Les plasmocytes à longue durée de vie, qui sécrètent en permanence des anticorps, et les cellules B à mémoire, qui restent quiescentes en l'absence de leur antigène spécifique, confèrent une protection immunitaire pérenne. Ces deux types cellulaires étant très affectés chez les patients souffrant du syndrome ICF, la compréhension de ce déficit immunitaire devrait améliorer notre connaissance de ces cellules et permettre le développement de nouveaux traitement ciblés pour cette maladie
Les patients atteints du syndrome ICF ont à la fois un défaut de méthylation de l'ADN et un déficit de l'immunité humorale marqué par une hypo-gammaglobulinémie et une quasi-absence de lymphocytes B à mémoire. Nous souhaitons comprendre le lien entre les mutations responsables du syndrome ICF et les perturbations parallèles de la méthylation de l'ADN et du fonctionnement des cellules de l'immunité humorale. Cette connaissance devrait nous permettre de mieux comprendre la physiologie de la différenciation et du maintien des cellules B à mémoire et des plasmocytes à longue durée de vie. Les trois objectifs de notre étude sont :<br />1) caractériser les étapes de la différenciation tardive des cellules B qui sont spécifiquement affectées par les mutations du syndrome ICF<br />2) comprendre comment les mutations ICF, en particulier celles de Zbtb24, affectent les cellules B<br />3) comprendre comment Zbtb24 et les autres protéines mutées chez les patients ICF contrôlent la méthylation de l'ADN
1) Etablissement de lignées de souris modèles pour le syndrome ICF.
Des souris porteuses de mutations de Dnmt3b, causant le syndrome ICF1, étaient disponibles avant le début de l'étude. Deux lignées mutantes pour Zbtb24 ont été établies : l'une porteuse de mutations causant le syndrome ICF2, l'autre portant un allèle pouvant être invalidé de façon conditionnel (cKO). Deux modèles supplémentaires sont mis en place : des souris porteuses d'un allèle cKO pour Lsh, le gène muté chez les patients ICF4, et une approche par ARN interférence contre Zbtb24. Les défauts de développement et d'immunité humorale, et les perturbations de méthylation seront étudiées sur ces différents modèles.
2) Analyse pan-génomique de la méthylation chez les patients
Le profil de méthylation des cellules sanguines des différentes catégories de patients est étudié à l'aide du kit Infinium Human Methylation 450 Bead Chip Kit. Chez les souris mutées pour Zbtb24, une étude est menée en parallèle à l'aide de puces 24k oligo v1.0. Ce phénotype moléculaire est confronté au phénotype global des patients (déficit immunitaire, retard mental)
3) Recherche des interacteurs de Zbtb24
Un crible double-hybride est conduit chez la levure pour chercher les interacteurs physiques de Zbtb24. Une approche par gènes candidats est menée parallèlement. Une validation est ensuite effectuée par DuoLink et par co-immunoprécipitation puis les conséquences fonctionnelles de ces interactions (méthylation de l'ADN, localisation des protéines) sont explorées à l'aide des modèles décrits précédemment.
1) Zbtb24 est nécessaire pour le développement embryonnaire précoce de la souris
Nous avons pu obtenir les lignées de souris prévues initialement. Il est cependant apparu que les mutations de Zbtb24 sont létales à un stade embryonnaire précoce, ce qui indique que Zbtb24 est nécessaire pour le développement embryonnaire précoce de la souris contrairement à ce qui était anticipé d'après le phénotype des patients ICF2. Le modèle d'invalidation conditionnel n'apparaît pas utilisable pour pallier ce problème car il est lui-même létal pour une raison indéterminée.
2) Mutations ICF et méthylation de l'ADN
Une lignée de cellules ES a pu être dérivée du modèle knock-in, ce qui a permis de confirmer le rôle de Zbtb24 dans le maintien de la méthylation des séquences d'ADN satellites centromériques et péri-centromériques. L'analyse pan-génomique de la méthylation des cellules sanguines de patients a montré que Zbtb24 est nécessaire pour le maintien des profils de méthylation dans les cellules somatiques humaines et pour l'empreinte génomique parentale. Par ailleurs, le profil d'hypométhylation est beaucoup plus proche chez les patients ICF2, 3 et 4 que chez les patients ICF1, ce qui suggère que Zbtb24, CdcA7 et Lsh agissent notamment au sein d'une même voie indépendante de Dnmt3b. Le crible double-hybride est en cours de finalisation et la validation des interacteurs potentiels a débuté.
Des modèles de souris ICF alternatifs sont en cours d'établissement, pour résoudre le problème de la létalité embryonnaire des souris mutées pour Zbtb24 : une nouvelle lignée cKO pour Zbtb24, une lignée cKO pour Lsh (en collaboration avec K. Muegge, USA), protéine dont nos résultats suggèrent qu'elle intervient dans une voie commune avec Zbtb24, et un système d'ARN interférence contre Zbtb24 in vitro et in vivo. Ces modèles devraient nous permettre de déterminer la nature exacte et l'origine du déficit d'immunité humorale observé chez les patients ICF.
