Invasion mondiale de la drosophile à aile tachetée: Génétique, plasticité et potentiel évolutif – SWING

Depuis plusieurs années, on observe au niveau mondial une recrudescence des problèmes liés à la colonisation d’espèces exotiques envahissantes, en grande partie liée aux activités humaines (développement du commerce international et des moyens de transports intercontinentaux). L’impact des espèces envahissantes est généralement considéré comme néfaste aussi bien au niveau économique (dégâts aux cultures ou problèmes de santé humaine) qu’au niveau environnemental (érosion de la biodiversité). La gestion et le contrôle des populations envahissantes nécessitent une bonne compréhension des processus écologiques et micro-évolutifs en jeu au cours du processus d’invasion. D’un point de vue académique, les invasions biologiques représentent également des « expériences naturelles » pour les biologistes de l’évolution qui étudient les bases génétiques de l’adaptation.
Dans ce projet, nous proposons d’étudier les processus évolutifs en jeu durant une invasion biologique avec un focus particulier sur les mécanismes de l’adaptation. Nous nous intéresserons également au potentiel évolutif de l’espèce envahissante afin de prédire sa capacité d’adaptation à court et à moyen terme.
Cette étude sera réalisée sur une espèce de drosophile (Diptera : Drosophilidae) originaire d’Asie qui a récemment envahit à la fois l’Europe et l’Amérique du Nord : Drosophila suzukii, communément appelée la drosophile à ailes tachetées. Contrairement à la plupart des Drosophiles, cette espèce pond ses œufs sur des fruits sains, grâce à son ovipositeur sclérifié. Elle cause ainsi d'énormes dégâts à la production fruitière, avec un coût mondial annuel estimé à plus d'un milliard d'euros. Sa diffusion rapide en Amérique du Nord et en Europe souligne sa remarquable capacité d'adaptation ou d'acclimatation à de nouveaux environnements.
Nous proposons dans ce projet 1) de quantifier la variation phénotypique des populations native et invasives grâce à des méthodes de génétique quantitative et à l’étude des normes de réactions ; 2) de caractériser, au niveau génomique et transcriptomique, les bases génétiques de l’adaptation au cours du processus d’invasion en déterminant l’importance relative de la sélection naturelle et de la dérive génétique sur la différentiation phénotypique entre populations natives et invasives ; 3) de combiner ces approches phénotypiques et moléculaires afin de mieux comprendre quels sont les traits associés au succès de l’invasion, et d’analyser le rôle des éléments transposable dans l’adaptation ; 4) évaluer les conséquences agronomiques de la plasticité et de la capacité rapide d’adaptation de D. suzukii.

Les points forts de ce projet résident dans i) la complémentarité des approches (moléculaires et phénotypiques), ii) les compétences internationalement reconnues des différents partenaires sur les méthodes et les concepts qui seront abordées dans ce projet, iii) la connaissance et la maîtrise du modèle biologique au sein du consortium, iv) l’échantillonnage déjà réalisé par le consortium qui couvre l’ensemble des régions du monde où l’espèce est présente (ce qui a permis l’obtention de résultats originaux remarquables sur les routes d’invasion de cette espèce), v) le réseau de collaboration déjà mis en place avec le monde socio-économique via divers financements, qui assurera un transfert rapide et efficace des connaissances acquises au cours de ce projet.