EMCO - Emotion(s), cognition, comportement

La Fiction dans l'Émotion – FICTION

La Fiction dans l’Émotion

L’hypothèse des « émotions sémantiques »<br /><br />FICTION réunit un philosophe et une spécialiste de neurosciences cognitives pour tester de manière scientifique l’hypothèse que des « émotions sémantiques » sont déclenchées par des scènes fictionnelles reconnues comme telles.

Un modèle neuro-cognitif du paradoxe philosophique de la fiction

Depuis plus de quarante ans, les philosophes luttent avec le « paradoxe de la fiction » dans le but de comprendre la nature des émotions pour des personnages et événements reconnus comme fictifs. Quelle est la nature de la tristesse ou de la joie qui n’est pas liée à une perte réelle ou à une vraie satisfaction?? Le projet FICTION aborde cette question en faisant l’hypothèse que les émotions de la fiction sont qualitativement différentes des émotions du réel. Des preuves empiriques suggèrent que l’engagement dans la fiction est associé à un désengagement ou une inhibition du système épisodique (souvenirs d’événements personnels ou auto-projections dans l’avenir) impliquant des structures limbiques comme l’hippocampe, au profit d’autres aires cérébrales impliquées dans des processus sémantiques. Sur cette base, notre hypothèse est que les réponses émotionnelles à l’égard des scènes fictionnelles identifiées comme telles sont ce que nous appelons des «?émotions sémantiques?», une espèce d’émotions différente des émotions du réel. Les « émotions sémantiques » seraient des expériences émotionnelles qui désengagent le système épisodique et sont principalement modulées par des circuits sémantiques (d’où notre choix terminologique). <br />L’objectif de FICTION est, au niveau expérimental, d’identifier les corrélats neuro-cognitifs des émotions de la fiction et, au niveau conceptuel, d’appréhender l’impact de l’hypothèse des « émotions sémantiques » sur le paradoxe philosophique de la fiction et, plus largement, en philosophie de l’esprit et en psychologie et philosophie des émotions.

Au niveau neuroscientifique, des stimuli extraits de journaux télévisés, de documentaires, de faux documentaires ou de fictions cinématographiques ont donné lieu à deux validations. Sur la base des résultats obtenus, nous avons sélectionné des scènes à haut impact émotionnel, qui ont été utilisées dans une première étude comportementale couplée avec des mesures physiologiques. La sélection des stimuli et les protocoles des expériences ont été faits par les neuroscientifiques de FICTION en collaboration étroite avec les philosophes de FICTION. D’autres expériences comportementales et une étude en neuroimagerie fonctionnelle vont tester les corrélats neuro-fonctionnels des « émotions sémantiques ».
Au niveau philosophique, un séminaire mensuel (« FILE ») et des ateliers internationaux ont été et seront organisés pour étudier l’hypothèse des « émotions sémantiques » aussi bien dans le domaine de la philosophie de la fiction, de la philosophie des émotions et de la philosophie de l’esprit. Le séminaire FILE et les ateliers fédèrent des chercheurs relevant de la philosophie et des neurosciences.

Les résultats préliminaires montrent que des scènes émotionnelles positives et négatives sont jugées explicitement au niveau intensité de la même façon par deux groupes de sujets auxquels les scènes sont présentées comme étant réelles ou fictionnelles. Par contre des mesures implicites de réponse émotionnelle (conductance cutanée) suggèrent que les scènes négatives suscitent une réponse plus intense que les positives seulement dans la condition fictionnelle.

Dans le domaine neurocognitif, FICTON pourrait avoir un impact important en psychologie des émotions s’il se révélait que les sujets réagissent émotionnellement de manière différente à des images de situations réelles et fictionnelles. FICTION ouvre également de nouvelles perspectives d'étude dans le domaine clinique chez les patients souffrants de pathologies de l'émotion (ex. schizophrénie, autisme).
Dans le domaine philosophique, FICTION pourrait avoir une influence décisive dans le débat sur le paradoxe de la fiction, sur la pénétrabilité cognitive des émotions et sur les différentes formes d’engagement du soi dans ses expériences.
Au niveau sociétal, FICTION pourrait également avoir un impact important dans la mesure où FICTION vise à expliquer le comportement de celles et ceux qui, en très grand nombre, s’adonnent à des activités de nature fictionnelle.

