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Changements environnementaux et métacommunautés : interactions entre espèces et dynamique spatiale – GEMS

GEMS

Changements environnementaux et métacommunautés : interactions entre espèces et dynamique spatiale

GEMS évalue l'impact du climat et de la fragmentation sur le fonctionnement de métacommunautés, en se focalisant sur les inetraction dans les communautés locales et la dispersion et leur évolution

Les changements actuels dans l'état de l'environnement menacent la biodiversité à l'échelle des écosystèmes et des régions. Les changements environnementaux mondiaux (GEC) devraient empirer en corollaire de l'exploitation humaine accrue de l'environnement. En Europe, la fragmentation des paysages interagit avec le changement climatique dans un «cocktail mortel anthropique« menaçant l'intégrité, et donc la viabilité des individus et des populations, augmentant le risque d'extinction des populations. L'extinction des espèces est le signe le plus évident des changements infligés à la biodiversité par les GEC. Cependant, l'extinction des populations et des espèces aura également un impact surle fonctionnement des communautés naturelles par exemple par la perturbation des interactions entre espèces, et met ainsi en péril aussi le fonctionnement des écosystèmes.<br />Trois pièces manquent dans la compréhension du processus qui régissent réponses de la biodiversité aux GEC: (1) la prise en compte des effets interactifs des différents moteurs de GEC, (2) la prise en compte des interactions entre les espèces dans les communautés locales, et (3) la prise en compte de l'évolution adaptative des traits des espèces en réponse aux GEC.<br />Le but de GEMS est d'étudier comment la fragmentation du paysage et les changements climatiques affectent de manière interactive le fonctionnement des métacommunautés. Ce projet est ambitieux et original en ce qu'il vise à lutter contre les effets des GEC non seulement sur les noeuds élémentaires des métacommunautés (espèces, populations, individus), mais aussi sur les processus constitutifs élémentaires de métacommunautés (interactions inter-spécifiques et dispersion). Une autre nouveauté est de considérer l'action synergique du changement climatique et de la fragmentation du paysage plutôt que de voir les deux processus séparément.

Nous allons faire usage d'un module composé de quelques espèces en forte association trophique: un herbivore spécialisé (un papillon myrmecophile), sa plante hôte et sa fourmi hôte. L'utilisation de systèmes simplifiés faites de quelques espèces en interaction forte (modules) est prometteur pour prédire comment les interactions biotiques dans les communautés locales et métacommunautés seraient touchés par les changements environnementaux. GEMS s'intéressera plus particulièrementà l'herbivore, avec un focus sur la cascade de changements dans les populations locales résultant de l'altération des conditions locales de climat et de fragmentation, agissant directement et indirectement par l'intermédiaire des interactions inter-spécifiques, et à l'échelle du paysage à travers la dispersion dans la métapopulation.
Sur le terrain, les communautés locales seront surveillés le long d'un gradient d'élévation et d'un gradient de fragmentation pour montrer comment la dynamique des populations change, comment la synchronie des stades critiques est affectée, et comment la force des interactions interspécifiques change le long de ces gradients.
La génomique du paysage sera utilisée pour évaluer la façon dont le paysage (y compris sa fragmentation et son climat) affecte la dispersion des trois partenaires, et pour identifier d'éventuels points de basculement pour le fonctionnement de la communauté.
La génomique des communautés permettra d'identifier des régions génomiques touchées par les modifications des conditions environnementales et la force des interactions entre les espèces.
Des expériences en jardin commun aideront à distinguer entre la plasticité adaptative et l'évolution adaptative des traits clés (impliqués soit dans la dispersion ou dans les interactions entre espèces).
Toute cette information servira ensuite à construire un modèle pour la réponse de la métacommunauté à des changements environnementaux ou sa réponse à des scénarios d'atténuation.

