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Réalisation et perception du /R/ en français – REPER

Explication des différentes réalisations du /R/ en français pour un meilleur apprentissage en Langue Etrangère

Le /R/ français uvulaire standard est comme la majorité des rhotiques par une grande variabilité. Selon la littérature, ses différentes sont dues aux propriétés des phonèmes contigus et à sa position dans le mot. Ces explications laissent inexpliquées nu grand nombre de réalisations considérées comme des variantes libres. De ces difficultés à cerner la variation du /R/ résultent notamment des problèmes pour l’acquisition de ce son par les apprenants du Français Langue Etrangère

Perception et production du /R/ en français : explication de la variabilité inhérente à ce phonème à partir de mesures physiologiques

L’étude de la réalisation du /R/ uvulaire en français est considérée comme problématique de par sa variabilité. Au-delà de la variation contextuelle phonémique propre à chaque phonème dans les langues, la variation du /R/ semble plus importante et laisse également un nombre de réalisations libres aux locuteurs. Dans ce projet, nous avons entrepris de déterminer ses principaux axes de variation grâce à des analyses physiologiques (articulatoires et aérodynamiques), ceux-ci étant pour les 2 plus importants le voisement et le degré de friction (constriction). Nous avons montré que le degré de constriction entre la langue et le palais est corrélé au voisement et nous validons l’utilisation du ratio Harmoniques sur Bruit (HNR) pour mesurer acoustiquement la variation du /R/. Les analyses aérodynamiques ont montré que la variation du début d’air nasal n’est pas significative malgré une ouverture du voile du palais (observée par articulographe électro-magnétique). La pression sous-glottique ne varie que pour des réalisations spécifiques de fins de phrase ou sous emphase.

L’utilisation de l’articulographe électro magnétique EMA a permis à l’aide de capteurs posés sur la langue et sur l’extrémité du voile du palais de contrôler la position des articulateurs avec une bonne précision temporelle et spatiale dans le but de vérifier la réalisation du /R/ dans un maximum de contextes de variation. La question du voile du palais qui s’abaisserait pour faciliter le contact avec l’arrière de la langue ne pouvait être tranchée que par ce moyen. Cependant, il était nécessaire de coupler ce procédé expérimental avec des mesures aérodynamiques afin de mesurer un éventuel débit d’air nasal. En effet, un abaissement du voile du palais n’est pas systématiquement corrélé à des flux traversant les fosses nasales. De même, une analyse de la pression sous-glottique et des différentes pressions jusqu’en sortie de conduit vocal permet de cerner les différentes variations possibles et les phénomènes de compensation possibles, pour des positions articulatoires semblables. Des mesures acoustiques sur des grands corpus (50 heures de parole) ont ensuite été effectuées.

Nous avons montré que le degré de constriction entre la langue et le palais est corrélé au voisement et nous avons validé l’utilisation du ratio Harmoniques sur Bruit (HNR) pour mesurer acoustiquement la variation du /R/. Les analyses aérodynamiques ont montré que la variation du début d’air nasal n’est pas significative malgré une ouverture du voile du palais. La pression sous-glottique ne varie que pour des réalisations spécifiques de fins de phrase ou sous emphase. Pour finir, des analyses acoustiques sur grands corpus ont mis en évidence des prédicteurs nouveaux dans la variation du /R/ tels que la fréquence lexicale, le contour intonatif, la position au sein du groupe prosodique et le débit de parole.

Deux thèses sont encore au cours au Laboratoire du coordinateur, la première en relation avec l’alignement automatique des systèmes de transcription de la parole et la deuxième qui établit un parallèle avec le /R/ berbère qui possède phonologiquement une réalisation voisée et une réalisation sourde, ce qui permet de déterminer si les limites de variabilité observées pour le français sont applicables.
Un projet de recherche va démarrer en 2018 au laboratoire, sur les variations propres aux locuteurs et l'analyse du /R/ reconnu comme un indice diaphasique sera poursuivi dans cette optique.

Au-delà des publications listées infra, ce projet a permis - grâce aux mesures acoustiques effectuées - l’aboutissement d’un logiciel didactique pour s’entrainer à la production du /R/ français grâce à un simple microphone, téléchargeable gratuitement ici :
www.univ-paris3.fr/anr-reper-231657.kjsp
Cet outil, ainsi que l’utilisation d’un échographe pour l’apprentissage du son /R/ ont été montrés lors deux dernières éditions de la fête de la science.

