations en bioréacteurs où il est impossible d’obtenir cette information temporelle. Le lien entre les deux dispositifs d’incubation et la formalisation des mécanismes de formation des OPG sera réalisé grâce à la modélisation mathématique.
Les cinétiques de formation des OPG sont réalisées par un dispositif de prise d’images automatisées mis au point durant ce projet. Tout du long du projet, les communautés microbiennes seront analysées par métabarcoding via séquençage des ADNr 16S et par métagénomique. Un banc d’essai de microélectrodes a été mis en place pour mesurer des gradients physico-chimiques au sein des OPG.
La partie expérimentale du projet est étroitement couplée à des analyses en cycle de vie, qui seront raffinées au cours du projet à mesure que les données seront produites. Nous espérons obtenir ainsi en fin de projet une évaluation environnementale solide du bioprocédé à OPG. L’ACV nous a déjà permis d’identifier les goulots d’étranglements majeurs sur lesquels nous devons travailler pour minimiser les impacts environnementaux de ce nouveau procédé.
Les doctorants Hicham Ouazaite (financé par le projet PSST et par le dpt. MICA de l’INRA) et Esmee Joosten (financée par l’ED Gaïa de l’Univ. Montpellier) sont arrivés en octobre 2017. Esmee cherche à identifier les processus écologiques qui mènent à la granulation. Elle a mis en place un dispositif expérimental permettant de mesurer la cinétique de granulation. Esmee tente de comprendre le rôle de la communauté microbienne dans les échecs de granulation parfois observés en comparant des granules matures et des cultures avortées pour 11 expériences indépendantes (via séquençage de l’ADNr 16S). Les premiers résultats indiquent que les variations saisonnières peuvent expliquer les différences de succès dans la granulation. Hicham s’intéresse aux processus de spatialisation des granules en couplant des expériences de laboratoire et de la modélisation. Il a mis en place un banc d’essai pour microélectrodes afin de mesurer les gradients biochimiques des granules. Les données vont servir à caler un modèle physico-chimique 1D de l’écosystème. Ce modèle va servir ensuite à affiner un modèle individu-centré plus complet en 3D. Nous avons finalisé la mise en place de 4 réacteurs SBR de laboratoire, dont 2 qui fonctionnent depuis 1 an. L’azote est principalement éliminé de l‘eau usée par incorporation dans la biomasse et non par nit/dénit. L’ACV confirme ces premiers résultats expérimentaux. L’ACV préliminaire est terminée et un manuscrit est en préparation pour Water Research. Il est apparu que l’électricité nécessaire pour éclairer le système est telle qu’il sera difficile de prétendre obtenir un système de traitement neutre en énergie. En revanche, la qualité de la biomasse produite peut se révéler intéressante dans la perspective de bioéconomie circulaire. Le couplage des données préliminaires et de l’ACV réalisée très précocement est une stratégie intéressante pour se projeter vers une application potentielle de la recherche fondamentale.
L’activité a pris son essor à l’automne 2017 avec l’arrivée des 2 doctorants. Avec les 6 chercheurs / ingénieurs / téchniciens impliqués fortement sur le sujet (Kim Milferstedt, Jérôme Hamelin, Elie Le Quémeneur, Arnaud Hélias, Michel Torrijos, Anaïs Bonnafous) et un chercheur et un technicien impliqués sur des aspects spécifiques (Jean-Philippe Steyer et Philippe Sousbie) nous avons atteint une masse critique avec des expertises complémentaires permettant d’atteindre les objectifs du projet.
Notre premier article sur les OPG a été très remarqué par des partenaires industriels potentiels. Après consultation de notre équipe de transfert et d’innovation, nous avons décidé d’accélérer le développement du bioprocédé et d’acquérir des données de performances durant l’été afin de consolider la propriété intellectuelle avant de négocier avec des partenaires industriels potentiels une éventuelle application du procédé nécessitant un changement d’échelle.
Nous avons soumis en mars 2018 un projet ECOS-Nord avec le Mexique en collaboration avec Germán Buitrón Méndez à l’Universidad Nacional Autónoma de México (UNAM) sur l’intérêt des photogranules pour le traitement décentralisé de petites sources de pollution. Notre contribution sera principalement l’écologie microbienne et la modélisation, et nous bénéficierons de l’expertise en ingénierie des bioprocédés de notre partenaire mexicain.
Un projet de Partenariat Hubert Curien avec un collègue hollandais est en cours de montage, ce qui nous permettrait de profiter des compétences d’un des spécialistes mondiaux de la modélisation spatiale des systèmes phototrophes.
