CEP&S - Changements Environnementaux Planétaires et Sociétés

Cartographier les débats environnementaux sur l'adaptation – MEDEA

La cartographie des controverses sur l’adaptation au changement climatique en France

L’adaptation au changement climatique global et à ses impacts régionaux suscite divers débats à l’interface entre sciences et politiques. Le projet MEDEA propose d’en développer une « cartographie » dans le but d’éclairer les points de vue des acteurs publics et privés concernés, et ainsi favoriser l’émergence d’approches collectives de l’adaptation.

Fournir aux acteurs concernés un outil pour comprendre les enjeux de l’adaptation

Touchant à un grand nombre de secteurs, le défi de l’adaptation au changement climatique pose un ensemble de questions disparates qui suscitent des débats à l’interface entre sciences et politiques. Dans ce contexte, la question se pose de savoir quelles connaissances et informations sont nécessaires à la définition des meilleures stratégies d’adaptation. Par ailleurs, la mise en œuvre de l’adaptation implique un consensus autour du concept d’adaptation lui-même et par de nombreux acteurs dont les perceptions et les attentes sont nécessairement diverses. Dès lors, les solutions ne peuvent émerger que d’un profond travail de confrontation des points de vue et de recherche de compromis entre acteurs. MEDEA a pour objet la cartographie des débats sur l’adaptation, avec pour objectif de contribuer à faciliter une meilleure compréhension, par les acteurs politiques et privés, mais aussi par l’ensemble la société civile, des controverses liées à cet enjeu. Dans cette perspective, MEDEA rassemble des climatologues, des chercheurs en sciences sociales et politiques, et des experts en media design avec quatre objectifs principaux : 1/ recueillir un vaste corpus de discours scientifiques et média sur les débats autour de l’adaptation (en particulier en France, mais pas seulement) ; 2/ analyser ces corpus à l’aide des méthodes et outils conceptuels et numériques de la sociologie des sciences et de techniques ou « STS »; 3/ développer une plate-forme on-line interactive visant à présenter de manière originale ces débats complexes ; et 4/ diffuser cette plate-forme auprès des parties prenantes du débat. Ainsi, le projet entend explorer les potentialités d’équiper les acteurs concernés d'outils de cartographie de débats technoscientifiques dans le but de contribuer à la mise en ouvre de l’adaptation.

Dans une approche interdisciplinaire, le projet MEDEA propose un programme de recherche basé sur la méthodologie innovante de la cartographie de controverses, développée par Bruno Latour comme une dérivation de sa théorie de l’acteur-réseau. Tout en s’appuyant sur les concepts et approches de la sociologie des sciences et de la sociologie des problèmes publics, cette méthodologie se sert des outils numériques (cf. illustration) pour l’étude, l’analyse et la visualisation des controverses sociotechniques à partir de grands corpus textuels numérisés prenant le web comme un terrain privilégié. Une caractéristique essentielle des médias électroniques, c’est que tout ce qu’ils médiatisent est automatiquement traçable. Une fois collectées, ces traces peuvent être enregistrées, stockées et récupérées. La collaboration de chercheurs en sciences de l’environnement et en sciences sociales et politique autour de ces outils ouvre la possibilité d’étudier et analyser de façon intégrée des débats scientifiques et média, la fois dans une approche quantitative et qualitative. En collaboration avec des experts en media design, les résultats de l’analyse sont intégrés pour à la production d’une plate-forme interactive en ligne présentant un atlas des débats sur l’adaptation pour les rendre lisibles à un large public. Cette plateforme est diffusé au plus grand nombre d’acteurs concernés.

Le résultat principal de ce projet est une plateforme d’exploration des débats sur l’adaptation. Il est difficile à ce stade d’anticiper la forme du dispositif, ses fonctions et son interface dépendant fortement de la dynamique des débats étudiés. Néanmoins, une plate-forme de cartographie des controverses inclue souvent les couches suivantes : un glossaire des éléments non controversés ; une base de la documentation concernée ; des analyses scientométriques sous la forme de graphes de connexions ; une cartographie web utilisant des techniques lexicographiques des discours média (celle-ci présentée dans le même espace de visualisation employé pour les discours scientifiques) ; une échelle des débats (le niveau de « granularité » retenu et les liens avec des débats plus ou moins se déployant à d’autres échelles) ; un arbre des désaccords révélant comment les arguments sont articulés ; un schéma des acteurs-réseaux montrant la métrique complexe des alliances et des oppositions dans un espace en constante évolution ; un tableau des « cosmosgrammes » montrant les liens entre des acteurs et des arguments et explicitant la manière dont des arguments peuvent se connecter du fait qu’ils sont détenus par des acteurs alliés entre eux et la manière dont des acteurs peuvent s’associer par le partage d’un ensemble d’arguments ; une dynamique des débats affichant la dimension temporelle des débats ; et enfin une cartographie réflexive offrant la possibilité aux utilisateurs de se localiser dans l’espace des débats. Ces couches ne sont pas exclusives, et d’autres pourront être crées ad hoc pour le débat sur l’adaptation. Grace à un partenariat avec l’ONERC, cette plateforme sera diffusé auprès d’un grand nombre acteurs publics et privés concernés par le plan national d’adaptation.