[En cours] : création d’une base de donnés sur le site internet du projet (www.ave-fiction.ens.fr) de scènes validées à accès libre pour les mettre à disposition de la communauté scientifique.
Publication : J. Pelletier 2012. Les émotions sont-elles sensibles au contraste entre le réel et l’imaginaire? Epistémocritique: Neurosciences, arts et littérature, Volume XI.
Création du séminaire mensuel interdisciplinaire FILE @ Institut Jean-Nicod.
Communications et symposia :
• Paris, 28 mars 2012@ Séminaire de F.Lavocat ?: J.Pelletier ‘‘Récit-Fiction : une cognition inversée’’(Université Paris 3-Sorbonne Nouvelle).
• Leeds, 27 juin 2012@ Royal Institute of Philosophy Conference, J.Pelletier et al.“A Waltonian goes to the lab” [conférence invitée].
• Grenoble, 7 novembre 2012@ Séminaire du CRI ‘Les imaginaires du cerveau’?:M. Arcangeli et al. ‘‘La Fiction dans l’Émotion’’[conférence invitée].
• Granada, 10 juillet 2013 @ European Society for Philosophy and Psychology (21st Annual Meeting): M. Arcangeli et M. Sperduti (org.) symposium “Emotions in Fiction: Neuroscientific, Psychological and Philosophical approaches”
• Cracovie, 22 juillet 2013 @ 19th International Congress of Aesthetics: J.Pelletier et al.: “Self-detached ‘Semantic’ Emotions in Fiction”.
• Paris, 20 et 21 novembre 2013 @ Institut Jean-Nicod : M. Arcangeli, J. Dokic et S. Lemaire (org) atelier MEDEM (« Mediated Emotions »). Intervenants : D. Debus (Université de York) ; S. Döring (Université de Tübingen) ; S.Friend (Heythrop College); R. Hopkins (Université de Sheffield, New York University) ; J.Pelletier (Université de Brest, IJN) ; J-M Schaeffer (CNRS, EHESS, CRAL) ; F.Teroni (Université de Genève); G.Wilson – (Université de Southern California)

Les fictions, qu’elles impliquent des images, romans, pièces de théâtre ou films, suscitent de riches expériences émotionnelles auprès d’un large public. Depuis près de quarante ans, les philosophes de l’esthétique se confrontent au «paradoxe de la fiction», qui concerne les conditions de notre implication émotionnelle avec des personnages et événements de fiction. Quelle est la nature de la joie ou de la tristesse quand elle n’est pas liée à une personne ou à un événement réel? FICTION s’inscrit dans ce débat avec le projet de comprendre la nature de nos réponses émotionnelles ainsi que leur relation avec l’arrière-plan cognitif.

Des éléments empiriques attestent que l’engagement dans la fiction est associé à un désengagement ou inhibition du système épisodique au niveau des structures limbiques comme l’hippocampe, un système à la base des expériences épisodiques (la mémoire d’événements personnels ou la projection de soi-même dans le futur), au bénéfice d’autres régions cérébrales impliquées dans des processus sémantiques comme les régions fronto-temporales. En outre, le système épisodique est un composant essentiel des réponses émotionnelles concernant des personnes et événements réels. Sur cette base, notre hypothèse principale, qui doit être évaluée à la fois aux niveaux conceptuel et empirique, est que les réponses émotionnelles liées à des scènes fictionnelles identifiées comme telles relèvent de ce que nous appelons les «émotions sémantiques», une espèce d’émotions à distinguer des émotions de la vie réelle. Selon nous, les «émotions sémantiques» sont des expériences émotionnelles désengageant le système épisodique et centralement modulées par des circuits sémantiques (d’où notre terminologie). Nous faisons l’hypothèse que des «émotions sémantiques» sont déclenchées par des scènes fictionnelles reconnues comme telles.

Au niveau conceptuel, FICTION va contribuer à la fois à la philosophie générale de l’esprit et à l’esthétique. Tout d’abord, FICTION se focalisera sur la thèse selon laquelle les «émotions sémantiques» constituent une espèce naturelle psychologique. FICTION évaluera l’hypothèse que, bien que les «émotions sémantiques» soient caractérisées, au niveau infra-personnel, par un désengagement ou une inhibition du système épisodique, ce sont des expériences uniques au niveau personnel. En second lieu, les conséquences de cette thèse en esthétique philosophique seront explorées, en établissant un pont entre les débats sur le rôle du soi dans l’interaction avec les fictions et sur la nature des réponses émotionnelles à la fiction.

Au niveau empirique, FICTION élaborera des protocoles en psychologie expérimentale et en neurosciences pour comprendre les processus à la base des réponses émotionnelles liées aux scènes fictionnelles et aux scènes analogues non-fictionnelles, ainsi que le rôle de la prise de conscience de la nature fictionnelle ou non des scènes dans ces processus. En exploitant les possibilités de SenseCam, un appareil photographique portable digital, FICTION va recréer en laboratoire les conditions d’encodage émotionnel. FICTION exposera des sujets portant SenseCam à des clips de scènes fictionnelles ou non, de valences émotionnelles variées. FICTION étudiera l’impact du contenu fictionnel sur le processus émotionnel et les corrélats neuronaux des “émotions sémantiques” en menant une étude en IRMf afin de mesurer les réseaux cérébraux activés en réponse aux images encodées et rediffusées.

FICTION est le premier projet scientifique à mettre en avant et à opérationnaliser l’hypothèse des “émotions sémantiques”, et à concevoir comme « sémantiques » au moins certaines des émotions suscitées dans des contextes fictionnels. FICTION a des implications à grande échelle car son hypothèse concerne de vastes populations qui, au contact des fictions, apprécient d’être plongées dans des « états sémantiques » émotionnels variés sans payer le prix épisodique neural associé aux états analogues non-fictionnels.

Coordination du projet

Pelletier JÉRÔME (Institut Jean-Nicod) – jerome.pelletier@ehess.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

LPNCog Laboratoire de Psychologie et Neuropsychologie Cognitives
IJN Institut Jean-Nicod

Aide de l'ANR 294 934 euros
Début et durée du projet scientifique : - 36 Mois

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