FRAL - Programme franco-allemand en Sciences humaines et sociales

Reactivité conditionnelle en France et en Allemagne – CondResp

Conditional responsiveness in France and Germany

Le projet CondResp a eu pour ambition de mieux comprendre dans quel contexte les députés en Allemagne et en France sont susceptibles de répondre aux sollicitations de leurs électeurs. Dans un contexte de rejet croissant des partis de gouvernement et de la classe politique dans son ensemble, ce projet s’est intéressé aux facteurs pouvant faciliter l’échange entre élus et électeurs. L’objectif est de contribuer à une réflexion sur le lien représentatif dans les démocraties contemporaines.

Qu'est-ce qui détermine la réactivité des politiques ?

Ce projet vise à identifier les conditions de la réactivité en se concentrant sur trois facteurs principaux. La littérature développe un certain nombre d’hypothèses à ce sujet. Premièrement, le calendrier politique est primordial : les politiques sont plus réactifs plus près des élections. Ils sont particulièrement réactifs si ces résultats électoraux sont « serrés ». Les chiffres de popularité jouent un rôle similaire en dehors des périodes électorales. Deuxièmement, le contexte institutionnel expose ou brouille les chaînes de responsabilité et facilite ou freine ainsi la réactivité. Enfin, le contexte économique affecte la réactivité dans la mesure où un bilan économique positif permet au gouvernement d'assouplir l’écoute et la tenue des promesses, tandis qu’un ralentissement économique accroît le coût électoral non-réactivité sur d'autres enjeux.<br />La méfiance croissante au sein des démocraties occidentales, en particulier envers les élites dirigeantes, a poussé les chercheurs à approfondir les recherches sur les relations entre électeurs et représentants. La réactivité s’est avérée être un des principaux déterminants de la qualité de cette relation. Pourtant, on sait également que la performance d'un régime peut en elle-même générer ou renforcer un sentiment de confiance et parmi les électeurs.<br />Or les travaux existants échouent à expliquer les déterminants de cette relation. Notre travail est une contribution à cette recherche sur le plan analytique et normatif.

Des travaux empiriques sur la dynamique de l'élaboration des politiques montrent que les périodes de changement intense alternent avec des périodes de moins d’activité (Baumgartner et Jones 2005). Selon cette approche, les décideurs passent la majeure partie de leur temps à résoudre des problèmes plutôt qu'à mettre en œuvre des programmes électoraux (Adler et Wilkerson 2012). La hiérarchie de ces problèmes sur l’agenda leur échappe, ils doivent répondre aux urgences. Cette thèse serait en contradiction avec celle d’une réactivité constante. Nous visons à résoudre ce puzzle en essayant de comprendre comment la dynamique d'élaboration des politiques et la réactivité interagissent.
Nous avons réalisé une expérience en contactant tous les députés français et allemands à deux reprises, afin d'étudier leur réactivité en variant plusieurs variable de contrôle. Sur la base des résultats obtenus, nous avons décidé de prolonger notre travail de recherche afin de donner une image plus complète du travail représentatif, dans la perspective de la rédaction d’un ouvrage comparé sur la représentation en France et en Allemagne. Ainsi, une seconde étude concerne les questions au gouvernement. Nous avons collecté les questions au gouvernement posées au cours des législatures étudiées (la 14e en France, la 18e en Allemagne), afin de voir si, au-delà des services rendus aux électeurs (« constituence service »), les députés posaient des questions particulièrement visibles du point de vue de la circonscription. Afin de mieux comprendre, la place et les modalités de ces questions, nous avons en outre réalisé des entretiens avec des députés. Enfin, nous avons collecté des données agrégées, afin de comparer les dynamiques du lien représentatif au niveau des députés avec des logiques agrégées. Cette partie du travail est encore en cours et les résultats ne sont pas stabilisés.

Les résultats de l’étude principale sont allés à l’encontre de nos attentes initiales. En effet, la « saillance » de l’enjeu semble jouer contre la réactivité. Les taux de réponse ont été bien plus élevés dans les secteurs que nous avions considérés comme moins importants. De même, la « vulnérabilité » électorale semble jouer contre la réactivité. Pour ce qui est du premier point, nous sommes en train d’approfondir notre compréhension. Nous y voyons l’expression d’une sorte de stratégie d’évitement par rapport à des questions trop complexes (l’enjeu économique) ou son caractère politiquement délicat (l’immigration). Il y a peut-être une forme de stratégie de minimiser l’effort de la part des représentants. Ces résultats sont, en tout état de cause, en contradiction avec les résultats d’études comparables aux Etats-Unis. Sur le second élément, l’effet de la vulnérabilité électorale, les résultats sont contre-intuitifs également. En effet, les députés vulnérables électoralement sont également les moins à même de répondre aux sollicitations des électeurs. C’est comme si dans la hiérarchie des priorités les relations avec les électeurs individuels, le contact direct deviendrait moins important dans une situation de fragilité électorale, peut-être profit d’échanges avec une plus grande visibilité, comme les actes publics, les apparitions dans les médias ou autre.
Enfin, nous avons lancé la seconde vague des contacts à la veille du premier tour de l’élection présidentielle en France, c’est-à-dire environ six semaines avant. La seconde vague est actuellement en cours en Allemagne, où les élections parlementaires auront lieu à la fin du mois de septembre. Le taux de réponse a été très nettement plus faible dans les deux pays que lors de la première vague.

