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Les glaciations du passé: leçons pour un modèle de stratigraphie séquentielle dédié aux systèmes glaciaires – SeqStrat-Ice

Quels scénarios pour les âges de glace ?

Les glaciations du passé: leçons pour un modèle de stratigraphie séquentielle dédié aux systèmes glaciaires

Les glaciations du passé au prisme des archives sédimentaires : ce que l’on en comprend exactement

Caractérisées par le développement de vastes inlandsis sur les continents, les glaciations ont ponctué l’histoire de la Terre au cours des temps géologiques. Comprendre les conditions conduisant à l’émergence puis à la disparition de telles masses de glaces reste aujourd’hui un défi pour la paléoclimatologie.<br />La dernière grande période de glaciation, initiée au Cénozoïque il y a environ 33 millions d’années avec la croissance de la calotte glaciaire antarctique, a culminé au Quaternaire avec la mise en place d’inlandsis couvrant à plusieurs reprises la plus grande partie de l’Amérique du Nord et de la Scandinavie. Avant cela, d’autres inlandsis se sont mis en place comme le révèlent les archives stratigraphiques préservées dans les bassins sédimentaires. Si le scénario des épisodes les plus récents fait l’objet d’un relatif consensus, ceux des glaciations plus anciennes (Paléoprotérozoïque ~2400 Ma ; Cryogénien ~700 Ma ; Ordovicien ~444 Ma ; Paléozoïque supérieur 390-280 Ma) restent encore largement débattus. Ce projet à pour but d’offrir les clefs de lecture permettant un meilleur décryptage de ces archives sédimentaires des paléoglaciations.<br /><br />Le projet SEQSTRAT-ICE est un projet de recherche fondamentale coordonné par J-F Ghienne (Institut de Physique du Globe de Strasbourg). Y sont associés des chercheurs et enseignants chercheurs de plusieurs universités françaises (Dijon, Bordeaux, Rennes, Montpellier, Le Mans, Lille) et de l’Institut Français du Pétrole — Energies Nouvelles, en collaboration avec une équipe internationale (Belgique, Italie, Maroc, Canada, Suisse). Le projet a commencé en mars 2013 et a duré 58 mois. Il a bénéficié d’une aide ANR de 358 000 € pour un coût global de l’ordre de 600 000 €.

Le projet est bâti autour de l’étude comparée de deux archives sédimentaires : une récente, enregistrant la déglaciation au Québec depuis 15000 ans ; l’autre, ancienne, concernant l’Ordovicien, qui témoigne de l’installation, des oscillations puis du retrait d’un vaste inlandsis centré sur l’actuelle Afrique alors en position sud-polaire (paléo-continent Gondwana). Chacune a été étudiée du point de vue des environnements de dépôts (sables fluvioglaciaires, côtiers ou turbiditiques, boues glaciomarines ou littorales…), des architectures stratigraphiques (paléovallées, progradations deltaïques, plages soulevées…) et de la chronologie (datations carbone 14 au Québec, micropaléontologie au Maroc).
Des environnements continentaux à ceux du domaine marin, aucun des systèmes sédimentaires ne peut offrir une vision complète des événements paléoclimatiques, chacun contribuant à l’enregistrement de séquences particulières. La donnée géologique étant par essence fragmentaire, le recours à la modélisation (numérique et analogique) a permis la visualisation de processus spécifiques (effets du rebond post-glaciaire, hydrologie sous-glaciaire et impact sur les écoulements glaciaires).

Les glaciations anciennes laissent derrière elles un message sédimentaire plus complexe, mais aussi plus riche, que généralement considéré, et dont le décryptage montre en fait de fortes analogies avec les glaciations les plus récentes. Seule la juxtaposition dans le temps et l’espace de fragments de scénario dispersés à l’échelle des bassins sédimentaires (> 100 x 500 km), unique archive à notre disposition à l’échelle des temps géologiques, permet de mettre à jour des dynamiques de glaciation et déglaciation témoignant de manière satisfaisante d’épisodes climatiques extrêmes du passé. En particulier, notre nouvelle compréhension des glaciations de l’Ordovicien va à l’encontre des modèles envisageant jusqu’ici un événement hors-norme, voire catastrophique ; en fait de nombreux parallèles existent avec les glaciations du Cénozoïque.

Dietrich P., Ghienne J.-F., Lajeunesse P., Normandeau A., Deschamps R. & Razin P. in press – Deglacial sequences and glacio-isostatic adjustement: Quaternary compared with Ordovician glaciations. In: Glaciated Margins: The Sedimentary and Geophysical Archive, Le Heron, D. P. et al. (eds), Geological Society, London, Special Publications, 475, DOI : 10.1144/SP475.9

Lelandais T., Ravier E., Pochat S., Bourgeois O., Clark C., Mourgues R., Strzerzynski P., 2018 – Modelled subglacial floods and tunnel valleys control the life cycle of transfers ice streams. The Cryosphere, 12, 2759-2772. DOI : 10.5194/tc-12-2759-2018

Ghienne J.-F., Benvenuti A., El Houicha M., Girard F., Kali E., Khoukhi Y., Langbour C., Magna T., Míková J., Moscariello A., Schulmann K. 2018 – The impact of the end-Ordovician glaciation on sediment routing systems: A case study from the Meseta (northern Morocco). Gondwana Research, 63, 169-178. DOI : 10.1016/j.gr.2018.07.001
1342-937X

