Nous allons tester l’hypothèse que des résidus d’insecticide pourraient, en fonction de la dose, perturber voire même au contraire améliorer l’odorat nécessaire à la reproduction des insectes ravageurs. Dans ce but, nous allons étudier l’effet de faibles doses d’un insecticide sur le système olfactif d’un papillon de nuit dont la larve est un ravageur.
Beaucoup d’insectes ravageurs des cultures dont les Lépidoptères utilisent l’odorat pour leur reproduction: les mâles sont attirés par la phéromone sexuelle des femelles. La plupart des traitements insecticides utilisent les neurotoxiques chimiques tels que les néonicotinoïdes. Leur utilisation massive entraîne l’accumulation de résidus dans la nature. Ce stress environnemental agit probablement comme un « perturbateur d’information » en modifiant la communication chimique, réduisant ainsi les chances de reproduction des insectes cibles. Inversement, des faibles doses peuvent avoir un effet inattendu, en induisant une sensibilité accrue du système olfactif des insectes cibles et stimuler leur reproduction. Bien que les effets de faibles doses soient déjà bien montrés sur les insectes auxiliaires, il y a peu d’informations sur leurs effets chez les ravageurs et les mécanismes sous-jacents. Dans ce projet, nous avons étudié les effets de l’exposition à des faibles doses d’insecticides sur le système olfactif des papillons de nuit ravageurs des cultures, du comportement jusqu’au niveau moléculaire. Nos résultats apportent des éléments nouveaux sur les mécanismes de plasticité sensorielle chez les insectes ravageurs dans un environnement contaminé. Ils seront importants pour le développement de nouvelles stratégies de lutte intégrée contre les insectes ravageurs en prenant en compte les risques/bénéfices possibles induits par la présence croissante d’insecticides à faibles doses dans l’environnement.
Par des approches comportementale, électrophysiologique et moléculaire, nous avons étudié les effets de doses sublétales de clothianidine et de deltaméthrine, après traitement des adultes, sur la réponse des mâles à la phéromone, et ceci tout le long du tractus olfactif. Nous avons testé ces effets sur la réponse comportementale et sa plasticité en tunnel de vol ou en arène de comportement. Au niveau physiologique, nous avons étudié les effets sur les réponses électrophysiologiques des neurones olfactifs de l’antenne et du système nerveux central, dans la région des lobes antennaires. Au niveau moléculaire, nous avons analysé les effets sur le transcriptome et/ou le protéome du cerveau et de l’antenne pour comprendre les mécanismes des phénomènes observés. Les familles de gènes connus pour être impliqués dans la plasticité de l’olfaction (codant pour des hormones, des amines biogènes, et leurs récepteurs respectifs), la détoxification et les gènes identifiés comme étant les cibles de la clothianidine (les récepteurs nicotiniques) ont été plus particulièrement étudiés.
Nous avons trouvé un effet inattendu positif d’une faible dose d’un insecticide sur le comportement d’orientation vers la phéromone sexuelle et la sensibilité de neurones olfactifs centraux chez les papillons de nuit. Cet effet est de plus renforcé chez des papillons expérimentés, c’est-à-dire ayant déjà senti la phéromone. Ces résultats ont été discutés avec des professionnels et spécialistes internationaux lors d’un colloque organisé conjointement par les porteurs du projet et le pôle de compétitivité Vegepolys.
Par ce projet, nous souhaitons évaluer les risques potentiels inattendus des résidus d’insecticide sur les populations de ravageurs-cibles. Une meilleure compréhension des mécanismes d’action de ces molécules sur le système olfactif devrait permettre à terme de développer des stratégies nouvelles de lutte contre les ravageurs, en prenant en compte les possibles risques/bénéfices induits par la présence de polluants à faibles doses sur les efficacités de traitement.
Les résultats du projet ont fait l’objet de 4 articles scientifiques publiés dans des revues internationales à comité de lecture. Les résultats ont été communiqués lors de 4 congrès internationaux, 3 congrès nationaux, plusieurs présentations à des Universités et Institutions de recherche européennes et lors du colloque « PHEROTOX » à Angers en janvier 2016 organisé conjointement avec le pôle de compétitivité Vegepolys.
