Recherche de neutrino stérile auprès du réacteur de l’ILL. – Stereo
STEREO
Recherche du neutrino stérile auprès du réacteur de l'ILL.
Mesure à courte distance du spectre de neutrino émis par le réacteur ILL
L'objectif de l'expérience Stereo est de faire une mesure précise du spectre en énergie des neutrinos émis par le réacteur de l'ILL. Si le neutrino stérile existe il doit se manifester par des distorsions de forme de ce spectre et ces distorsions doivent évoluer en fonction de la distance au cœur du réacteur. Le détecteur est ainsi basé sur plusieurs cellules identiques qui permettent de mesurer la déviation au spectre attendu dans une gamme de distance de 9 à 12 m du cœur. <br />Les enjeux sont d'atteindre une bonne précision de détection dans un détecteur relativement simple et compact et surtout de rejeter très efficacement les bruits de fond extérieurs. Les principales sources de bruit de fond sont induites par le réacteur en fonctionnement et par le flux de rayons cosmiques du fait du faible enfouissement de l’expérience.<br />
Le projet Stereo tire profit des récents développements sur de grands détecteurs qui permettent de produire des liquides scintillants (LS) en grande quantité et très stables sur l'échelle de plusieurs années. La signature de l’interaction d’un neutrino est établie par la réaction dite “beta-inverse” qui produit un positron et un neutron dans l’état final. Le dépôt d’énergie du positron fourni un premier pulse de lumière dans le LS puis le neutron est capturé par du Gadolinium ajouté en suspension dans le liquide. Cette capture produit un 2e pulse de lumière quelques dizaines de microsecondes plus tard, qui signe le neutrino.
L’analyse repose essentiellement sur les variations relatives de forme et de taux de comptage entre les différentes cellules identiques du détecteur, diminuant ainsi l’impact de la plupart de effets systématiques de normalisation.
La collection de lumière est effectuée par des photomultiplicateurs positionnés au sommet de chaque cellule. L’homogénéité de la réponse dans le volume d’une cellule est assurée par la haute réflectivité du revêtement interne basée sur un gap d’air emprisonné entre deux plaques d’acrylique. Un système de circulation de sources radioactives autour et à l’intérieur du détecteur est prévu pour calibrer précisément le détecteur dans toute la gamme d’énergie utile.
La réjection du bruit de fond induit par le réacteur implique la mise en place d’importants blindages en plomb et polyéthylène tout autour de l’expérience. Le bruit de fond résiduel est ensuite à nouveau réduit par une réjection en ligne basée sur un véto muon et la discrimination en forme des signaux lumineux.
Plusieurs séries de mesures ont permis de caractériser complètement le bruit de fond sur site.
Le design de l’expérience est essentiellement finalisé et validé par les études de résistance sismique de l’ensemble du dispositif.
La composition du liquide a été optimisée pour fournir à la fois un bon rendement lumineux et une bonne capacité à discriminer en forme le bruit de fond induit par les rayons cosmiques par rapport au signal neutrino.
Plusieurs sous-ensembles de l’appareillage sont validés par des prototypes : cellule de détecteur, veto–muon, cartes électroniques d’acquisition et de bases des photomultiplicateurs.
L’installation des blindages extérieurs se poursuit dans la casemate de l’expérience. La fabrication des différents ensembles de détection doit s’étaler sur l’année 2015 pour une prise de données en 2016.
Les objectifs et le développement du projet ont été présentés dans plusieurs conférences internationales.
La découverte des oscillations de neutrinos est une réalisation majeure dans l'histoire récente des particules élémentaires. Ainsi les particules de matière les plus abondantes dans l'univers ont une masse non nulle et les trois états connus de neutrinos se mélangent les uns aux autres pendant leur propagation. Un vaste programme expérimental est en cours pour mesurer avec précision les paramètres de la matrice de mélange.
