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Développement d’un Nouvel Outil de Nanométrologie Polyscopique Couplant Spectrométrie de Masse et Spectroscopie Laser – PONAME

Vers une Nouvelle Métrologie des Nanomatériaux

Spectrométrie de Masse à Détection de Charge: Quand la Spectrométrie de Masse Rencontre la Science des Nanomatériaux

Le défi analytique de la caractérisation des nano-objets

A l’orée de développements technologiques considérables liés à l’émergence des nanomatériaux (matériaux pour l’énergie, nanomédecine, nanoélectronique, etc), il est nécessaire pour les acteurs académiques et industriels de ce domaine de disposer d’outils et de méthodes robustes et fiables pour caractériser ces nanomatériaux. Les techniques de synthèse des nanomatériaux ont considérablement progressé ces dernières années donnant lieu à la production en laboratoire de nano-objets toujours plus complexes en termes d’architecture et de composition notamment. En termes de caractérisation, des outils existent mais l’offre apparaît insuffisante aujourd’hui, ceux-ci présentant généralement des limitations (nature chimique de l’échantillon, forme de l’échantillon, etc) et/ou des contraintes (coût, encombrement, préparation de l’échantillon, etc). Dans ce contexte, l'élaboration d'un nouvel instrument de nanométrologie qui offrirait une souplesse quant à la nature de l'échantillon, une robustesse, une précision, une fiabilité d'analyse, qui autoriserait la mesure de plusieurs paramètres physico-chimiques, qui serait rapide et peu coûteux, apparaît pertinent. Le projet PONAME vise à développer un tel outil analytique en couplant la spectrométrie de masse à détection de charge et la spectroscopie laser pour permettre une nanométrologie dite polyscopique.

La spectrométrie de masse à détection de charge mesure simultanément et indépendamment le rapport masse-sur-charge et la charge d’ions de manière individuelle. Contrairement à la spectrométrie de masse conventionnelle, la masse de chaque ion est déduite directement ce qui permet l’étude d’échantillon de masse molaire élevée et/ou possédant une polydispersité intrinsèque comme les nanomatériaux ou les macromolécules. Grâce à un taux de comptage élevé, la construction ion par ion d’histogrammes de distribution en masse peuvent être mesurés par cette technique analytique de type « particule unique ». Des données analytiques caractéristiques de l’échantillon sont alors extraites comme la masse moyenne, la largeur, et le caractère multimodale (plusieurs populations) de la distribution. L’utilisation d’une source d’ionisation electrospray permet la génération d’ions multichargés de manière douce autorisant le transfert en phase gazeuse vers le détecteur de nano-objets de différente nature, composition, et morphologie.
Le transfert en phase gazeuse d’espèces ionisées offre la possibilité de manipuler celles-ci grâce à l’application de champ électrique. Le détecteur de charge peut se muer en piège à ions et l’étude de leur fragmentation à l’échelle de l’ « ion unique » (des fragments, de l’ion parent résiduel, de leurs masses et de leurs états de charge) par voie laser peut renseigner sur leur structure et leur composition.
Un autre piège, de type cylindrique impliquant l’application de champs électriques radiofréquence, permet de piéger un ion dans un petit volume pendant plusieurs secondes. Sélectionné en masse et en charge, les ions peuvent être individuellement piégés et leur fluorescence mesurée après irradiation laser dans l’objectif de corréler leurs propriétés de fluorescence aux données de structure déterminées en amont. Pour « nourrir » ce projet, des nanostructures métalliques fonctionnalisées aux caractéristiques physico-chimiques modulables sont synthétisées.

Des nanomatériaux de taille, de morphologie et de composition très variées tels que des micelles, des vésicules, des systèmes nanoparticulaires composites, et des agrégats biomoléculaires, ont été caractérisés avec succès par spectrométrie de masse à détection de charge. L’approche « particule unique » associé au caractère rapide des mesures a pu donner notamment une bonne idée de la dispersion des échantillons en sus de la donnée caractéristique qu’est la masse moyenne. La connaissance de la masse moyenne a permis le calcul du nombre d’agrégation dans les nanomatériaux issus de l’auto-assemblage de briques élémentaires de masse connue (micelles, vésicules, agrégats de protéines). Il a été également démontré sur les systèmes nanoparticulaires de forme anisotrope (assemblée de particules), que la mesure de la charge pouvait être une sonde de la morphologie des nanomatériaux.
L’outil analytique développé a montré sa fiabilité et sa robustesse lors de sa participation à une action nationale organisée par le Club de Nanométrologie, mêlant universitaires et industriels, sur la comparaison de mesures dimensionnelles de nanomatériaux. Cette action était menée dans une optique de normalisation des bonnes pratiques de laboratoire pour l’analyse dimensionnelle des nanomatériaux.
D’un point de vue plus physico-chimie fondamentale, le couplage laser avec le dispositif de détection de charge a été une première mondiale et a permis repousser les limites des méthodes de dissociation laser vers les très hautes masses. En particulier, les énergies d’activation de biomacromolécules d’ADN ont été obtenues et, grâce à l’approche « particule unique » du dispositif, des canaux de dissociation ont pu être identifiés en fonction de la structure de l’ADN.
Les résultats obtenus ont également suscité l’intérêt d’industriels en vue d’effectuer un transfert de technologie. Cependant les études de faisabilité, de marché, ainsi que la conjoncture, n’ont pu faire se concrétiser cette ambition.