Ghienne J.-F., Desrochers A., Vandenbroucke T., Achab A., Asselin E., Dabard M.-P., Farley C., Loi A., Paris F., Wickson S., Veizer J., 2014 – A Cenozoic-style scenario for the end-Ordovician glaciation. Nature Communications, 5:4485. DOI: 10.1038/ncomms5485

Dietrich P., Ghienne J.-F., Normandeau A., Lajeunesse P. 2017 – Reconstructing ice-margin retreat using delta morphostratigraphy. Scientific Reports 7: 16936. DOI:10.1038/s41598-017-16763-x

L’exploitation des résultats du projet de recherche SEQSTRAT-ICE se traduit par des publications et communications scientifiques. A ce jour, on compte 9 publications directement issues du projet de recherche. SEQSTRAT-ICE a par ailleurs contribué significativement à différents travaux en relation avec les thématiques du projet (14 publications supplémentaires). 42 communications auront été présentées, 9 dans des congrès nationaux, 33 à l’international. Les avancées conceptuelles et les données acquises pendant le projet alimenteront la production scientifique pour les années à venir, comme en témoignent déjà deux papiers soumis, et 7 autres à soumettre en 2018 ou 2019.

Ce projet propose une analyse en termes de stratigraphie séquentielle du message sédimentaire glaciaire, véritables archives des paléo-glaciations terrestres. Etudier ce message est déterminant pour la modélisation des climats anciens —et à venir—, ainsi que pour le déchiffrage des signaux biogéochimiques. Considérant les réservoirs potentiels associés (hydrocarbures, eau potable), l’étude les successions glaciogéniques présente également un intérêt socio-économique certain. Comprendre le fonctionnement du système Terre lors des épisodes de glaciation est ainsi crucial pour faire face à 3 des défis du 21ème siècle : changement climatique et impacts environnementaux, diversification énergétique, gestion des ressources en eau.
Cependant, il n’existe pas à ce jour de modèle de stratigraphie séquentielle capable de rendre compte de la multiplicité des conditions de dépôt qui caractérisent les systèmes glaciaires. Seule la mise au point d’un tel modèle permettra un décryptage exhaustif de nos archives glaciaires et leur exploitation en Géosciences. Le but ultime de ce projet est donc de développer un ensemble de concepts applicable à l’analyse du message sédimentaire glaciaire à l’échelle des temps géologiques. Ce projet, organisé autour de 3 piliers scientifiques, englobe un large spectre d’échelles d’espace et de temps :
• Modélisation numérique des systèmes glaciaires : le défi est ici de relier un outil de modélisation stratigraphique (Dionisos, développé à l’IFP-EN) à un modèle d’inlandsis (par exemple, Sicopolis) permettant de générer des avancées et retraits de fronts glaciaires. Tests et validation s’appuieront sur des études de cas quaternaires et des jeux de données géologiques.
• Etude approfondie du message glaciaire fini-ordovicien, l’une des glaciations anciennes les mieux caractérisée à ce jour : nous postulons qu’il s’agit là de l’archétype des glaciations affectant des domaines de plate-forme épicontinentale, par opposition au ‘type cénozoïque’, mieux connu, dans lequel les inlandsis se développent sur des marges continentales relativement profondes. Ce postulat sera vérifié sur la base de données existantes et à acquérir dans notre laboratoire naturel que constitue les successions fini-ordoviciennes au Maroc. Une comparaison avec les signaux des paléotropiques permettra de déconvoluer signaux globaux et à valeur locale et d’établir une calibration temporelle, permettant en retour une modélisation stratigraphique.
• Intégration des résultats dans un canevas conceptuel évolutif: pour cela, nous prendrons en compte les avancées réalisées dans les deux cas extrêmes identifiés (plate-forme épicontinentale, nos données ; ‘type cénozoïque’, puisé dans la littérature). Au final, nous produirons un modèle original, applicable à toute succession stratigraphique directement contrôlée par une histoire glaciaire.
En valorisant une expertise développée depuis plus de 10 ans dans le cadre de contrats industriels et de quelques projets académiques (ex. ECLIPSE, CNRS), nous voulons travailler en autonomie vis-à-vis des impératifs industriels qui n’ont jamais permis de développer une recherche fondamentale intégrée. L’équipe est constituée de 4 partenaires : 3 UMRs (l’Institut de Physique du Globe de Strasbourg; Biogéosciences, Dijon; Géosystèmes, Lille) et l’IFP-Energies Nouvelles. Des chercheurs d’autres universités (Bordeaux, Cergy Pontoise, Rennes) nous ont également rejoint, ainsi que des experts (LSCE, collaborateurs internationaux). Deux tâches sont liées à des thèses de doctorat pour lesquelles nous demandons un financement à l’ANR (2x36 mois). Pour renforcer l’équipe, une 3ème thèse est attendue (allocation MENRT), ainsi qu’un post-doc (18 mois). Les étudiants de Master seront massivement impliqués dans ce projet sur les thématiques de modélisation numérique et pour les études de terrain, incluant tout particulièrement les élèves de 3 écoles d’ingénieurs en Géosciences (ENSEGID, Bordeaux; EOPG, Strasbourg, LaSalle, Beauvais).

Coordination du projet

Jean-François Ghienne (Institut de Physique du Globe de Strasbourg) – ghienne@unistra.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

Géosystèmes Géosystèmes-Lille
IFPEN IFP Energies nouvelles
CNRS - IPGS Institut de Physique du Globe de Strasbourg
Biogéosciences-Dijon

Aide de l'ANR 358 000 euros
Début et durée du projet scientifique : février 2013 - 48 Mois

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