DS0401 - Une nouvelle représentation du vivant

Mesure des taux de mutations et des effets de mutations sur le fitness dans des cellules uniques, vivantes, en temps réel – SingleCellMutation

Etude à l’échelle de la cellule unique de la dynamique de l'apparition des mutations spontanées et de leurs effets sur fitness

Obtenir des estimations fiables des effets de mutations spontanées sur la fitness et caractériser directement leur dynamique de l'apparition était impossible auparavant puisque les mutations n'ont jamais été observées en action dans des cellules uniques. Nous avons accompli cela dans Escherichia coli en employant la microfluidique, l'imagerie time-lapse, et en visualisant des mutations dans des cellules uniques en utilisant une étiquette fluorescente du système Mismatch Repair.

Taux et effets de mutation: obtention d'estimations directes et compréhension de leur impact sur les processus évolutifs

Utiliser la micro fluidique, microscopie time-lapse, et Escherichia coli afin d’étudier pour la première fois directement au niveau des cellules uniques la dynamique d’apparition des mutations spontanées et leurs effets sur fitness. Caractériser en utilisant cette approche et de façon non paramétrique toute la distribution des effets de mutations spontanées sur fitness (sans aucun supposition de forme de cette distribution). Déterminer la variabilité de taux de mutations dans des cellules en absence de stress ou en présence d’un stress exogène. Déterminer l’origine de la variabilité de taux de mutations en absence de stress, en particulier examiner si le cycle cellulaire ou la qualité du protéome (la fidélité de traduction ou de la transcription) affect la variabilité de taux de mutation dans des cellules non stressées. Déterminer les conséquences sur fitness d’une variabilité augmentée de taux de mutations.

Pour visualiser les mutations, nous utilisons une méthode que nous avons développée précédemment, où la protéine de réparation du mésappariement MutL fluorescente forme des foyers fluorescents sur des erreurs de réplication qui sont détectées dans des cellules individuelles par la microscopie à épifluorescence. Nous avons développé une procédure automatisée d'analyse d'image pour détecter et suivre les foyers MutL, ce qui permet une quantification précise. Pour suivre la dynamique de l'apparence des foyers MutL, nous cultivons des cellules dans la puce de la machine mère contenant une série de microcanaux séparés qui sont fermés d'un côté et où les cellules se développent en une seule rangée. Cette géométrie spécifique permet de conserver et de suivre par microscopie la cellule aboutissant à l'impasse dans chaque microcanal à travers des centaines de divisions consécutives. Pour les mesures de la fitness, nous avons imaginé des cellules se développant dans > 1000 microcanaux de la machine mère par microscopie à contraste de phase en parallèle toutes les 4 minutes pendant 3 jours. Cela a permis de mesurer deux composantes de la fitness, le taux de croissance et la survie, au niveau de la cellule unique avec une résolution temporelle élevée et sur de grandes échelles de temps. La géométrie spécifique des microcanaux permet de réaliser un goulot d'étranglement parfait d'un individu à chaque génération, mesurant ainsi la fitness pour la première fois en l'absence totale de la sélection naturelle.

Notre étude a permis de montrer que les mutation spontanées dans des cellules non stressées n'arrivent pas par des bouffées mais selon un processus de Poisson. Nous avons montré aussi que le taux de mutations n’est pas constant mais varie de 3 fois dans des cellules non stressées due au cycle cellulaire. Nous avons montré également que l'effet moyenne d'une mutation est très faible, 0.31%, très au-dessous des estimations précédentes. Nous avons pu caractériser de façon non paramétrique toute la distribution des effets de mutations sur fitness qui est dominée par des mutations quasi neutres et avec de très rares mutations délétères. Nous avons pu montrer aussi que les mutations délétères apparaissent avec un taux constant suggérant une épistasie macroscopique limitée entre les mutations ayant un fort effet et ceux avec un effet sur fitness très faible. Enfin, nous avons pu montrer que 1% des mutations spontanées sont létales chez Escherichia coli.

Les travaux prochains auront pour but d’analyser l’effet d’environnement ainsi que d’un stress exogène sur la dynamique d’apparition de mutations et sur leurs effets. Nous examinerons aussi par quel mécanisme un stress exogène génère de la variabilité de taux de mutations dans une population de cellules d’Escherichia coli et quelles sont les conséquences sur fitness d’une variabilité augmentée de taux de mutations lors d’un stress exogène. Ces travaux sont pertinentes pour de nombreux phénomènes liés à la santé humaine tels que la virulence bactérienne, la résistance aux antibiotiques et le cancer. Tous ces processus sont entraînés par des mutations et tous peuvent être accélérés si certaines cellules de la population générait de façon permanent ou transitoire plus de mutations que le reste de la population.