La plupart des animaux vivent dans un « monde d’odeurs », dépendant étroitement des stimuli chimiques pour obtenir des informations sur leur environnement biotique et abiotique. Chez les insectes, tels que les Lépidoptères incluant beaucoup de ravageurs des cultures au stade larvaire, les mâles sont attirés par la phéromone sexuelle des femelles. Bien que des méthodes de lutte intégrée soient de plus en plus développées, la plupart des traitements insecticides reposent sur les neurotoxiques chimiques tels que les néonicotinoïdes. Ces molécules, comme la clothianidine, insecticide de dernière génération très utilisé, perturbent la transmission synaptique via les récepteurs cholinergiques nicotiniques. L’utilisation massive de ces neurotoxiques entraîne des accumulations de résidus à faibles concentrations dans la nature. Ce stress environnemental agit probablement comme un « perturbateur d’information » en modifiant la communication chimique, réduisant ainsi les chances de reproduction des insectes cibles. Par contre, des doses faibles de polluants peuvent induire un effet non attendu d’hormesis, qui alors augmenterait les capacités de reproduction. Des doses faibles d’insecticides peuvent ainsi induire des processus adaptatifs dans le système olfactif des insectes cibles, qui leur permettrait de contourner ce stress, favorisant le développement des mécanismes de résistance. Bien que les effets de faibles doses soient déjà bien montrés sur les insectes auxiliaires comme l’abeille, peu d’information est disponible sur les mécanismes adaptatifs liés à ce stress que pourraient développer les ravageurs. Des résultats antérieurs ont montré que des doses sublétales d’insecticide perturbent la réponse à la phéromone chez beaucoup d’espèces d’insectes, mais les mécanismes de cette perturbation ne sont pas clairs. Dans ce projet, nous souhaitons étudier les mécanismes d’adaptation du système olfactif de papillons de nuit comme une réponse au stress induit par des doses sublétales de néonicotinoïdes, du comportement au niveau cellulaire. Chez des noctuelles, nous avons montré différentes formes de plasticité olfactive neuronale : la réponse à la phéromone peut être modulée en fonction de l’état physiologique ou d’une expérience antérieure, rendant ces espèces un bon modèle pour notre projet.
Par des approches comportementale, électrophysiologique et moléculaire, nous étudierons les effets de doses sublétales de clothianidine après traitement larvaire (stade cible de la plupart des traitements) et adulte sur la réponse des mâles à la phéromone tout le long du tractus olfactif. Nous testerons ces effets sur la réponse comportementale et sa plasticité en tunnel de vol. Au niveau physiologique, nous étudierons les effets sur les réponses électrophysiologiques des neurones olfactifs sur l’antenne et dans les lobes antennaires. Au niveau moléculaire, nous analyserons les effets sur le transcriptome et le protéome des antennes et du cerveau pour mettre en évidence des processus de régulation. Nous focaliserons notre étude sur des familles de gènes connus pour être impliqués dans l’olfaction (gènes codant des récepteurs olfactifs et de détoxification), et comme étant cibles de la clothianidine : les récepteurs nicotiniques.
Ce projet s’appuie sur l’expertise complémentaire de nos deux équipes à Angers (effets moléculaires/cellulaires des insecticides sur les récepteurs nicotiniques - plasticité de l’olfaction des insectes) et à Versailles/Paris (aspects moléculaires, physiologiques et cellulaires de l’olfaction périphérique). Nos résultats apporteront des éléments nouveaux sur les mécanismes d’adaptation sensorielle d’insectes ravageurs dans un environnement pollué. Ils seront importants pour le développement de nouvelles stratégies dans le cadre de la lutte intégrée contre les insectes ravageurs en intégrant les risques/bénéfices possibles induits par la présence croissante de polluants à faibles doses sur l’efficacité des traitements.
Madame Sylvia ANTON (Laboratoire Récepteurs et Canaux Ioniques Membranaires) – sylvia.anton@angers.inra.fr
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Université d'Angers Laboratoire Récepteurs et Canaux Ioniques Membranaires
Université Paris 6 - INRA Physiologie de l'Insecte: Communication et Signalisation
Aide de l'ANR 428 589 euros
Début et durée du projet scientifique :
août 2012
- 42 Mois