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Dégradation des Amines Liquides et Méthodes d'Analyse : Toxicité ou Innocuité pour l'ENvironnement? – DALMATIEN

Captage du CO2 : quel impact sur l'environnement?

Capter le CO2 dans les fumées industrielles au lieu de l'émettre à l'atmosphère permet de limiter l'effet de serre. Les procédés de captage du CO2 utilisant des composés organiques susceptibles de se dégrader dans le temps pour former de nouvelles molécules, il faut s'assurer qu'aucun produit néfaste pour l'environnement n'est ainsi émis à l'atmosphère. C’est l’objet du projet DALMATIEN (Dégradation des Amines Liquides et Méthodes d'Analyse : Toxicité ou Innocuité pour l'ENvironnement?).

Identifier les produits formés lors du captage du CO2 et évaluer leur toxicité.

Dans le contexte actuel de limitation des émissions de gaz à effet de serre, le captage du CO2 suivi du stockage fait partie des solutions contributrices à la résolution de ce problème. Pour que cette technologie soit mise en œuvre il faut qu'elle soit acceptable du point de vue économique mais aussi environnemental. Le projet de recherche industrielle DALMATIEN propose d'apporter des éléments permettant d'évaluer l'acceptabilité environnementale de l'étape de captage du CO2 en post-combustion. En effet, les produits organiques (amines) utilisés dans ce procédé peuvent se dégrader dans les conditions d'utilisation par réaction chimique avec les composés présents dans les fumées à traiter (O2, CO2, NOx, SOx...) et former ainsi plusieurs produits potentiellement dangereux ou non pour l'homme et pour l'environnement selon leur toxicité et leur concentration. Ces produits peuvent être émis essentiellement dans l'atmosphère avec la fumée appauvrie en CO2. On peut citer par exemple l'émission d'ammoniac dans le cas de l'utilisation de solutions aqueuses d'amines telle la MonoEthanolAmine pour capter le CO2. <br />Le but de ce projet est donc de recenser de manière exhaustive les produits de dégradation des amines de référence (Monoéthanolamine et pipérazine) utilisées pour le captage du CO2 en post-combustion, de comprendre leur formation, de les quantifier et d'étudier leur toxicité. Ce projet permet in fine non seulement de mettre en évidence les produits critiques, mais peut aussi servir de base à la recherche ultérieure de solutions pour éviter ou limiter leur émission. A terme nos résultats devraient également faciliter la transposition à des études similaires sur d’autres amines.

L'approche repose sur quatre axes :
1. Mettre au point des protocoles expérimentaux représentatifs du cas industriel. Il est essentiel de pouvoir prédire ce qui se passera sur l'unité industrielle à partir d'études de laboratoire ou sur pilote de petite taille.
2. Mettre au point des méthodes de prélèvement et d'analyse permettant une identification fiable et exhaustive des produits de dégradation. Lever ce verrou est un point central puisque toutes les études reposent sur l'analyse d'échantillons gazeux ou liquides.
3. Élucider les mécanismes de dégradation des amines de référence, la monoéthanolamine (MEA) et la pipérazine (PZ), en vue de transposer les connaissances acquises à d'autres amines en ayant recours au recensement des différents types de réactions chimiques qu’elles peuvent subir dans les conditions du procédé. En particulier, l'influence des matériaux métalliques utilisés pour la construction des unités de captage doit être étudiée.
4. Étudier la toxicité des composés formés et en faire une estimation par une approche originale pour les données non disponibles dans la littérature. Les données toxicologiques constituent le résultat ultime du projet. L'approche originale développée consiste à calculer les données manquantes grâce à des modèles établissant une relation entre la toxicité et la structure chimique des molécules.