Je considère que l’étude a bien réalisé l’essentiel de ses objectifs. Nous avons pu tester les principales thèses mises en avant dans la littérature et nous avons pu remettre en cause certaines de ces thèses, de manière à contribuer à la connaissance du lien représentatif.
La contribution est multiple. Premièrement, comme décrit parmi les objectifs de départ, nous avons enrichi la littérature existante avec le rajout de nouveaux cas. Ces nouveaux cas ont clairement posé problème dans la perspective des travaux empiriques existants.
Mais nous ne nous limitons pas au rejet des explications existantes. Plutôt, nous avons développé (et développons encore) des explications alternatives que nous avons testées sur nos cas. Ainsi, nous avons montré, notamment, que dans des systèmes politiques où la compétition politique est dominée par les partis, la réactivité se situe principalement au niveau partisan. Cela ne veut pas dire que les représentants n’essaient pas de signaler leur attachement à leurs électeurs, mais que cet attachement est plus limité. Il s’exprime bien, comme nous l’avons expliqué plus haut, à travers le « service de circonscription », mais ce type d’activité est pratiquement un luxe, réservé à ceux qui ne sont pas en danger électoralement. Autrement dit, ce type de réactivité est plus courant hors période électorale et pour les candidats qui jouissent d’une marge confortable dans leur circonscription.
Il reste un certain nombre de choses à préciser, néanmoins. Au niveau des questions au gouvernement, nous avons découvert que l’autonomie des députés est bien moindre. Les partis tendent à encadrer assez fermement ces activités relativement visibles. Et les partis contrôlent bien sûr bien plus encore, les prises de position partisanes et le processus législatif à proprement parler.

Deux articles en soumis pour publication et un ouvrage en cours de rédaction.

L'un des principes fondamentaux du gouvernement démocratique est que l'exécutif représente les souhaits des citoyens. Dans sa forme la plus simple, les gouvernements apprécient les souhaits des citoyens à partir des résultats électoraux et des problèmes exprimés publiquement et de répondre à ces exigences en adoptant des lois. Les citoyens à leur tour réajustent leurs priorités politiques au fur et à mesure que les politiques changent. Ce projet examine si et quand les gouvernements répondent aux demandes des citoyens. Notre principal argument est que la réactivité du gouvernement n'est pas constante ; elle est dépend, notamment, de la pression électorale placé sur le gouvernement. Nous conceptualisons la pression électorale de deux façons : la proximité des élections et le taux d'approbation du gouvernement. Les gouvernements sont plus sensibles aux attentes des électeurs peu avant les élections et lorsque leur avenir électorale semble menacé. Nous nous concentrons sur les sondages sur la popularité du gouvernement comme un indicateur de l'approbation du gouvernement entre les élections ; les sondages électoraux sont utilisés comme un indicateur du caractère plus ou moins serré d'une élection. Enfin, nous soutenons que le contexte économique pourrait perturber la connexion entre citoyens et gouvernement. Le projet s'inspire de travaux antérieurs qui explorent comment le lien entre les citoyens et le gouvernement est affecté par le context institutionnel, dont, par exemple, le système électoral, le type de régime politique ou la structure territoriale. En plus d'offrir une compréhension plus nuancée de la réactivité politique, le projet introduit des méthodes de recherche innovantes. Notre enquête s'appuie sur des données empiriques de deux types. Premièrement, nous effectuons une analyse quantitative des activités politiques à l'aide de données comparatives sur les processus de mise sur agenda. Nous concentrons nos efforts à la période comprise entre 2007-2013 en France et en Allemagne. La France et l'Allemagne représentent des cas particulièrement intéressants à comparer dans ce contexte, comme les deux pays suivent un calendrier électoral similaire avec une élection en 2007/2008, une autre en 2012/2013 et une élection à venir en 2017 dans les deux pays. Les deux pays ont également dû faire face à la crise économique européenne. Deuxièmement, nous examinons les mécanismes à l'oeuvre au niveau de micro de l'État et des citoyens. Une enquête postale, fondée sur une conception expérimentale, étudiera si les représentants élus réagissent à différentes demandes du public. Nous exploitons une expérience naturelle se produisant dans les enquêtes d'opinion publique afin de tester le réajustement du citoyen souhaite après un changement de la politique gouvernementale. En bref, ce projet fournit une contribution importante à la compréhension de conditions dans lesquelles les gouvernements écoutent les demandes du public et fournit des preuves de la conditionnalité de la réactivité dans les démocraties occidentales.

Coordination du projet

Grossman Emiliano (Fondation Nationale des Sciences Politiques, Centre d'études européennes)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

FNSP, CEE Fondation Nationale des Sciences Politiques, Centre d'études européennes
Uni Konstanz, Politik Universität Konstanz, FB Politik- und Verwaltungswissenschaft

Aide de l'ANR 177 840 euros
Début et durée du projet scientifique : janvier 2016 - 36 Mois

Liens utiles

Explorez notre base de projets financés

 

 

L’ANR met à disposition ses jeux de données sur les projets, cliquez ici pour en savoir plus.

Inscrivez-vous à notre newsletter
pour recevoir nos actualités
S'inscrire à notre newsletter