L’intérêt issu de toutes les collaborations tissées lors de ce projet se maintient. Certains résultats préliminaires ont fait émerger des projets de recherches ambitieux (projets ANR TOPNANO et Milkyway ; Projet Labex iMUST MS4NanO). Cet outil offre des perspectives intéressantes, et encore inexploitées, pour la compréhension des processus d’agrégation (polymères, protéines) de la brique élémentaire jusqu’à l’assemblage supramoléculaire.

N. J. Warren, O. O. Mykaylyl, A. J. Ryan, M. Williams, T. Doussineau, P. Dugourd, R. Antoine, G. Portale, S. P. Armes, J. Am. Chem. Soc. 2014, DOI: 10.1021/ja511423m.

T. Doussineau, A. Anthony, O. Lambert, J.-C. Taveau, M. Lansalot, P. Dugourd, E. Bourgeat-Lami, S. Ravaine, E. Duguet, R. Antoine, J. Phys. Chem. C 2014, DOI: 10.1021/jp510081v.

T. Doussineau, P. Paletto, P. Dugourd, R. Antoine, J. Am. Soc. Mass Spectrom. 2014, DOI: 10.1007/s13361-014-1011-z.

N. Ouadah, T. Doussineau, T. Hamada, P. Dugourd, C. Bordes, R. Antoine, Langmuir 2013, 29 (46), 14074-14081.

R. Antoine, T. Doussineau, P. Dugourd, F. Calvo, Phys. Rev. A 2013, 87(1), 013435.

T. Doussineau, M. Santacreu, R. Antoine, P. Dugourd, W. Zhang, I. Chaduc, M. Lansalot, F. D’Agosto, B. Charleux, ChemPhysChem, 2013, 14(3), 603-609.

T. Doussineau, R. Antoine, M. Santacreu, P. Dugourd, J. Phys. Chem Lett. 2012, 3 (16), 2141-2145.

T. Doussineau, C.-Y. Bao, R. Antoine, P. Dugourd, W.-J. Zhang, F. D’Agosto, B. Charleux, ACS Macro Lett. 2012, 1 (3), 414-417.

T. Doussineau, C.-Y. Bao, C. Clavier, X. Dagany, M. Kerleroux, R. Antoine, P. Dugourd, Rev. Sci. Instrum. 2011, 82, 084104.

T. Doussineau, M. Kerleroux, X. Dagany, C. Clavier, M. Barbaire, J. Maurelli, R. Antoine, P. Dugourd, Rapid Commun. Mass Spectrom. 2011, 25 (5), 617-623.

Les nanomatériaux, nanoparticules et autres constructions fonctionnelles à l'échelle nanométrique (CFNs) sont autant d’outils prometteurs dans les domaines médical, technologique et économique. Cependant, les connaissances sur la toxicité et l'impact environnemental des CFNs sont limitées. Avant toute étude approfondie à la nanobiointerface, une caractérisation physico-chimique exhaustive des CFNs est de haute importance puisque ces caractéristiques peuvent être corrélés à leurs réponses biologiques et toxicologiques. Il existe une grande variété d'outils analytiques afin d'étudier la nanométrologie des CFNs, mais, individuellement, aucune méthode ne peut être considérée comme complète et satisfaisante. Dans ce contexte, les exigences pour l'élaboration d'un nouvel instrument de nanométrologie incluent flexibilité, robustesse, précision et fiabilité, mesurabilité multi-paramètres, une mesure rapide et un faible coût. Le projet PONAME vise à développer un nouvel outil analytique couplant spectrométrie de masse et spectroscopie laser pour une nanométrologie polyscopique. L'instrument peut être décrit selon trois unités d'analyse comme suit :
i) la spectrométrie de masse à détection de charge (CD-MS) permettra, dans une approche à ion unique, la détermination non-ambigüe de la distribution en masse/taille. En outre, l'étude de la relation de masse/charge dans ces objets de masse molaire supérieure à 1 mégadalton (CFN, (bio)macromolécule) sera d'intérêt dans un point de vue fondamental par corrélation entre la charge maximale à une masse donnée et la limite de Rayleigh.
ii) la photo-dissociation induite par laser sur un ion unique isolé sera entreprise. Cette expérience unique devrait fournir des informations pertinentes sur les propriétés de structure, de morphologie ou de surface du macroion isolé sélectionné en masse et en charge.
iii) la spectroscopie de fluorescence en phase gazeuse sur un macroion unique isolé sera également effectuée. Nous pourrons ainsi déterminer les propriétés optiques intrinsèques d'un objet mégadalton relativement à sa taille/masse, sa charge, et sa structure. Une telle analyse fine pourrait répondre de façon non-ambigüe aux relations structure/propriétés optiques dans les nanosystèmes hybrides du type cœur métallique modifié en surface avec un chromophore, où des résultats partiellement contradictoires ont pu être décrits dans la littérature allant de l'extinction complète jusqu’à une augmentation spectaculaire de la fluorescence.
Le projet PONAME apparaît particulièrement ambitieux et pertinent dans le contexte actuel de la nanotechnologie. L'instrument développé devrait être très robuste et flexible quant à la nature et la composition des objets analysés.

Coordination du projet

Tristan DOUSSINEAU (Laboratoire de Spectrométrie Ionique et Moléculaire) – tdoussineau@lasim.univ-lyon1.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

LASIM Laboratoire de Spectrométrie Ionique et Moléculaire

Aide de l'ANR 227 760 euros
Début et durée du projet scientifique : juin 2012 - 24 Mois

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