JCJC SVSE 8 - JCJC - SVSE 8 - Biochimie, biologie moléculaire et structurale

Structure, fonction et régulation d’un supercomplexe métabolique clé chez les Actinobacteries – SUPERCPLX

Capturer un supercomplexe métabolique chez l'Actinobactérie modèle Corynebacterium glutamicum

Malgré une conception assez répandue selon laquelle le métabolisme central, et celui des bactéries notamment, n’aurait rien de nouveau à révéler, nos résultats suggèrent que chez les Actinobactéries comme Mycobacterium tuberculosis, un ‘supercomplexe’ hybride devrait exister regroupant deux réactions métaboliques clefs – la pyruvate déshydrogénase et l’a-cétoglutarate déshydrogénase. Nous cherchons à capturer et étudier cet objet qui n’a pas d’analogue connu en aucun autre organisme.

Un énorme complexe protéique pour deux réactions ubiquitaires : pourquoi?

L'objectif primaire de ce projet est de valider l’existence, chez les Actinobactéries, d’un supercomplexe hybride entre les complexes métaboliques tripartites de la PDH (pyruvate déshydrogénase) et la KDH (alpha-cétoglutarate déshydrogénase), puis de le purifier pour en étudier sa structure et sa régulation. En plus de comprendre comment un tel complexe, qui dépasserait largement la taille du ribosome, peut se structurer tout en coordonnant les différentes réactions biochimiques qui y ont lieu, l'enjeu principal est de comprendre quels seraient les avantages pour le métabolisme de la bactéries de posséder un complexe hybride, notamment dans le cas de M. tuberculosis. Nous connaissons toujours peu les mécanismes grâce auxquels cette bactérie s’adapte à l’environnement qu’elle trouve à l’intérieur de l’hôte humain, où elle peut rester indéfiniment en état de dormance.

Ce projet poursuit ses objectifs par une approche biochimique :
- d’abord soit purifier le complexe à partir d’extrait cellulaires totaux de Corynebacterium glutamicum et/ou Mycobacterium smegmatis, deux actinobactéries non pathogènes, soit le reconstituer in vitro à partir de ses quatre protéines composantes produites chez Escherichia coli ;
- caractériser l’assemblage (interactions protéine-protéine, mesure des affinités) et l’architecture du complexe par une approche de biologie structurale intégrative qui inclut notamment de la cristallographie aux rayons X des composantes du complexe, de la diffusion des rayons X aux petits angles (SAXS), de l’ultracentrifugation analytique, de la cryomicroscopie électronique, de la modélisation;
- Etudier la structure et la ‘dynamique’ du complexe, avec une attention particulière à tout aspect de sa régulation.

Les principaux résultats à ce jour (juin 2015) peuvent être résumés en trois points:
i. structures cristallographiques du domaine catalytique de E2p (dihydrolipoamide acétyltansférase) de C. glutamicum, protéine prédite former le noyau du complexe, en forme ‘apo’ ainsi qu’en complexe avec CoA-SH, substrat accepteur de la réaction, ou le produit acétyl-CoA;
ii. structure cristallographique de E1p (pyruvate déshydrogénase) de C. glutamicum;
iii. étude de l’oligomérisation et de l’état en solution de E2p, domaine catalytique C-terminal ou protéine entière, par ultracentrifugation analytique et SAXS. Ces expériences ont confirmé l’état homotrimérique de E2, également en sa forme entière, et montrent – comme attendu – une conformation très allongée, compatible avec la présence des domaines dits ‘lipoyl’ et de liaison aux sous-unités périphériques, censés interagir avec les autres composantes du complexe.

Nous cherchons tout d’abord à obtenir un modèle 3D d’un ‘supercomplexe’ dont certains éléments suggèrent l’existence chez les Actinobactéries, mais dont la structure est inconnue à ce jour, ce qui constitue déjà un gros défi technique. L’objectif à plus long terme, par contre, est d’aller au delà d’une image statique et comprendre plutôt comment un tel complexe pourrait être régulé, ce qui ouvrirait des perspectives intéressantes en terme de développement de nouveaux antibiotiques, d’autant plus que des nouveaux mécanismes de régulation du métabolisme bactérien, non nécessairement restreints aux Actinobactéries, pourraient être mis au grand jour.

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La tuberculose reste aujourd’hui une menace importante pour la santé publique, un tiers de la population mondiale étant estimé infectée par Mycobacterium tuberculosis de façon latente, et par conséquent susceptible de développer une forme active de la maladie à tout moment par réactivation, spécialement en cas d’affaiblissement de la réponse immunitaire. Devenir capables de cibler efficacement un tel réservoir serait sans doute une avancé majeure vers l’éradication de la maladie. En effet, l’un des plus gros défis dans le développement de nouvelles molécules contre la tuberculose est de pouvoir agir contre les bactéries en état de dormance, une tâche particulièrement difficile d’autant plus que les mécanismes moléculaires qui gèrent l’adaptation du pathogène aux conditions rencontrées pendant les différentes étapes de la maladie, notamment la latence, restent méconnus. Pour ces raisons nous sommes en train d’étudier comment M. tuberculosis contrôle son métabolisme central, un processus critique pour passer de la réplication active à la dormance (ou inversement). Notre travail récent dans ce domaine a été focalisé sur la caractérisation structurale de l’a-ketoglutarate décarboxylase (KGD), un enzyme central dans le cycle des acides tricarboxyliques (TCA) et partie du complexe tripartite de l’a-ketoglutarate déshydrogénase (KDH). Identifié au départ comme un enzyme inhibé par GarA, une protéine à domaine FHA qui à son tour agit en sorte d’interrupteur moléculaire contrôlé par phosphorylation, nous avons montré que KGD est un objet extrêmement dynamique capable d’effectuer différentes réactions selon le substrat accepteur du groupe acyle, et que son inhibition par GarA passe par un mécanisme nouveau de type allostérique, à travers duquel l’enzyme est figé dans un état incompétent pour la catalyse.
Malgré le complexe KDH avait été décrit comme absent chez M. tuberculosis car son activité n’avait pu être détectée, nous savons maintenant que non seulement cette activité peut être mesurée sous certaines conditions mais aussi que ce complexe pourrait en réalité ne faire qu’un avec PDH, le complexe de la pyruvate déshydrogénase, structuré de la même façon et impliqué dans la décarboxylation oxydative du pyruvate issu de la glycolyse. Réunir les deux complexes dans un seul ‘supercomplexe’ hybride pourrait générer un assemblage multienzymatique de l’ordre des dizaines de MDa, avec un diamètre bien supérieur au ribosome et sans analogies chez d’autres organismes. L’objectif de ce projet est tout d’abord de valider l’existence de ce complexe comme une machinerie enzymatique d’importance chez le sous-ordre des Corynebacterineae (qui inclut mycobactéries et corynebactéries), puis de le purifier et le caractériser par une combinaison d’approches de biologie structurale hybride à fin d’obtenir un modèle 3D de cet objet supramoléculaire. Le but finale reste cependant d’aller au delà d’une image structurale statique, à savoir clarifier par quels processus dynamiques ces différentes activités enzymatiques pourraient être coordonnées dans le temps et l’espace, et de comprendre, au final, par quels mécanismes moléculaires (et en réponse à quels signaux) cette machinerie énorme pourrait être régulée.

Coordinateur du projet

Monsieur Marco BELLINZONI (Institut Pasteur) – marco.bellinzoni@pasteur.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

IP Institut Pasteur

Aide de l'ANR 196 040 euros
Début et durée du projet scientifique : décembre 2013 - 42 Mois

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