Décrypter la nature et la dynamique des interactions neuronales et vasculaires au sein de l’interface hippocampo-corticale responsable de la formation et de la stabilisation des souvenirs, deux processus qui sont altérés dans les maladies neurodégénératives
Une question fondamentale dans le domaine des Neurosciences Cognitives est de comprendre comment notre cerveau est capable de former et de conserver durablement les souvenirs. Chez l'Homme, le souvenir des faits et des événements (mémoire déclarative) dépend initialement de l'hippocampe. Des approches multidisciplinaires ont permis d'élucider nombre des mécanismes cellulaires et moléculaires qui sous-tendent la formation de ce type de souvenirs au sein des réseaux neuronaux hippocampiques. Cependant, alors qu'ils se stabilisent, ces souvenirs deviennent progressivement indépendants de l’hippocampe pour être stockés dans des régions corticales. Nos connaissances de la dynamique des interactions hippocampo-corticales impliquées dans la consolidation des informations au sein de réseaux corticaux distribués et les processus d’oubli restent toutefois très parcellaires. L’élucidation de ces mécanismes corticaux est au cœur de notre projet MemoryTrack. Les expériences proposées permettront d’examiner, de façon systématique, les facteurs comportementaux, anatomiques, électrophysiologiques et moléculaires qui sous-tendent la formation des souvenirs récents et anciens. L'intégration de ces données permettra une meilleure compréhension de la façon dont notre cerveau organise les souvenirs et contribuera à l'identification de nouvelles cibles moléculaires pour le développement de stratégies thérapeutiques visant à pallier les déficits mnésiques liés à l'âge et aux maladies neurodégénératives.
Notre projet s’appuie sur une stratégie intégrative des processus cognitifs qui combine un ensemble d’approches correlative, invasive et translationnelle. Des protocoles comportementaux innovants (mémoire associative spatiale et non spatiale chez le rongeur) couplés à des méthodes d’imagerie des réseaux cérébraux vasculaires et neuronaux (expression de gènes d’activité cérébrale, caractérisation des récepteurs membranaires…) et à des manipulations sélectives de ces réseaux (injections intracérébrales d’agents pharmacologiques, modulation de l’activité neuronale par optogénétique) sont implémentés. Les effets de ces manipulations sur les performances mnésiques (rappel d’informations récemment et anciennement acquises) sont évaluées.
Les récepteurs NMDA jouent un rôle crucial dans la plasticité cérébrale. Nous avons testé l’hypothèse qu’une redistribution des deux sous-unités principales de ces récepteurs exprimées au niveau du néocortex GluN2A and GluN2B induite par l’apprentissage pourrait contrôler la formation et la stabilisation des souvenirs au cours du processus de consolidation mnésique. Nos résultats montrent que ce processus s’accompagne d’une augmentation progressive du ratio GluN2A/GluN2B au niveau des synapses glutaminergiques du cortex, indiquant un rôle préférentiel des sous-unités GluN2A dans la stabilisation des connexions cortico-corticales qui sous-tendent la conservation des souvenirs dans le temps. Au niveau conceptuel, ce switch moléculaire dans la composition des récepteurs NMDA orchestrerait la prise en charge corticale de l’information, favorisant ainsi la stabilisation de la mémoire et protégeant les synapses des interférences et/ou de l’oubli. Sur le plan vasculaire, nous avons pu révéler l’existence d’une densification du réseau vasculaire dès le lendemain de l’apprentissage dans les régions du cortex ne prenant en charge le souvenir que plusieurs semaines plus tard. Ces changements précoces de l'architecture du réseau vasculaire cortical suggèrent un mécanisme d'angiogenèse préparatoire à la maturation progressive du réseau neuronal permettant à terme, une fois les informations consolidées dans le cortex, de les restituer efficacement.
Nos expériences ont pour but d’examiner et de comparer les facteurs comportementaux, anatomiques, cellulaires et moléculaires sous-tendant l’organisation des souvenirs. L’intégration des données obtenues à partir de chacun de ces niveaux d’analyse devrait permettre des avancées conceptuelles majeures sur la façon dont notre cerveau traite, archive et conserve nos souvenirs sur le long terme. Nous espérons pouvoir identifier de nouveaux mécanismes qui pourront servir de cibles thérapeutiques pour le traitement des dysfonctionnements mnésiques classiquement associés au vieillissement normal et pathologique.
Un manuscrit sur le test comportemental utilisé pour modéliser la mémoire associative chez le rat (test de transmission sociale de la préférence alimentaire) a été soumis (Bessières B., Nicole O. Bontempi B. Assessing recent and remote associative olfactory memory in rats using the social transmission of food preference paradigm).