Les 18 premiers mois ont permis de mettre en place les protocoles et de collecter les données de base. Nous avons aussi mené des travaux théoriques sur des sujets centraux à GEMS, ayant donné lieu à 8 publications (5 déjà publiées, 3 soumises).
En 2014, nous avons sélectionné une trentaine de sites le long d’un gradient de fragmentation et d’altitude.
Nous avons effectué l’échantillonnage génétique des 3 espèces cible sur l’ensemble de ces sites. Les échantillons seront ensuite génotypés pour l’analyse de génomique du paysage. Les échantillons de plante et de papillon ont déjà été préparés pour cette analyse, les fourmis subissent une vérification taxonomique préalable.
Au cours de cette saison, nous avons effectué la caractérisation démographique des populations des 3 espèces. Les populations de plantes ont aussi fait l’objet de mesures phénotypiques et phénologiques.
L’ensemble des sites a également été soumis à une analyse climatique, montrant un effet prépondérant de l'altitude sur les conditions propices à l'activité des fourmis, et pas d'effet direct de la fragmentation sur le climat. Les paysages ont également fait l’objet d’une cartographie qui sera utilisée pour l’analyse génétique et pour la modélisation.
En vue de réaliser les expériences en jardin commun, nous avons mis au point l’élevage en condition contrôlée de l’ensemble des espèces. Les conditions de germination et de croissance en serre pour la plante ont été ajustée sur des graines que nous avions collecté à l’automne 2014. Des colonies de fourmis ont été installées au labo dans des nids artificiels, au départ d’individus prélevés sur un ensemble de sites, en vue d’intégrer des chenilles à ces colonies d’élevage. Les expériences en jardin commun ont commencé sur les fourmis en vue d’identifier les préférentiels thermiques des individus provenant de sites climatiquement contrastés. Des expériences similaires seront initiées cet été pour les plantes, et en 2016 pour le papillon.

Les objectifs pour 2015 et le début de 2016 sont de consolider l’acquisition de données, de terminer les analyses des données génétiques et démographiques, de commencer les expériences en milieu contrôlé, et d’initier la modélisation. Nous poursuivrons également nos études théoriques.

Pour ce qui est des collectes de données, la saison de terrain 2015 sera pour le papillon axée sur la démographie. Pour la plante, nous terminerons la caractérisation démographique des populations et effectuerons également une étude plus poussée de la phénologie. Le suivi des populations de fourmis se fera selon le même protocole qu’en 2014.
Nous analyserons l’impact de la fragmentation et du climat sur les flux géniques. Nous effectuerons égalent l'analyse des relations génétiques entre les trois espèces partenaires avec les outils de la génomique des communautés.
Nous continuerons les expériences sur les fourmis et délimiterons les protocoles des expériences pour les papillons, à mener à l’été 2016.
Nous entamerons la partie modélisation, en construisant un modèle d’habitat pour la plante et le papillon. Cette partie du travail servira de socle à une extension au projet, visant à évaluer l’impact de l’histoire du paysage sur le fonctionnement démo-génétique des populations de plante et de papillon.
Nous continuerons égalent l’étude théorique initiée il y a quelques semaines, portant sur la manière dont le climat et ses changements affectent la diversité génétique (et donc l’adaptabilité) le long des chaînes trophiques au sein des communautés, en réalisant une méta-analyse bibliographique sur ce sujet. Cette initiative a été motivée par le manque de prédictions et fondements théoriques actuellement disponibles sur ce sujet en phase directe avec GEMS.

1. Pavoine, S., Baguette, M., Stevens, V.M. et al. 2014. Life history traits, but not phylogeny, drive compositional patterns in a butterfly metacommunity. Ecology 95 (12), 3304-3313.
2. Stevens, VM. et al. (incl. M. Baguette) 2014. A comparative analysis of dispersal syndromes in terrestrial and semi-terrestrial animals. Ecology Letters 17 (8), 1039-1052.
3. Baguette, M., Stevens, V.M. & Clobert, J. 2014.The pros and cons of applying the movement ecology paradigm for studying animal dispersal. Movement Ecology, 2:13.
4. Legrand, D. et al. (incl. M. Baguette & V. Stevens). In press. Ranking the ecological causes of dispersal in a butterfly. Ecography, in press.
5. Coulon et al. (incl. M. Baguette & V. Stevens). In press. A stochastic movement simulator improves estimates of landscape connectivity. Ecology, in press.
6. Paz-Vinas, I. et al. (incl. V. Stevens). Evolutionary processes driving spatial patterns of intra-specific genetic diversity in river ecosystems. Under review as invited review for Molecular Ecology.
7. Villemey, A. et al. (incl. M. Baguette & V. Stevens). Butterfly dispersal in farmland: a multi-site landscape genetics study on the meadow brown butterfly (Maniola jurtina). Under review as classical paper in Molecular Ecology.
8. Baguette, M., Legrand, D. & Stevens, V.M. Genotype–phenotype interactions: an emergent, individual–centered evolutionary ecology framework. Presubmission inquiry sent to Trends in Ecology and Evolution.

