DSSA - Déterminants sociaux de santé

Environnement psychosocial précoce, empreintes biologiques et épigénétiques et état de santé à l’âge adulte – IBISS: Incorporation Biologique et Inéga

L’incorporation biologique de l’environnement précoce et son influence sur la santé future

L'existence d'un gradient social de santé, i.e un lien proportionnel entre niveau social et état de santé, est bien documentée pour de très nombreuses pathologies, chroniques notamment. Une difficulté majeure reste de comprendre la façon dont les déterminants sociaux, incluant les expositions physiques, chimiques ou encore psycho-comportementales, sont liés entre eux et s’enchainent de l’enfance à l’âge adulte pour influencer l’état de santé.

Inégalités sociales de santé et rôle de l’environnement précoce.

Comment l’environnement psychosocial précoce peut-il affecter le fonctionnement de l’organisme humain au point d’influencer le développement d’une maladie des années plus tard et expliquer une part des inégalités sociales de santé (ISS) ? C’est à cette question que tente de répondre le projet IBISS. <br />L'existence d'un gradient social de santé, i.e un lien proportionnel entre niveau social et état de santé, est bien documentée pour de très nombreuses pathologies, chroniques notamment. L’environnement social comprend de multiples composantes (financières, physiques, chimiques, nutritionnelle, psychosociales…) qu’il convient de distinguer afin de mieux comprendre la genèse des ISS. Des travaux récents suggèrent que l’adversité psychosociale précoce (séparation, négligences, abus…) pourrait modifier certains processus biologiques lors du développement et influencer la santé future en écho au concept d’incorporation biologique de l’environnement. Le projet IBISS a pour objectif de caractériser précisément l’environnement psychosocial susceptible d’influencer la santé future et d’en décrypter les mécanismes biologiques sous-jacents, notamment épigénétiques. Cet objectif s’accompagne d’une réflexion bioéthique quant aux retombées sociétales potentielles de ce projet visant à anticiper de possibles dérives.

Une approche intégrative entre différentes disciplines a été développée (épidémiologie, statistique, psychologie, neurobiologie, endocrinologie, épigénétique, bioéthique et philosophie) autour de 5 groupes de travail (GT): le GT1 définit et précise les expositions psychosociales précoces susceptibles chez l’humain d’avoir un impact sur l’état de santé à long terme en intégrant des psychologues, pédopsychiatres, des spécialistes de l’épidémiologie biographique, des neuroscientifiques; le GT2 analyse chez l’animal les effets biologiques d’un stress psychosocial (séparation maternelle) et nutritionnel (obésité maternelle periconceptionnelle) sur la santé à long terme (développement de cancer, troubles métaboliques et comportementaux), incluant l’analyse des processus épigénétiques en jeu; le GT3 investigue les questions biostatistiques que posent l’étude de chaines de causalité liant expositions précoces et santé adulte ; le GT4 explore les enjeux sociétaux et éthiques que posent la mise en évidence d’un lien entre le social et le biologique dans les politiques publiques mais aussi sur la façon dont de tels résultats peuvent faire leur apparition dans le débat public ; le GT5 intègre les résultats des autres GT pour étudier chez l’Homme, à partir de données de cohorte, les liens existant entre environnement social précoce, fonctionnement biologique et état de santé adulte.

Les résultats majeurs de ce projet sont de plusieurs natures :
- Le stress psychosocial précoce et nutrition maternelle durant la gestation sont liés à des modifications biologiques (métaboliques, épigénétiques) et comportementales avec un impact potentiel à long terme (maladies métaboliques, cancer) chez les animaux et les êtres humains. Ceci a été souligné chez les souris chez qui la séparation maternelle et l’obésité maternelle ont un impact à long terme sur le métabolisme, l’axe corticotrope, la motivation pour de la nourriture palatable et les comportements émotionnels de la descendance. Ces modifications sont associées à une modification du profil d’expression des gènes spécifiquement dans le noyau accumbens, région cérébrale clef du circuit de la récompense avec des différences selon le type de stress et le sexe. Ces deux mêmes stress précoces accélèrent également la cinétique de carcinogenèse pancréatique. Ces résultats ont également été retrouvés chez les êtres humains : Les analyses menées sur des cohortes humaines retrouvent une influence du l’adversité pendant l’enfance et de l’IMC de la mère avant la grossesse sur le fonctionnement biologique (usure physiologique globale et syndrome métabolique).
- La production d’une réflexion sur l'impact éthique et sociétal de ces recherches et notamment une analyse sur les conséquences que pourraient produire ces connaissances tant à l’échelle individuelle (pour de futurs patients) qu’à l’échelle collective (politique de santé publique) y compris concernant leur diffusion dans l’espace public
- La production d’un modèle général théorique d'incorporation biologique de l'environnement
- La production d’un article méthodologique sur le travail interdisciplinaire

Les résultats produits dans le cadre d’IBISS ont fait l’objet de publications scientifiques nombreuses ainsi que de présentations multiples à des conférences nationales et internationales. Les résultats ont été détaillés dans les livrables prévus dans le protocole initial. La valorisation sociétale a également fait l’objet d’un effort particulier et notamment via la participation de plusieurs partenaires à des colloques auprès de décideurs politiques.
L’exploitation des résultats se manifeste aussi par la volonté du « consortium IBISS », impliquant l’ensemble des partenaires, de continuer à explorer ensemble cette thématique. Nous proposons ainsi d’explorer les nouveaux enjeux mis en évidence dans IBISS et cités ci-dessus dans le cadre d’un nouveau projet ANR « GENESE ». Ce projet a été déposé dans le cadre de l’AAPG ANR 2017.