La réalisation de la plateforme on-line permettra une meilleure compréhension des points de vue controversés de différents acteurs sur les enjeux scientifiques et politiques de l’adaptation, ouvrant dès lors des perspectives à différents niveaux : pour les scientifiques dans la formulation de stratégies de communication scientifique adaptées ; pour les décideurs publics et privés dans l'évaluation des conséquences des controverses dans leurs stratégies d’adaptation ; pour les communicateurs dans un traitement mieux informé et plus nuancé des enjeux sur l’adaptation; pour les citoyens, dans l’atténuation du danger de la polarisation et des cascades d'information qui se forment autour des questions controversées ; pour les éducateurs dans l'enseignement des sciences en société ; et finalement pour la recherche dans l’étude des interfaces entre sciences et sociétés. Des articles scientifiques seront produits pour rendre compte de manière réflexive des leçons à tirer.

Premièrement, à l’occasion de la huitième Conférence PCST (Public Communication of Science and Technology) tenue à Florence en avril, T. Venturini, coordinateur du projet MEDEA, a organisé une séance dédiée aux apports de la cartographie avec des méthodes numériques pour l’étude des controverses. Sa communication a porté sur le thème « Communicating Controversies : some exemples from the climatic debate ». Ce fut l’occasion de présenter le projet MEDEA et de discuter des spécificités du débat sur l’adaptation en terme d’enjeux pour la communication entre les différents acteurs concernés. Deuxièmement, F. Gemenne, avec l'équipe 'Adaptation' de l'Iddri Sciences Po, s’est rendu à la conférence Adaptation Futures, tenue en mai à Tucson, Arizona, pour présenter le projet MEDEA à la communauté des chercheurs sur l'adaptation, et évaluer l'état de la recherche internationale sur les controverses retenues pour le projet. Cette conférence est la plus grande conférence mondiale sur l'adaptation.

La plupart des débats qui définissent l'avenir de nos sociétés et de notre planète sont opaques. Dans le cas des débats sur l'adaptation aux changements environnementaux planétaires (CEP), la cause en est double: l'extrême technicité des questions en jeu et la multiplicité d’échelles et d’acteurs qu’ils impliquent. Malgré son importance et son urgence, la question des conséquences du changement climatique global reste indéchiffrable pour la majorité de la population. Et pour une fois ce n’est pas par manque de transparence ou d’information. La Convention des Nations Unies sur le changement climatique, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l'évolution du climat aussi bien que de nombreux autres organismes nationaux et internationaux se distinguent par l’étendue de la documentation publique qu’elles produisent. Chaque document de négociation, chaque position paper, chaque rapport scientifique, chaque dossier de lobbying, tout est librement disponible sur le Web en quasi temps réel. Mais, comme les recherches sur les médias ont souvent observé, la surabondance d’information n’aide pas la démocratie. La preuve en est que l’agenda de l'opinion publique est toujours occupé par la question de l'origine anthropique du réchauffement climatique, alors que cette question a longtemps été un point de consensus à la fois de la communauté scientifique et des négociations politiques.
Pour contribuer à la compréhension des défis posés par l'adaptation, le projet MEDEA (Cartographier les débats environnementaux sur l'adaptation) propose un programme de recherche exploratoire en quatre volets, basé sur la méthodologie innovante de la cartographie de controverse. Tout d'abord, en s'appuyant sur une collaboration étroite entre des climatologues et des chercheurs en sciences sociales, il vise à recueillir un vaste corpus de discours à la fois scientifiques et médiatiques sur le débat sur l'adaptation aux CEP en France. Deuxièmement, il vise à analyser ce corpus en utilisant des méthodes et des outils issus de la sociologie des sciences et de techniques (STS). Troisièmement, en s'appuyant sur des experts en design de l’information, il vise à développer une plate-forme interactive en ligne capable de rendre le débat lisible à un large public. Enfin, le projet se terminera par la diffusion de cette plate-forme à toutes les parties prenantes du débat.
Globalement, le projet entend apporter une réponse aux questions suivantes: Quelle différence cela fait-il d'être équipé d'outils de cartographie de débats technoscientifiques? Est-ce que cela peut changer (et éventuellement améliorer) la manière dont on débat publiquement de l'adaptation au changement climatique?
Conformément à l'appel à projets CEP&S, MEDEA propose une approche innovante combinant des méthodes quantitatives et qualitatives des sciences sociales, des sciences du climat et du design de l’information. Pour assurer cette articulation disciplinaire originale, ce projet de recherche s’appuie sur la collaboration de trois partenaires: Sciences Po (en particulier son Médialab et le IDDRI), le Laboratoire des Sciences du Climat et l'Environnement, une unité de recherche mixte CEA-CNRS-UVSQ (UMR8212), et le EnsadLab de l'Ecole nationale supérieure des arts décoratifs (ENSAD). Compte tenu de sa vaste expérience dans la cartographie des controverses, le médialab Sciences Po assurera le management du projet, sous la coordination scientifique de Tommaso Venturini.
Tout en étant novatrice, la stratégie de MEDEA est suffisamment claire pour offrir une base solide pour un projet de recherche interdisciplinaire et assurer que des réponses pertinentes aux défis posés par l’appel soient fournis à la fin des trois ans. MEDEA vise ainsi à soutenir le développement des politiques et du débat public sur l'adaptation et à contribuer à la compréhension des processus du GEC et de sa gouvernance – des objectifs fondamentaux de l’appel CEP&S.

Coordination du projet

VENTURINI Tommaso (FONDATION NATIONALE DES SCIENCES POLITIQUES) – tommaso.venturini@sciences-po.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

FNSP FONDATION NATIONALE DES SCIENCES POLITIQUES
LSCE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE - DELEGATION REGIONALE ILE-DE-FRANCE SECTEUR SUD
ENSAD ECOLE NATIONALE SUPERIEURE DES ARTS DECORATIFS -ENSAD

Aide de l'ANR 398 796 euros
Début et durée du projet scientifique : octobre 2011 - 36 Mois

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