Vers une mesure du moment dipolaire électrique du neutron – n2EDM

Les recherches sur le moment dipolaire électrique permanent (MDE) de particules élémentaires ou de systèmes sont activement poursuivies à travers le monde [Kir12]. La découverte d’une valeur finie serait d’un grand intérêt car elle pourrait révéler de nouvelles sources de violation CP et par conséquent une physique au-delà du modèle standard (MS). L’existence de nouveaux mécanismes de violation CP est requise en cosmologie pour expliquer la baryogénèse dans l’univers. C’est l’une des trois conditions définies par A. Sakharov [Sak67] pour générer une asymétrie baryonique. Le modèle standard n’est pas capable d’expliquer l’asymétrie matière antimatière mais plusieurs extensions offre des scenarii viables de baryogénèse comme par exemple les modèles super-symétrique (SUSY). Dans ce contexte, les mesures de MDE ont déjà apporté des contraintes sévères et la prochaine génération d’expériences devrait permettre, soit d’observer un signal, soit d’éliminer la baryogénèse électrofaible comme origine de l’asymétrie matière-antimatière. Ces recherches sont complémentaires aux expériences réalisées au LHC dans le domaine d’énergies proches du TeV.

Le projet n2EDM a pour but de mesurer le MDE du neutron avec une sensibilité statistique améliorée d’au moins un facteur 10 par rapport à la meilleure limite actuelle, dn < 3 x 10-26 e cm [Bak06]. L’objectif sera atteint avec un nouveau spectromètre extrêmement précis. L’expérience aura lieu au Paul Sherrer Institue (PSI) auprès de la nouvelle source de neutrons ultra-froids (NUF) dont le fonctionnement a débuté fin 2010. Une sensibilité statistique de 2 x 10-27 e.cm est envisagée après quatre ans de prise de données (avec les performances actuelles de la source). En revanche, si la source atteint les objectifs annoncés initialement, le domaine des 10-28 e.cm sera exploré.

Le projet est la suite d’une expérience actuellement en cours au PSI, basée sur une version améliorée du spectromètre de RAL-Sussex-ILL qui a fourni la meilleure limite sur le MDE du neutron [Bak06]. La contribution française à cette expérience a été financée par une ANR (nEDM, ANR-09-BLAN-0046) soumis par le LPC Caen et le LPSC Grenoble. L’expérience n2EDM est supportée par une collaboration internationale de 12 laboratoires. Les 3 laboratoires français impliqués dans cette proposition (LPC, LPSC et CSNSM) travaillent tous sur l’expérience actuelle.

Le nouveau spectromètre est basé sur deux améliorations principales: une double chambre de stockage qui permettra de mesurer simultanément les deux configurations de champs électrique et magnétique (parallèle et antiparallèle) et un nouveau blindage magnétique pour un meilleur contrôle de l’environnement magnétique. Le gain sur la sensibilité statistique sera obtenu grâce à un plus grand nombre de NUF stockés (meilleur adaptation entre la source et le spectromètre), un champ électrique plus intense et une meilleure polarisation des NUF. Le contrôle des effets systématiques sera amélioré par l’utilisation de 3 magnétomètres atomiques présentant de nouvelles caractéristiques (magnétomètres Cs vectoriels, magnétomètre Hg piloté par laser et un magnétomètre He3).

La demande ANR sera utilisée pour financer la contribution française au design et à la construction du spectromètre n2EDM. Afin de profiter pleinement de l’expérience acquise, les groupes français travailleront essentiellement sur les mêmes tâches: détection des NUF, système de champs de maintien, analyse de spin, magnétomètre Hg, source de courant principale et design des bobines. De plus, nous envisageons de contribuer de manière significative au design de n2EDM. La prise de données devrait débuter en 2018.

Enfin, il doit être mentionné que le projet a été récemment examiné par le conseil scientifique de l’in2p3 en octobre 2013. La recommandation du conseil de supporter pleinement le projet a été approuvé et appuyé par la direction de l’in2p3.