La localisation de la déformation dans les matériaux polycristallins présente une grande importance pour de nombreux phénomènes physiques, tels que la fatigue, la rupture et la corrosion sous contraintes. Les premiers stades de la déformation plastique, plus particulièrement, méritent une attention particulière, car ils sont rencontrés lors de sollicitations sévères et mettent en oeuvre d'importantes hétérogénéités de déformation puisque seuls certains grains se déforment plastiquement.
Les hétérogénéités de déformation plastiques dans les polycristaux sont dues à plusieurs facteurs. Bien sûr, les propriétés des grains dictent en partie leur déformation (facteur intrinsèque), mais les interactions entre grains sont aussi importantes (facteur extrinsèque). Par conséquent, les champs de contrainte et déformation sont hétérogènes, avec des variations locales pouvant être du même ordre de grandeur que la valeur imposée, formant ainsi des “points chauds”. Des simulations numériques ont montré, de manière interessante, que les points chauds des contraintes sont limités à des volumes correspondant aux grains individuels alors que les points chauds de déformations forment des bandes s'étendant sur des distances de 2 à 3 grains et orientées à 45° par rapport à la direction de sollicitation. Une caractérisation expérimentale de telles propriétés reste virtuellement impossible en 3D.<br /><br />Le projet a pour objectif d'analyser en 3D la déformation dans un polycristal déformé en traction. Nous emploierons des techniques expérimentales et numériques 3D, pour lesquels de nouveaux développements sont nécessaires. Le champ de déformation et sa corrélation à la microstructure seront finalement analysés en détail.
Dans les matériaux polycristallins, la déformation plastique conduit à une rotation du réseau cristallin. Ces dernières années, les rotations cristallines ont été sujettes à d'intenses recherches, en particulier dans le contexte des grandes déformations rencontrées dans les opérations de mise en forme, où elles conduisent à une anisotropie mécanique ou des variations locales d'énergie stockée. Les orientations et rotations cristallines sont classiquement analysées en 2D en utilisant les éléctrons, par exemple dans un microscope électronique à balayage, mais aussi en 3D, par diffraction des rayons X ou des neutrons. De telles méthodes peuvent être aussi utilisées pour déterminer les distortions du réseau cristallin, ce qui conduit à la déformation élastique et donc la contrainte.
Plusieurs techniques de diffraction des rayons X en synchrotron peuvent être utilisées pour les analyses 3D, parmi lesquelles : (I) la microscopie 3D par diffraction des rayons X (3D-XRD), qui fournit des valeurs d'ensemble par grain (moyenne et éventuellement distribution) : centres, orientations et reorientations, distributions d'orientations, et déformations élastiques, (ii) la diffraction en contraste de diffraction (DCT), qui est principalement dédiée à la cartographie d'orientations de matériaux recristallisés, et (iii) la 6D-DCT, qui est dédiée à la cartographie d'orientations de matériaux déformés. Les techniques de simulation comprennent la méthode des éléments finis en plasticité cristalline, grâce à laquelle les champs de contrainte, déformation et rotation cristalline dans un polycristal déformé peuvent être calculés, étant donné un comportement de cristal, une structure polycristalline et un chargement imposé. Ces techniques seront utilisées conjointement dans ce travail pour des analyses détaillées.
Le projet, en cours, est divisé en 4 taches :
- Développement d'une nouvelle méthode pour déterminer le champ de déformation à partir du champ de rotation ;
- Des expériences en diffraction des rayons X synchrotron par 3D-XRD et 6D-DCT ;
- Des simulations par éléments finis en plasticité cristalline ;
- Une analyse du champ de déformation 3D par comparaison entre expérience et simulation.
Les principales originalités du projet sont :
- L'utilisation et l'extension de méthode expérimentales de pointe pour caractériser le champ de rotation dans un polycristal déformé ;
- Le lien entre le champ de rotation et le champ de déformation ;
- La comparaison directe entre expérience et simulation à l'échelle du grain ;
- L'analyse détaillée du champ de déformation et de sa corrélation aux propriétés microstructurales.
Ceci va fournir des informations importantes sur le comportement local du matériau, lequel permettra d'améliorer les modèles polycristallins.
travail en cours
La localisation des champs dans les milieux polycristallins présente une importance majeure pour un grand nombre de phénomènes susceptibles de survenir pendant l'utilisation des matériaux, tels que la fatigue, la rupture ou l'endommagement par effets d'environnement. La transition élasto-plastique du matériau est particulièrement importante, d'une part parce qu'elle constitue un mode de chargement sous conditions sévères et d'autre part parce qu'elle est le lieu d'hétérogénéités de déformation particulièrement importantes puisque seuls certains grains accomodent la déformation plastique. Dans ce projet, nous développerons tout d'abord une méthodologie pour la caractérisation 3D de la déformation dans les matériaux polycristallins. Nous nous intéresserons à un alliage Al-0.1%Mn et à un acier 316L, qui sont susceptibles de présenter des comportements différents. Comme la déformation ne peut être mesurée directement en 3D, nous adopterons une approche inverse consistant à déterminer les déformations plastiques locales à partir d'une de leurs conséquences microstructurales : les rotations cristallines. Les données 3D seront acquises par des méthodes de diffraction des rayons X de haute énergie : 3D-XRD et 6D-DCT. Dans le but de valider la méthode, une configuration 2D sera également employée, pour laquelle les rotations cristallines seront mesurées par EBSD à haute résolution angulaire et la déformation en surface sera mesurée par corrélation d'images numériques. Les résultats seront comparées à des simulations à champs complets en plasticité cristalline (méthode des éléments finis) sur microstructures réelles. L'hétérogénéité des déformations sera analysée en détails : début de plasticité et effet de l'anisotropie élastique, distribution spatiale et transmission entre grains voisins, propagation aux déformations supérieures et lien avec les gradients d'orientations.
Monsieur Romain Quey (Laboratoire Georges Friedel)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
LGF CNRS Laboratoire Georges Friedel
Aide de l'ANR 169 478 euros
Début et durée du projet scientifique :
septembre 2015
- 48 Mois