DS0101 - Comprendre et prévoir les évolutions de notre environnement

Adaptations du microbiome intestinal humain aux changements passés et présents d'alimentation et de mode de vies – MICROREGAL

Adaptation du microbiome intestinal humain aux changements passés et présents d'alimentation et de mode de vies

Ce projet cherche à comprendre comment les bactéries du système digestif humain évoluent, et notamment comment elles s'adaptent aux changements de modes de vie des populations humaines, en particulièrement dans le contexte de l'industrialisation. Il s'agit d'étudier les interactions qu'il existe entre bactéries intestinales, parasites eucaryotes intestinaux, alimentation et pratiques médicales, afin d'identifier les déterminants de la variabilité du microbiome intestinal.

Quels sont les déterminants écologiques, culturels et génétiques de la variabilité microbienne intestinale humaine?

Le microbiome intestinal humain interagit clairement avec son hôte (à travers par exemple son alimentation, sa consommation d’antibiotiques et son système immunitaire) ainsi qu’avec les autres communautés intestinales (parasites eucaryotes, virus). Cependant, l’influence respective de différents facteurs environnementaux (à la fois écologiques et culturels) et génétiques sur sa composition n’est pas encore élucidée. Notamment, la perte de biodiversité microbienne observée dans les milieux urbains industrialisés (par rapport aux milieux ruraux non-industrialisés) pourrait être due à la spécialisation alimentaire des populations, leurs pratiques sanitaires et/ou d’autres variables mal connues. <br />Ce projet propose de collecter des données à la fois génétiques (sur l’homme et ses microbes) et anthropologiques pour déchiffrer les interactions qu’il existe entre ces différents facteurs et identifier les déterminants de la diversité et composition du microbiome intestinal. Les objectifs sont notamment de comprendre (i) comment les écosystèmes microbiens ont coévolué sur le long-terme avec les changements alimentaires et pathogéniques des populations humaines depuis la révolution Néolithique il y a 10.000 ans, (ii) comment les changements rapides de modes de vie, en particulier lors de l’industrialisation, ont influencé la diversité microbienne intestinale et (iii) quelle est l’influence des facteurs génétiques sur la composition du microbiome.

Ce projet propose de collecter des échantillons fécaux et salivaires chez environ 250 individus, dans des populations aux modes de vie contrastés (milieu rural, semi-urbain et urbain au Cameroun et milieu urbain en France), permettant ainsi d’obtenir des données génétiques à la fois sur l’hôte humain et sur ses microbes intestinaux. Un séquençage ciblé (16S) permettra de connaître la diversité et composition des bactéries intestinales, et des analyses en parasitologie permettront d’identifier les eucaryotes présents dans les selles. En parallèle, des données alimentaires, médicales et environnementales seront collectées pour croiser les données génétiques avec des variables d’intérêt anthropologique. Différentes analyses statistiques permettront d’identifier les déterminants de la variabilité microbienne dans les différents milieux culturels et d’explorer les facteurs responsables de la perte de diversité en milieu industrialisé. Enfin, la base génétique de la variabilité microbienne sera étudiée grâce à des analyses d’association génomique. Cette base de données pourra ensuite être comparée à d'autres échantillons obtenus avec un protocole similaire (collaboration avec le MIT, Boston).

Une première mission de terrain a été effectuée au Cameroun en mai 2017 pour collecter des échantillons biologiques et des informations anthropologiques chez 145 individus (milieu rural, semi-urbain et urbain). Les analyses de parasitologie montrent une prévalence importante des amibes (Entamoeba hartmanni, E. coli et E. dispar/histolytica) en milieu rural, semi-urbain et urbain (51%, 42% et 38%, respectivement) avec une prévalence plus forte en milieu rural. De plus, des analyses de biologie moléculaire et de métagénomique ont permis de montrer qu’aucun individu n’est infecté par Entamoeba histolytica, donc il s’agit bien de l’espèce non pathogénique E. dispar (ces deux espèces n’étant pas distinguables par microscopie). Pour les vers intestinaux, la prévalence est plus modérée mais également plus importante en milieu rural (18%, 6% et 3%, respectivement). Les analyses bactériologiques montrent également une très mauvaise qualité de l’eau en milieu rural, ce qui confirme les différences attendues d’état sanitaire entre ces populations. Les échantillons fécaux et salivaires ont été extraits et nous avons obtenu des quantités d’ADN satisfaisantes pour les analyses génomiques à venir.
En parallèle, nous avons re-analysé des données collectées en 2013 au Cameroun et montré que les individus Camerounais porteurs de Blastocystis présentent une diversité bactérienne plus importante que les non-porteurs, répliquant donc les résultats d’Audebert et al (2016) sur des Français porteurs de Blastocystis, et faisant également écho à nos propres résultats (Morton et al, 2015) sur des Camerounais porteurs d’Entamoeba.

Les données collectées en 2017 le long d’un gradient d’urbanisation vont être analysées, puis comparées à des données qui seront collectées chez des migrants Camerounais à Paris début 2018. Ces analyses permettront de faire émerger les principaux facteurs associés à la diversité et composition du microbiome intestinal dans un milieu non-industrialisé, et de mieux comprendre les mécanismes ayant entrainé la perte de diversité microbienne en Europe et aux Etats-Unis.
L’obtention de données dans une autre région du monde, dans des populations ayant des caractéristiques culturelles différentes, permettrait de valider les résultats obtenus au Cameroun et ainsi de dégager des tendances générales sur le microbiome intestinal.
En perspective, l’obtention de données métagénomiques (génomes complets) sur une sous-partie des individus permettrait de mieux comprendre les pressions de sélection agissant sur les espèces bactériennes et leurs gènes, grâce à des approches de génétique des populations.