Des protocoles expérimentaux représentatifs ont été mis au point dans le cas de la MEA. Ils permettent de retrouver les mêmes produits de dégradation qu'au sein des pilotes et sont transposables à d’autres amines (ex : PZ).
Des méthodes analytiques, basées sur la chromatographie, couplée à la spectrométrie de masse, ont été développées pour l’analyse de la phase liquide, faisant si besoin intervenir une étape de concentration des composés à analyser (extraction liquide-liquide ou vaporisation et concentration sur phase solide). Une méthode innovante a également été développée pour l'analyse des composés présents à l'état de traces en phase gaz en utilisant des adsorbants solides qui sont ensuite thermo-désorbés et analysés par GC-MS.
Ces méthodes ont permis d’identifier 90 produits de dégradation de la MEA dont 40 inconnus jusqu’alors et 30 pour la PZ dont 19 nouveaux. Ainsi de nouvelles familles chimiques ont été mises en évidence comme les pyrazines, les pyridines, les pyrroles, les oxazolines et les oxazolidines, ainsi qu’une une nouvelle nitrosamine : la N-nitroso-2-méthyl-oxazolidine.
Les mécanismes de formation de ces composés ont été élucidés permettant d’expliquer et de prédire les réactions de dégradation subies par d’autres amines comme la PZ. Une catalyse de l’oxydation de la MEA à la surface de l’inox a aussi été mise en évidence ainsi qu’une orientation différente des réactions chimiques en présence de certains ions métalliques.
Concernant la toxicité, la plupart des produits de dégradation ont été classés selon les critères CMR, certains ont fait l’objet d’un rapport toxicologique (ex : les pyrazines) voire d’une détermination de Valeur Limite d’Exposition (ex : nitrosamines). Des prédictions selon deux méthodes QSAR différentes ont aussi été réalisées pour compléter les données. A l’exception de quelques composés bien connus, les composés mis en évidence dans la phase gaz, donc potentiellement émis à l’atmosphère, ont été classés peu préoccupants.

Ce projet ouvre de nombreuses perspectives :
• A travers le recensement des molécules émises à l'atmosphère et leur toxicité dans le cas des procédés de référence pour le captage du CO2, le projet délivre des informations essentielles pour l'acceptation sociétale du captage du CO2.
• Le projet fournit les méthodes d'analyse qui pourront être utilisées par la suite pour le suivi des émissions de n'importe quelle unité de captage du CO2.
• Le projet donne les outils pour aider les développeurs de nouvelles technologies de captage du CO2 à anticiper les effets potentiels des nouvelles amines mises au point, à savoir des protocoles expérimentaux représentatifs de l'échelle industrielle, le recensement des réactions chimiques que peuvent subir les amines dans les conditions de l'application et une approche efficace pour estimer la toxicité des produits de dégradation.
La suite à donner à ce projet serait de quantifier les produits de dégradation jugés préoccupants qui sont présents dans l'effluent gazeux et de déterminer leur devenir dans l'atmosphère : dispersion et transformations chimiques. Il faudrait compléter la détermination des valeurs limites d'exposition pour la population générale et engager si nécessaire des études in vivo pour combler des données manquantes. Une évaluation du risque pour la santé humaine serait alors possible. En cas de risque avéré, des contremesures pourraient être alors envisagées pour traiter les effluents gazeux du procédé de captage du CO2.

De nouvelles méthodes analytiques ont été développées pour cette application. Elles ont fait l'objet de communications à congrès (SEP13) et d’un article dans Oil & Gas Science and Technology. L’identification de nouveaux produits de dégradation et l’élucidation de leurs mécanismes de formation ont été présentés en congrès (UTCCS2 et GHGT12), dans un workshop dédié aux émissions des unités de captage du CO2 et ont fait l’objet de trois publications (International Journal of Greenhouse Gas Control et Energy procedia). L’étude de la toxicité de la famille des pyrazines découverte dans ce projet a fait l’objet d’un article dans International Journal of Greenhouse Gas Control. Les valeurs limites d’exposition des nitrosamines ainsi que leurs modes d’actions ont fait l’objet de posters en congrès (Eurotox) et d’une communication en Workshop. D’autres articles sont en cours de soumission.