Certains résultats ont fait l’objet d’une présentation orale (Bontempi B. The organisation of recent and remote memories. Neuroscience in Intensive Care International Symposium (NICIS), Institut Pasteur, Paris, 18-19 juin, 2015).
Une question fondamentale dans le domaine des Neurosciences Cognitives est de comprendre comment notre cerveau est capable de former et de conserver durablement nos souvenirs. Chez l'Homme, le souvenir des faits et des événements (mémoire déclarative) dépend initialement de l'hippocampe (HPC). Des approches multidisciplinaires ont permis d'élucider nombre des mécanismes cellulaires et moléculaires qui sous-tendent la formation de ce type de souvenirs au sein des réseaux neuronaux hippocampiques. Cependant, alors qu'ils se stabilisent, ces souvenirs deviennent progressivement indépendants de l'HPC pour être stockés dans des régions corticales. Alors que le rôle précoce de l'HPC a été largement étudié, nos connaissances de la dynamique des interactions hippocampo-corticales impliquées dans la consolidation des informations au sein de réseaux corticaux distribués restent méconnues. La nature encore très débattue des mécanismes impliqués est au cœur de ce projet d'une durée de 4 ans.
Bénéficiant de données préliminaires solides et s'appuyant sur des outils innovants, notre premier objectif est d'identifier les mécanismes clés qui gouvernent la dynamique spatio-temporelle des interactions hippocampo-corticales au cours du processus de consolidation mnésique. Notre second objectif est de manipuler le fonctionnement de l'interface hippocampo-corticale et d'en déterminer l'impact sur le devenir des souvenirs. Les expériences proposées, organisées autour de 7 objectifs interdépendants, reposent sur la complémentarité et l'expertise des 2 partenaires impliqués. La Tâche 1 fournira des indications précieuses sur les facteurs qui modulent la contribution de l’HPC et du cortex à la formation et à la conservation des souvenirs. Elle permettra 1) d'examiner si toutes les mémoires peuvent devenir hippocampe-indépendantes une fois intégrées dans les réseaux corticaux, 2) de déterminer si les souvenirs peuvent rester détaillés sans l’HPC et 3) d'examiner le contenu (identique versus transformé) des souvenirs une fois ces derniers consolidés au niveau cortical. Ces trois questions s'appuieront sur des paradigmes comportementaux validés chez le rongeur et l'Homme (utilisation d'environnements virtuels reproduisant ceux du rongeur). La Tâche 2 déterminera si les régions corticales peuvent moduler l'activité hippocampique lors du rappel en fonction des informations déjà corticalisées. La Tâche 3, plus mécanistique, s'intéressera à l'implication des différents sous-types de récepteurs NMDA lors de la formation et de la stabilisation des souvenirs. La Tâche 4 consistera à manipuler la plasticité neuronale (injections intracérébrales d'antagonistes NMDA et de nouveaux peptides ou d’anticorps capables de modifier le trafic des récepteurs) et à déterminer l'impact sur les performances mnésiques et l'oubli. La Tâche 5 sera consacrée à l'étude de la contribution, encore largement inexplorée de la sphère cérébrale vasculaire (architecture, densité, réactivité) dans la formation des souvenirs. Nous déterminerons dans quelle mesure les modifications vasculaires constituent un mécanisme permissif contrôlant les changements structuraux au sein des réseaux neuronaux. Dans la tâche 6, nous modulerons l'activité des réseaux vasculaires et caractériserons les effets sur les performances mnésiques et l'architecture des réseaux neuronaux. La Tâche 7 sera dévolue à la dissémination des résultats dans des revues internationales.
Ces expériences seront les premières à examiner, de façon systématique, les facteurs comportementaux, anatomiques, électrophysiologiques et moléculaires qui sous-tendent la formation des souvenirs récents et anciens. L'intégration de ces données permettra une meilleure compréhension de la façon dont notre cerveau organise nos souvenirs et contribuera à l'identification de nouvelles cibles moléculaires pour le développement de stratégies thérapeutiques visant à palier les déficits mnésiques liés à l'âge et aux maladies neurodégénératives.
Monsieur Bruno BONTEMPI (Institut des Maladies Neurodégénératives (IMN))
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
CNRS UMR 5297 Institut Interdisciplinaire en Neurosciences (IINS)
CNRS UMR 5293 Institut des Maladies Neurodégénératives (IMN)
Aide de l'ANR 510 207 euros
Début et durée du projet scientifique :
mars 2015
- 48 Mois