Abouhend, A.S., McNair, A., Kuo-Dahab, W.C., Watt, C., Butler, C.S., Milferstedt, K., Hamelin, J., Seo, J., Gikonyo, G.J., El-Moselhy, K.M., Park, C., 2018. The Oxygenic Photogranule Process for Aeration-Free Wastewater Treatment. Environ. Sci. Technol. 52, 3503–3511. doi.org/10.1021/acs.est.8b00403
Milferstedt, K., Hamelin, J., Park, C., Jung, J., Hwang, Y., Cho, S.K., Jung, K.W., Kim, D.H., 2017a. Biogranules applied in environmental engineering. Int. J. Hydrogen Energy 42, 27801–27811. doi.org/10.1016/j.ijhydene.2017.07.176
Milferstedt, K., Joosten, E., Hamelin, J., 2018. Cyanobacterial abundance drives photogranulation, in: IWA Biofilms: Granular Sludge Conference. Delft, The Netherlands. March 18-21, 2018.
Milferstedt, K., Kuo-Dahab, W.C., Butler, C.S., Hamelin, J., Abouhend, A.S., Stauch-White, K., McNair, A., Watt, C., Carbajal-González, B.I., Dolan, S., Park, C., 2017b. The importance of filamentous cyanobacteria in the development of oxygenic photogranules. Sci. Rep. 7. doi.org/10.1038/s41598-017-16614-9
Assurer une qualité sanitaire des rejets liés à l’activité humaine est un impératif pour le développement durable de nos sociétés avancées. L’intérêt des stations d’épuration est bien accepté par la population mais les coûts importants associés à leur fonctionnement sont complètement occultés. En particulier, plus de la moitié de l’électricité nécessaire à la dégradation des composés organiques des eaux usées est utilisée pour le transfert d’oxygène gaz/liquide dans le procédé de boue activée. Le coût de fonctionnement des bassins de boue activée rend la généralisation de cette technologie ancienne rédhibitoire pour son déploiement dans les pays en voie de développement. Trouver des alternatives technologiques moins gourmandes en énergie et générant des produits résiduaires mieux valorisables serait une vraie avancée. Des travaux récents basés sur des microorganismes phototrophes ont permis d’atteindre des niveaux de dépollution comparable aux boues activées traditionnelles, malgré le problème bien identifié de la séparation des microalgues de l’eau traitée.
La biomasse granulée permet une bonne séparation de la biomasse de la phase aqueuse mais les organismes phototrophes ne sont typiquement pas connus pour former facilement de telles structures. Depuis plus de deux ans, nous avons développé des conditions favorables à la croissance de granules phototrophes en laboratoire et nous avons caractérisé les communautés microbiennes de ces granules. Ces granules ont le potentiel de devenir à terme un système innovant de traitement des eaux usées dans lequel l’oxygène serait apporté par la photosynthèse réalisée par une couche externe de cyanobactéries présentes à la surface des granules. Cet oxygène est directement consommé sur place par les bactéries présentes à l’intérieur des granules, permettant la dégradation des polluants contenus dans l’eau usée à la manière des boues activées traditionnelles. De plus, cette croissance additionnelle de biomasse due à la photosynthèse permet de générer plus de biomasse convertible en biogaz par méthanisation avec de meilleurs rendements que de la boue activée.
Dans le projet PSST, nous allons étudier les processus qui mènent à la formation des granules phototrophes. Nous allons combiner de la recherche fondamentale en écologie microbienne avec de l’analyse en cycle de vie. La combinaison de l’approche fondamentale de compréhension des principes écologique menant à une granulation efficace avec une approche globale permettant d’évaluer l’impact environnemental du procédé dans son ensemble est très originale et ambitieuse. Des travaux préliminaires ont montrés la pertinence de cette approche combinée et l’approfondissement de ces travaux d’ingénierie écologique devrait aboutir au développement d’une nouvelle configuration de procédés minimisant les impacts environnementaux grâce au pilotage des ressources microbiennes.
En terme d’écologie microbienne, nous allons étudier les caractéristiques fonctionnelles des cyanobactéries nécessaires et suffisantes pour la granulation de la boue activée, si il est possible de granuler d’autres matrices que la boue activée, d’analyser par une approche métagénomique les raisons éventuelles de l’échec de la granulation, et enfin d’estimer la robustesse des communautés sélectionnées par ingénierie écologique en bioréacteur alimenté en continu avec des eaux usées réelles. L’ensemble de ces résultats nous permettra d’évaluer le potentiel de cette nouvelle technologie pour d’autres applications biotechnologiques des granules phototrophes. En terme opérationnel, les données de performances épuratoires en réacteur continu apporteront des informations essentielles pour affiner l’analyse en cycle de vie de cette technologie prometteuse.
Coordination du projet
Kim Milferstedt (INRA LBE)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenaire
INRA LBE INRA LBE
Aide de l'ANR 228 614 euros
Début et durée du projet scientifique :
novembre 2016
- 48 Mois