Maintenir l'intégrité de la biodiversité face aux changements environnementaux actuels suppose que nous utilisions des outils pertinents pour évaluer l'efficacité de propositions de gestion de cette biodiversité. Ces outils doivent donc s'appuyer sur une connaissance approfondie des relations entre le fonctionnement de la biodiversité à différents niveaux d'intégration (des gènes aux écosystèmes) et les conditions environnementales. Ces outils prédictifs sont principalement des plateformes de simulation, dont l'efficacité dépend étroitement de leur réalisme. Plusieurs simplifications réduisent cependant leur réalisme en l'état actuel: les moteurs du changement environnemental (climat, fragmentation, etc) sont considérés isolément les uns des autres, les relations entre espèces sont le plus souvent ignorées et les traits clés considérés immuables, sans possibilité d'adaptation par sélection ou par plasticité. L'objectif de GEMS est de lever ces verrous.

Dans GEMS, nous allons étudier comment l'interaction entre fragmentation des paysages et changement climatique (les deux causes principales de changement dans les régions tempérées) affecte le fonctionnement des métacommunautés. Plutôt que de nous intéresser à la réponse possible de populations déconnectées de leur réseau d'interactions (trophiques, de compétition, etc.), comme cela a été fait jusqu'ici, GEMS s'intéressera explicitement à ces interactions entre espèces et à la dispersion des individus entre populations et communautés locales au travers des paysages fragmentés. GEMS considèrera donc à la fois les effets du changement global à l'échelle des populations, les effets indirects agissant au travers des interactions entre espèces à l'échelle des communautés locales, et les effets à l'échelle paysagère passant par une modification de la dispersion entre populations et communautés.

Pour cela, nous commencerons par identifier les modifications en termes de dispersion, de phénologie et de dynamique populationnelle pour trois espèces en interaction trophique forte (un papillon spécialiste, sa plante-hôte et l'un de ses parasitoïdes spécialistes) le long de deux gradients environnementaux, l'un de climat et l'autre de fragmentation. L’impact de la fragmentation et du climat sur la dispersion sera évalué par une analyse de génétique du paysage, avec pour but d’identifier les points de divergence dans la réponse des trois espèces en interaction. Parallèlement, nous étudierons la dynamique des populations locales et la phénologie de chaque espèce le long de ces gradients environnementaux pour évaluer dans quelle mesure ces éléments causent des désynchronisations entre espèces en interaction ou modifient la force de celles-ci. Ensuite, dans une étape expérimentale utilisant un mésocosme à l’échelle du paysage, nous identifierons les traits clés impliqués dans la réponse aux changements environnementaux et le mécanisme de mise en place de cette réponse, à savoir une micro-évolution et/ou une réponse plastique. Dans ce mésocosme, des populations captives, d’histoire et de composition contrôlées (en termes de valeurs des traits phénotypiques potentiellement sensibles), seront soumises à des conditions contrôlées de climat et de fragmentation. Enfin, nous intégrerons à un modèle de métacommunauté les réponses élémentaires observées et mises en évidence expérimentalement. Ce modèle servira à évaluer quelles pourraient être les réponses de la métacommunauté aux modifications climatiques attendues, à l’augmentation de la fragmentation des paysages, à des scénarios de mitigation de cette fragmentation, et à leurs effets combinés.

Au final, GEMS apportera donc non seulement des avancées majeures dans notre connaissance du fonctionnement des métacommunautés, mais fournira aussi à la communauté scientifique les bases de construction d’outils pertinents d’aide à la décision en matière de conservation de la biodiversité.

Coordination du projet

Virginie Stevens (Station d'Ecologie Expérimentale de Moulis) – virginie.stevens@sete.cnrs.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

SEEM, USR CNRS 2936 Station d'Ecologie Expérimentale de Moulis

Aide de l'ANR 209 924 euros
Début et durée du projet scientifique : décembre 2013 - 48 Mois

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