1. «Mutation dynamics and fitness effets followed in single cells«, manuscript en révision à Science, soumis le 1er mars 2017 2. «Method for detecting and studying genome-wide mutations in single living cells in real-time«, manuscript accepté à Springer Protocols le 25 mars 2017

Les mutations sont à l’origine de toute variation génétique. Comprendre comment apparaissent les mutations permet de prévoir l’évolution ainsi que d’expliquer l’état pathologique de la cellule. Les mutations, à cause de leur rareté extrême, sont difficiles à détecter. Souvent, les mutations ont été déduites en observant les différents phénotypes dans des populations de cellules ou d’organismes. Cependant, cette approche ne permet que la détection des mutations avec un effet non-neutre sur le phénotype. Récemment, le séquençage complet des génomes a permis de détecter toutes les mutations non-létales séparant deux lignées. Cependant, cette approche de détection de mutations a une résolution temporelle faible. De plus parmi les méthodes actuelles, aucune ne permet l'étude de l'émergence des mutations au niveau des cellules uniques et la variabilité du taux de mutations entre ces cellules.

Nous adressons, pour la première fois, directement, au niveau des cellules uniques la question de comment apparaissent les mutations et quels sont leurs effets au niveau de la fitness, i.e. la valeur sélective. Pour cela, nous allons associer notre approche novatrice d’investigation de mutations par un outil génétique et l’imagerie des cellules vivantes d’E. coli et une nouvelle méthode de microfluidique permettant des expériences à long-terme dans des conditions contrôlées. Notre méthodologie est non-invasive, à haut débit (million de cellules uniques), et permet des expériences sur le long terme (centaines de générations).

Notre approche permet de répondre à plusieurs questions fondamentales concernant le processus de mutagenèse. Premièrement, elle permet de savoir si les taux de mutations sont hétérogènes au sein d'une population clonale, pendant la croissance normale, lors d'un stress, et au cours du vieillissement. Deuxièmement, notre système est unique puisqu'il permet de détecter les mutations avant la sélection. Cela permet, pour la première fois, la détection des mutations indépendamment de leur phénotype. Même les mutations létales peuvent donc être enregistrées. Donc, nous pouvons, grâce à notre méthode, établir de façon quantitative, la distribution des effets de mutations sur la fitness, i.e. le taux de mutations délétères, neutres, létales, et bénéfiques. Troisièmement, elle permet de comprendre comment la stochasticité d'expression de certains gènes importants pour la réparation de l'ADN affecte la variabilité au niveau du taux de mutations parmi les cellules du même génotype. Finalement, elle permet d'étudier les conséquences évolutives de la variabilité du taux de mutations au sein d’une population.

Toutes ces questions ont attiré beaucoup d’attention depuis des décennies. Elles restent cependant jusqu'à présent sans réponse, puisqu'aucune méthode expérimentale ne permettait la détection et le suivi de mutation sur cellules uniques. Elles sont pertinentes pour plusieurs phénomènes évolutifs. Les taux de mutations sont des paramètres clés de nombreuses théories évolutives telle celles permettant d’expliquer l’évolution de la recombinaison, le vieillissement et l’extinction des petites populations. Cependant, peu de données empiriques existent. L'hétérogénéité de taux de mutations dans des populations de cellules est aussi pertinente pour l’évolution des bactéries résistantes aux antibiotique, la résistance aux radiations, et pour la progression du cancer. Dans le cas des bactéries pathogènes, cela peut concerner la variation de phases permettant l’évasion rapide du système immunitaire. Dans le cas du cancer, cinq mutations différentes au moins sont nécessaires pour l’acquisition du phénotype cancéreux. A ce jour, il n est pas clair si ces mutations s’accumulent graduellement ou si elles sont acquises en une seule étape. Le dernier scenario n’est pas compatible avec les taux de mutations ordinaires. Cependant, cela est faisable dans des cellules qui produisent temporairement plus de mutations que le reste de la population.




Coordination du projet

MARINA ELEZ (LABORATOIRE JEAN PERRIN)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

LJP LABORATOIRE JEAN PERRIN

Aide de l'ANR 347 335 euros
Début et durée du projet scientifique : septembre 2014 - 48 Mois

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