Le phonème /R/ du français standard est caractérisé par une grande variabilité, comme souvent pour les rhotiques dans les langues du monde, classe à laquelle le /R/ français appartient. Selon la littérature, la variabilité du /R/ est principalement expliquée par les propriétés des sons environnants ainsi que par sa position dans le mot, ce qui laisse comme "variantes libres" un certain nombre de réalisations inexpliquées. Phonétiquement, il serait réalisé le plus fréquemment comme une fricative, une vibrante, une approximante, sourde, sonore ou en partie dévoisée. Cette incapacité à comprendre les variations de ce phonème impliquent nombre de conséquences : les apprenants du français ont des difficultés particulières avec l'acquisition de ce son, les systèmes de reconnaissance automatique de la parole - s'ils parviennent à modéliser ce son en fonction de son entourage phonémique - utilisent pour les mots impliquant /R/ des variantes très simplifiées dans leurs dictionnaires de prononciations. Quant aux théories phonologiques, elles le traitent souvent à part notamment à cause sa propension à osciller entre obstruente et sonante.

Dans le projet REPER, nous émettons l'hypothèse que cette variabilité est structurée et qu'elle s'exprime dans un premier temps selon un continuum allant de l'approximante voisée à la fricative sourde. Les occurrences s'éloignant de ce continuum peuvent s'expliquer par des facteurs prosodiques et sémantiques essentiellement. Cette grande variabilité comparée aux autres phonèmes du français et certaines réalisations déjà fortement réduites sont les prédicteurs d'une évolution en cours de ce phonème en français. Dans tous les cas, il semble qu'une cible acoustique soit privilégiée à une cible articulatoire, et qui serait un des invariants de toutes les réalisations du /R/. Cette cible acoustique se manifeste par les trajectoires formantiques des voyelles environnantes : une montée du 1er formant et du 3ème formant.

3 types d'expérimentations permettront de tester nos hypothèses :
- une investigation acoustique sur des grands corpus de près de cent heures de parole continue (en comparant deux styles : parole journalistique et parole spontanée, le français journalistique sera également comparé à un corpus d'allemand journalistique qui permet de comparer le /R/ français au /R/ allemand, ceux-ci ayant de nombreuses similitudes). Tous ces corpus sont déjà disponibles et étiquetés pour l'analyse par le coordinateur. Les grands corpus de parole - et eux seuls - permettront de quantifier les différentes réalisations du /R/, l'amplitude de sa variation ainsi que les stratégies majoritairement choisies par les locuteurs. Ils permettront également de mettre en évidence les différents facteurs impliqués dans la variabilité du /R/ en français.
- une analyse physiologique permettra de quantifier les gestes articulatoires de friction et de voisement et leur synchronisation afin de tester l'hypothèse d'un continuum. Ces stratégies articulatoires seront mises en parallèle avec la stabilité acoustique. Pour ce faire, nous aurons recours à une analyse multi-senseurs avec (1) l'External-Photo-Glotto-Graphe, un outil non invasif récemment breveté au Laboratoire de Phonétique et Phonologie (laboratoire partenaire) qui permet d'analyser l'ouverture glottique sans gêner la production de parole (2) un capteur Piezzo-électrique afin de capter la vibration du velum de façon non invasive et (3) une sonde ultra-son placée sous le menton afin d'analyser les mouvements de la langue.
- Une étude perceptive tentera de comprendre comment est organisée la représentation du /R/ français dans le cerveau. Dans un 1er temps, nous testerons chez des auditeurs français l'identification du /R/ malgré ses variantes de réalisation. Dans un 2ème temps, nous essaierons de mettre en évidence la capacité de l'auditeur à percevoir la différence entre plusieurs réalisations au moyen de tests de perception ainsi que par une expérience d'EEG.

Coordination du projet

Cédric GENDROT (Laboratoire de Phonétique et Phonologie)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

UMR 7018 - CNRS/Université Sorbonne Nouvelle Paris 3 Laboratoire de Phonétique et Phonologie

Aide de l'ANR 96 000 euros
Début et durée du projet scientifique : octobre 2013 - 42 Mois

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