Un récent travail publié par le CEA-Irfu a déclenché un regain d’activité sur la thématique des neutrinos stériles. Dans cet article 19 mesures de neutrinos à courte distance (10-100 m) de réacteurs ont été reanalysés après qu’une réévaluation des flux neutrino des réacteurs ait révélé un biais dans les calculs précédents. Le résultat est un déficit moyen de 7% des neutrinos détectés par rapport aux nouvelles prédictions, avec une signification statistique de 3 s. C'est l'anomalie des neutrinos de réacteur. Cette anomalie est renforcée parc une autre anomalie (connue de longue date) dans la détection des neutrinos émis par d'intenses sources bêta.
Par analogie avec les déficits connus de neutrinos induits par les oscillations dans les secteurs solaire et atmosphérique, ce nouveau déficit à courte distance peut être interprété par l'existence d'un nouvel état de neutrino, un neutrino stérile. Si elle est prouvée, l'existence de cette particule serait une découverte majeure, avec un impact fort dans la physique des particules et la cosmologie.
Ce neutrino sans interaction faible ordinaire ne serait «visible» que par son mélange avec les trois neutrinos ordinaires. Un fit global des anomalies réacteur et source pointe vers les paramètres de mélange suivants : sin2(2?new) = 0,17 ± 0,04 et ?m2new = 2,3 ± 0,1 eV2. Le mode d'oscillation associé, de faible longueur d’onde, est facilement masqué par des effets de taille finie du réacteur ou de résolution en énergie à trop grande distance du cœur, ce qui expliquerait que seul un déficit global de taux de comptage ait été observé jusqu'ici.
Dans les trois ans du projet, Stéréo propose la réalisation d’une mesure de précision à moins de 10 m du cœur compact du réacteur de recherche ILL (Grenoble, France). Son originalité réside dans une signature claire d’une possible nouvelle oscillation par la recherche d’une distorsion du spectre en énergie et en utilisant le décalage de phase de cette distorsion le long de l'axe du détecteur. Cette analyse en forme est indépendance des paramètres du réacteur au premier ordre.
Le concept de détection est basé sur l'interaction des neutrinos dans un scintillateur liquide (LS) par le processus de désintégration bêta inverse . Le volume cible est segmenté suivant la direction du coeur en 5 cellules (1,0 x 1,0 x 0,4 m3). Elles sont remplies de LS dopé au Gd en vue de signer la capture radiative du neutron, corrélée avec l'annihilation d’un positron. Une couronne externe, remplie de LS sans Gd, récupère une partie des fuites de rayons ? pour améliorer l'efficacité de détection et la résolution en énergie.
L’aménagement du site retenu pourra profiter du long arrêt réacteur prévu entre mi-2013 et mi-2014. Ce site combine les avantages d'un coeur très compact (<1m), une courte distance cœur-détecteur (8 m) et un combustible nucléaire hautement enrichi en 235U, en supprimant tous les effets de l'évolution du combustible dans la détermination de la forme du spectre. Un large canal d’eau surplombant le détecteur réduit le flux de rayons cosmiques et un ensemble de blindages atténue les bruits de fond ? et neutron. La charge au sol permise dans ce secteur est adaptée à la lourde structure requise, estimée à 70 tonnes.
La collaboration stéréo rassemble une grande expérience dans le domaine de la physique des neutrinos de réacteur couvrant tous les aspects cruciaux de Stereo. Le calendrier d'installation présenté et la sensibilité de la mesure offrent un potentiel de découverte élevé.
Coordination du projet
David Lhuillier (Commissariat à l'Energie Atomique et aux Energies Alternatives) – david.lhuillier@cea.fr
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenaire
CNRS-IN2P3-LPSC Laboratoire de Physique Subatomique et de Cosmologie
CEA/Irfu Commissariat à l'Energie Atomique et aux Energies Alternatives
Aide de l'ANR 990 018 euros
Début et durée du projet scientifique :
septembre 2013
- 42 Mois