Ce projet a permis d’établir une culture des échanges entre phénomènes sociaux, biologiques et sociétaux qui sont majoritairement investigués de manière distincte. La production scientifique est importante et comprend des articles scientifiques mono et pluripartenaires, des rapports ainsi que des communications dans des congrès nationaux et internationaux. La valorisation sociétale a également fait l’objet d’un effort particulier et notamment via notamment la participation de plusieurs partenaires à des colloques auprès de décideurs politiques.

Ce projet propose d’étudier comment les expositions psychosociales précoces modifient des processus biologiques impliqués dans le développement ultérieur de pathologies, la prévalence socialement différenciée de ces expositions pouvant alors en partie expliquer les inégalités sociales de santé observées. Pour atteindre cet objectif six groupes de travail (GT) ont été définis:
Le GT1 aura pour but de définir expositions psychosociales précoces susceptible d’avoir un effet sur l’état de santé futur. Mieux comprendre les phases de développement de l’enfance, notamment celles du développement cérébral sera crucial, comme l’identification des facteurs nécessaires à un développement optimal durant l’enfance. Ce groupe devra aussi discuter la façon dont ces points pourraient être collectés en routine dans des études épidémiologiques en création ou existantes
Le GT2 étudiera les processus biologiques mis en jeu grâce aux modèles animaux, cruciaux pour tester la causalité. Comment l’épigénome peut lier les expositions précoces à l’état de santé ultérieur est une question majeure. La charge allostatique utilise des biomarqueurs classiques pour mesurer l’usure physiologique globale de l’adaptation au cours du temps à l’environnement. Cette usure ne peut se limiter à un tissu spécifique ni à quelques gènes mais touche nécessairement le génome dans son ensemble. Des réseaux multiples de gènes fonctionnels, diffèrent en fonction du sexe, restent ainsi à identifier au niveau du génome. La plupart des marques épigénétiques résultant de l’'impact de l'environnement sont spécifiques à des tissus généralement non disponibles chez l’humain (cerveau, pancréas, foie). Des données récentes démontrent que les changements peuvent aussi affecter les globules blancs comme les cellules T, tissu collecté dans les cohortes humaines. Ce groupe utilisera des modèles de souris pour identifier les marques épigénétiques pertinentes dans des tissus spécifiques et dans le sang. En utilisant le séquençage à large échelle et de nouvelle génération (MeDIP-seq et approches transcriptomiques), une analyse du génome à large échelle identifiera des gènes dont la méthylation et l’expression sont modifiées, et le réseau auquel ils appartiennet. Ces analyses seront conduites, par sexe, dans un groupe d’animaux exposés à un environnement psychosocial et nutritionnel délétère et à un groupe control. Une liste de gènes candidats sera produite pour être testé dans d’autres groupes par des approches par gène candidat pour identifier des marqueurs épigénétiques de la charge allostatique.
Le GT3 sera centré sur les questions méthodologiques et statistiques que pose l’analyse des liens directs( biologique) entre des expositions précoces et l’état de santé futur. Ces questions incluent notamment le choix des modèles à utiliser pour prendre en compte les liens indirects (médiation) et la complexité des chaines de causalité s’enchainant au cours de la vie.
Le GT4 traitera des enjeux sociétaux de ce projet, notamment la façon de prendre en compte l’existence de chaines de causalité liant le social au biologique dans les politiques publiques mais aussi sur la façon dont de tels résultats peuvent faire leur apparition dans le débat public. Un groupe éthique sera donc mis en place pour explorer les enjeux éthiques proposés par ce projet.
Le GT5 synthétisera les résultats issus des autres GT dans un but d’application à la l’Homme. Ce GT projette d’utiliser des données de cohorte pour tester les hypothèses générées sur les liens entre expositions psychosociales précoces et état de santé adulte.
Ce projet innovant étudiera les mécanismes de production des inégalités sociales de santé par une approche intégrative (épidemiologie, psychologie, neurobiologie, épigénétique, biostatistique, droit de la santé), en proposant des connaissances nouvelles utiles pour développer des d’interventions luttant contre les inégalités sociales de santé.



Coordination du projet

Cyrille Delpierre (UMR 1027: Epidémiologie et analyses en santé publique : Risques, maladies chroniques et handicaps) – cyrille.delpierre@inserm.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

INRA Laboratoire Nutrition et Neurobiologie Intégrée NUTRINEURO
INRA Département de biologie du développement et reproduction
INSERM UMR1037 Equipe 10 UMR 1037: Centre de recherche en cancérologie de Toulouse
INSERM UMR 1027 Equipe 5 UMR 1027: Epidémiologie et analyses en santé publique : Risques, maladies chroniques et handicaps
INSERM UMR 1027 Equipe 4 UMR 1027: Epidémiologie et analyses en santé publique : Risques, maladies chroniques et handicaps
Université Toulouse II Laboratoire psychologie du développement et processus de socialisation
UPS - IMT Université Paul Sabatier - Institut de Mathématiques de Toulouse

Aide de l'ANR 997 219 euros
Début et durée du projet scientifique : décembre 2012 - 36 Mois

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