Les cibles hypométhylées et hyperméthylées chez les patients ICF sont en cours de validation et une comparaison avec les données générées à partir de la lignée ES de souris sera effectuée. Nous testerons ensuite l'impact de la dérégulation de certaines de ces cibles sur le fonctionnement du système immunitaire de la souris.
Les interacteurs potentiels de Zbtb24 seront confirmés in vitro en cellules humaines puis les conséquences fonctionnelles de ces interactions sur la méthylation de l'ADN et la localisation des protéines impliquées dans la formation de l'hétérochromatine seront étudiées.
en cours
Les lymphocytes B (LB) mémoire et les plasmocytes à longue durée de vie (LLPC) sont les deux bras de la protection humorale contre les agents pathogènes, mais les facteurs qui assurent leur différenciation et leur persistance restent largement méconnus.
Pour identifier ces facteurs, nous étudierons une maladie génétique rare, le syndrome ICF (Immunodéficience, instabilité centromérique et anomalies faciales), qui se caractérise par une hypo- ou une agammaglobulinémie combinée à une forte diminution du nombre de LB mémoire. Comme le phénotype ICF traduit un défaut probable de différenciation et/ou de maintien des LB mémoire et des LLPC, la compréhension du mécanisme causant ce déficit immunitaire devrait permettre une meilleure connaissance de ces processus.
L'ICF est causé par des mutations de Dnmt3b, une des deux de novo ADN méthyltransférases, ou de Zbtb24, un hypothétique facteur de transcription. Zbtb24 pourrait également contrôler la méthylation des séquences satellites centromériques et/ou péricentromériques, conjointement avec Dnmt3b, puisque tous les patients ICF présentent une hypométhylation de ces régions et une instabilité centromérique caractéristique.
Notre premier objectif est d'identifier le stade de différenciation touché par les mutations ICF. Nous étudierons l'impact de la perte de fonction de Zbtb24 sur la différenciation in vitro de cellules B naïves humaines en LB mémoire et en plasmocytes. Nous caractériserons également deux nouvelles lignées de souris mutantes pour Zbtb24 : une lignée portant un allèle "gene-trapped" convertible en allèle knockout conditionnel ou en rapporteur (LacZ), et une autre lignée portant une mutation ponctuelle observée chez des patients ICF. Nous confirmerons que ces animaux récapitulent le phénotype ICF et nous suivrons l'expression normale de Zbtb24 grâce au rapporteur LacZ. Nous étudierons ensuite le développement lymphocytaire de ces animaux et leur capacité à développer une réponse anticorps mémoire et nous déterminerons si le défaut est intrinsèque au lignage B.
Notre second objectif est de comprendre comment la perte de fonction de Zbtb24 affecte les LB. Comme Zbtb24 est probablement un facteur de transcription, nous combinerons l'analyse du méthylome et du transcriptome des souris mutantes et nous comparerons ces données à celles que nous avons obtenues précédemment sur un modèle de souris mutées pour Dnmt3b. Ceci nous permettra de trouver les cibles directes de Zbtb24, dont nous testerons l'importance à l'aide d'expériences de gain ou de perte de fonction par transduction rétrovirale de cellules souches hématopoïétiques. Les mutations de Zbtb24 et de Dnmt3b pourraient également affecter les LB de façon indirecte. L'hypométhylation des séquences satellites, combinée à la répression spontanée de p53 dans les cellules du centre germinatif, pourrait conduire à la production d'ARN double-brin toxiques et à l'apoptose de ces cellules par une voie dépendante de l'interféron de type I (IFN-I). Nous testerons cette hypothèse en croisant les souris mutantes avec un lignée invalidée pour le récepteur à l'IFN-I.
Notre troisième objectif consistera à identifier les partenaires de Zbtb24 impliqués dans le contrôle de la méthylation de l'ADN. Nous effectuerons un crible double-hybride et nous testerons également différents candidats impliqués dans les modifications de la chromatine, puis nous définerons la séquence de recrutement de ces molécules au niveau des chromocentres des cellules de souris.
Notre étude devrait ainsi améliorer notre connaissance des mécanismes de la différenciation tardive des LB et livrer des pistes pour améliorer la réponse humorale des patients ICF, et plus généralement le développement de vaccins plus efficaces.
Madame Claude-Agnès REYNAUD (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale)
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INSERM Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale
UMR7216 - Université Paris Diderot Epigénétique et Destin Cellulaire
GHMI - INSERM U1163 (exU980) Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale - INSERM U 1163 (exU980)
Aide de l'ANR 533 995 euros
Début et durée du projet scientifique :
septembre 2014
- 36 Mois