Le projet de recherche industrielle DALMATIEN (Dégradation des Amines Liquides et Méthodes d'Analyse : Toxicité ou Innocuité pour l'ENvironnement?) a pour but de recenser de manière exhaustive les produits de dégradation des amines utilisées pour le captage du CO2 en post-combustion, de comprendre leur formation et d'étudier leur toxicité.
En effet, une des clefs de la mise en œuvre industrielle du captage du CO2 est la minimisation de son impact écologique : c'est une condition nécessaire à la protection de l'environnement et à l'acceptation sociétale d'un tel procédé. Or les amines utilisées se dégradent dans les conditions d'utilisation du procédé par réaction chimique avec les composés présents dans les fumées à traiter (O2, CO2, NOx, SOx...) et forment ainsi plusieurs produits qui peuvent être émis dans l'atmosphère avec la fumée appauvrie en CO2. Or, ces produits peuvent être potentiellement nuisibles pour l'homme et pour l'environnement en fonction de leur toxicité et de leur concentration.
Le projet est articulé en quatre tâches.
Une première tâche consistera à mettre au point un protocole de laboratoire représentatif des conditions industrielles et d'étudier les phénomènes de dégradation en fonction des paramètres qui peuvent varier d'une unité à l'autre : composition de la fumée en CO2, O2, NOx, SOx, et nature des matériaux utilisés. Les amines étudiées ici seront la MonoEthanolAmine (MEA) et la PipéraZine (PZ) qui sont les molécules de référence pour le captage du CO2. En effet, la MEA est utilisée par exemple dans les procédés EconamineTM de Fluor et HiCapt+TM d'IFPEN. La pipérazine est utilisée dans le procédé proposé par l'équipe de G.T. Rochelle de l'université du Texas et c'est aussi un promoteur cinétique incontournable pour les amines tertiaires ou stériquement encombrées. Les méthodes développées dans ce projet pourront aussi être utilisées ultérieurement pour l'étude d'autres formulations d'amines.
Une deuxième tâche sera la mise au point de méthodes d'échantillonnage et d'analyse qui permettront l'identification et la quantification fiable des produits de dégradation des amines en phase gaz ainsi qu'en phase liquide. Une analyse poussée des effluents gazeux émis à l'atmosphère incluant la détection des composés à l'état de traces sera réalisée. De même une étude complète de la composition du solvant dégradé doit être faite. D'une part, l'identification des produits de dégradation des amines dans la phase liquide permet de recenser les composés susceptibles de figurer dans les effluents gazeux en fonction du mode d'opération de l'unité de captage : en effet, dans le cas de la fumée appauvrie en CO2 émise à l'atmosphère, la teneur en produits de dégradation dépend de la température, de la pression partielle en CO2 et de la mise en œuvre de la section de lavage et ces paramètres varient d'une unité à l'autre. D’autre part, cette identification est incontournable pour la compréhension des mécanismes de dégradation et la formulation des schémas réactionnels.
Une troisième tâche consistera à valider les protocoles expérimentaux en croisant les résultats obtenus sur les équipements de laboratoire et pilote des différents partenaires. Les compositions des phases gaz et liquide des différents cas seront déterminées en utilisant les méthodes d'analyse mises au point dans la deuxième tâche et comparées entre elles.
Enfin une quatrième tâche consistera à étudier la toxicité des différents produits de dégradation recensés. Ils feront l'objet d'une recherche de données toxicologiques dans la littérature. En absence de données pour certains produits, une approche de type QSAR (Quantitative Structure-Activity Relationship) sera utilisée pour estimer leur toxicité par calcul. Une première analyse du risque pour la santé sera alors réalisée pour mettre en évidence les produits critiques. Ce projet pourra donc servir de base à la recherche ultérieure de contremesures pour éviter ou limiter les émissions des produits critiques.

Coordination du projet

Pierre-Louis CARRETTE (IFP Energies nouvelles) – p-louis.carrette@ifpen.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

LRS CNRS - Laboratoire de Réactivité de Surface
ESPCI-LSABM ESPCI - Laboratoire Sciences Analytiques, Bioanalytiques et Miniaturisation - UMR PECSA 7195
EDF R&D Chatou EDF Recherche et Développement - Site de Chatou
CEHTRA SAS Consultancy for Environmental and Human Toxicology and Risk Assessment
IFPEN IFP Energies nouvelles

Aide de l'ANR 662 820 euros
Début et durée du projet scientifique : janvier 2012 - 36 Mois

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