Publications:
- Chabé M, Lokmer A, Ségurel L. 2017. Gut Protozoa: Friends or Foes of the Human Gut Microbiota? Trends Parasitol. pii: S1471-4922(17)30210-6. doi: 10.1016/j.pt.2017.08.005. PMID: 28870496
- Dikongué E, Ségurel L. 2017. Latitude as a co-driver of human gut microbial diversity? Bioessays. 39(3). doi: 10.1002/bies.201600145. Epub 2017 Jan 13. PMID: 28083908

Présentations orales:
- September 2017: Conférence invitée au meeting EMBO: « Anaeorobic protists : Integrating parasitology with mucosal microbiota and immunology » (Newcastle, UK)
- August 2017: Conférence invitée au 16ème meeting ESEB (European Society for Evolutionary Biology), Groningen, the Netherlands
- Mai 2017: International conference on Holobionts, Paris, France - Mai 2016 : 29th annual meeting of The Biology of Genomes, Cold Spring Harbor Laboratory, USA
- Mars 2017: Symposium « Symbiosis in evolution, biology and human health », IBPS, Paris, France
- Juin 2016: Journée scientifique Bilille - Metagenomics, Institut Pasteur de Lille, Lille, France
- Mars 2016: Belgium-French meeting on Bioinformatics and Evolutionary Genomics (ALPHY), Lille, France

Les populations humaines évoluent en étroite interaction avec leur environnement, qu’elles modifient elles-mêmes en retour. Cet équilibre a été perturbé plusieurs fois dans l’histoire évolutive humaine, par exemple il y a 10.000 ans lors de la transition d’un mode de vie de chasseur-cueilleur nomade vers l’agriculture et la sédentarisation, ou plus récemment du fait l’industrialisation de certaines sociétés humaines. Bien qu’il soit reconnu que les activités humaines ont souvent une influence néfaste sur la biodiversité de certains écosystèmes, nous ne savons encore que très peu de choses sur l’influence des changements anciens et récents de modes de vie (notamment en terme de régime alimentaire, de consommation de médicaments et d’exposition aux pathogènes) sur l’ensemble des microorganismes habitant notre système digestif, le microbiome intestinal. Notre propre écosystème digestif est cependant actuellement considéré comme un facteur essentiel en santé humaine, et semble impliqué dans de nombreuses maladies métaboliques et immunes. Il est également très variable entre individus et populations, et au moins partiellement héritable, en faisant une cible potentielle pour la sélection naturelle. Le microbiome intestinal humain représente donc un phénotype d’intérêt à la fois évolutif, écologique et médical.
Bien que le microbiome intestinal interagisse clairement avec son hôte (à travers par exemple l’alimentation, l’utilisation d’antibiotiques et la réponse immunitaire) ainsi qu’avec les autres communautés intestinales (parasites eucaryotes, virus), l’influence respective de différents facteurs environnementaux (à la fois écologiques et culturels) et génétiques sur sa composition n’est pas encore élucidée. Notamment, la perte de biodiversité microbienne observée dans les milieux urbains industrialisés (par rapport aux milieux ruraux en voie de développement) pourrait être due à la spécialisation alimentaire des populations, leurs pratiques sanitaires et/ou d’autres variables. Ce projet a pour objectif de déchiffrer les interactions qu’il existe entre ces différents facteurs pour comprendre (i) comment les écosystèmes microbiens ont coévolué sur le long-terme avec les changements alimentaires et pathogéniques des populations humaines depuis la révolution Néolithique il y a 10.000 ans, (ii) comment les changements rapides de modes de vie, notamment l’industrialisation et la consommation de médicaments, ont influencé la diversité microbienne intestinale et (iii) quelle est l’influence des facteurs génétiques sur la composition du microbiome.
Pour répondre à ces questions, nous proposons d’échantillonner et de comparer le microbiome intestinal d’individus ayant des modes de subsistance contrastés (chasseurs-cueilleurs versus agriculteurs), et se situant le long d’un gradient d’urbanisation (de villages ruraux Africains à milieu urbain Africain à milieu urbain Européen) au Cameroun et en France. Nous collecterons à la fois des données anthropologiques (questionnaires nutritionnels, médicaux et ethnologiques, et des mesures anthropométriques) et biologiques (charge parasitaire intestinale, données génétiques microbienne et humaine) et nous analyserons conjointement l’influence respective de ces différents facteurs sur le microbiome intestinal, grâce à des approches statistiques et bioinformatiques.
En intégrant des approches classiques d’anthropologie biologique et des technologies de pointe en génomique, ce projet novateur a pour objectif de comprendre comment différents facteurs écologiques, culturels et génétiques ont influencé les communautés microbiennes intestinales dans le passé, et devraient continuer de le faire à l’avenir, dans le contexte d’une homogénéisation rapide des pratiques alimentaires et sanitaires à travers le monde. Ce projet aura de potentielles répercussions en anthropologie, écologie et évolution, ainsi que des implications de taille en santé publique.

Coordination du projet

Laure Ségurel (Laboratoire Eco-anthropologie et Ethnobiologie)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

EAE Laboratoire Eco-anthropologie et Ethnobiologie

Aide de l'ANR 201 236 euros
Début et durée du projet scientifique : septembre 2015 - 36 Mois

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