Radiolyse et Analyse Dynamique par Electrochimie – RADE
Radiolyse et Analyse Dynamique par Electrochimie
Couplage de la radiolyse pulsée avec l'électrochimie transitoire pour l'analyse de la réactivité redox d'intermédiaires instables.
Visualiser le comportement électrochimique des radicaux créés par la radiolyse
Parmi les différentes méthodes pour accéder aux mécanismes réactionnels, la radiolyse pulsée et l'électrochimie transitoire ont démontré leurs capacités depuis longtemps. En radiolyse, pour préparer un milieu oxydant ou réducteur il est possible de recourir à des capteurs sélectifs de radicaux. Toutefois, il est parfois difficile d'évaluer le potentiel standard des intermédiaires créés car les méthodes de compétition redox peuvent prêter à polémique. En électrochimie, c'est le potentiel de l'électrode qui est balayé pour induire les transferts d'électrons. Mais ici, au potentiel d'étude, un premier échange est souvent suivi de réactions chimiques puis d'autres transferts d'électrons si bien qu'isoler l'intermédiaire à un électron est parfois impossible. Dans notre approche, un intermédiaire redox réactif est créé par une impulsion radiolytique, et le courant transitoire résultant est mesuré en fonction du potentiel. <br />Par ailleurs, prises indépendamment, ces deux méthodes sont extrêmement précieuses pour investiguer les milieux biologiques et nous avons souhaité explorer le cas important de la centrine 2 humaine. Sa séquence comprend 172 acides aminés dont une seule tyrosine placée en position terminale. Une duplication anormale du centrosome pourrait être induite par leur oxydation, conséquence directe du stress oxydant. La radiolyse a démontré que l’oxydation monoélectronique de la centrine 2 par des radicaux azide (N3•) conduisait à une oligomérisation (dimérisation sous faibles doses) exclusivement via les tyrosines terminales. Ceci met en avant un rôle particulier de la structure protéique sur le mécanisme.
Ce projet comportait donc deux volets. Le premier débutait par une phase d'instrumentation important pour implanter au sein de l'installation de radiolyse pulsée ELYSE une détection électrochimique transitoire. Les difficultés ont été nombreuses. D'une part, au cours du projet l'accélérateur a souvent été en panne. Les post-doctorants qui ont été embauchés ont alors travaillé sur d'autres sujets d'électrochimie transitoire classiques. Par ailleurs, les courants mesurés en électrochimie sont de l'ordre du µA. Or, les électrons sont accélérés par un faisceau d'électrons de 12 kV pulsé à quelques GHz. Ce faisceau induit un bruit très important dans le système de détection électrochimique. Nous avons ainsi identifié qu'à l'inverse de ce qui est couramment pratiqué, connecter le boitier du potentiostat à la masse de la table optique augmentait le niveau de bruit. Un système d'alimentation sur onduleurs a été mis au point et nous avons pu in fine recueillir simultanément les signaux électrochimiques et spectroscopiques. Nous avons alors travaillé sur un système de référence pour établir la preuve de concept, puis sur les systèmes d'intérêt biologique et énergétique (oxydation de la guanosine et réduction de l'oxygène, cf. partie résultats).
Pour les études mécanistiques sur la centrine humaine, nous avons eu recours à la radiolyse gamma classique et à l'électrochimie. Pour cette dernière, il a été nécessaire d'adapter notre procédure pour travailler avec de très faibles quantités de produit.
Une nouvelle détection couplée.
Notre premier système pour apporter la preuve de concept était le methyl viologène, un composé au comportement bien connu à la fois en radiolyse et en spectroscopie. Ensuite, nous avons travaillé sur l'oxydation de la guanosine, la base la plus facilement oxydable de l'ADN. Nos mesures démontrent pour la première fois ce qui est appelé l'ambivalence redox. En effet, le radical produit peut à la fois être oxydé ou réduit pour le même potentiel. Le courant mesuré résulte alors de la somme de ces deux courants de signes opposés. D'autre part, nous avons prouvé que l'ion superoxyde s'adsorbait sur les électrodes d'or, ce qui est important pour les mécanismes d'électrocatalyse utilisés dans les piles à combustibles.
Réactivité de la centrine.
Nous avons ainsi montré par l'analyse des rendements radiolytiques d'irradiation que la centrine était deux fois plus consommée que la tyrosine. En électrochimie, nous avons pu pour la première fois bloquer la réaction de dimérisation de la centrine et ainsi mesurer sa constante de vitesse. Pour se rapprocher des conditions d'une solution homogène, nous avons eu recours à la catalyse redox. Nous avons mesuré une catalyse efficace, mais néanmoins plus faible que pour la tyrosine probablement toujours pour des raisons d'accessibilité du site redox. Pour mettre en évidence l'influence du cœur protéique, nous avons mesuré les rendements radiolytiques en fonction de la température, en lien avec des mesures de dichroisme circulaire qui indiquent le déroulement des hélices alpha.
L'attrait suscité par nos résultats nous invite à nous investir dans le futur sur :
- L'accès à des gammes de temps plus courtes
- D'autres systèmes biologiques comme les antioxydants
- Utiliser les notions issues de l'électrochimie pour créer de nouveaux objets par radiolyse
- Travailler sur les systèmes d'électrocatalyse avec des petites molécules dans le domaine de l'énergie (CO2, oxydes d'azote, etc)
Les publications scientifiques afférentes au projet sont à regrouper suivant trois axes :
- Publications prévues dans le projet initial : 1 publication parue et au moins trois à suivre
- Autres publications non prévues initialement et reliées à l'électrochimie et la radiolyse : 1 publication en révision dans Nature Communications, 1 à suivre
- Publications sur les mécanismes électrochimiques : 9 publications
A ce stade notre montage n'est pas encore brevetable mais cela sera à considérer dans les trois ans à venir.
Ce projet est soumis en section SIMI8 car le coordinateur établira une équipe nouvelle et durable autour de la caractérisation par éléctrochimie ultrarapide d'intermédiaires redox produits par radiolyse pulsée.
Programme scientifique
1 ) Instrumentation
Nous démontrerons d'abord la viabilité de notre approche en travaillant avec une sonde redox bien caractérisée comme le méthylviologène. Le circuit électronique étant simplifié, la résolution temporelle électrochimique sera possiblement plus faible que celle accessible actuellement.
2 ) Etude de la radiolyse par électrochimie
a ) Diffusion/réaction dans les grappes
Dans la gamme 10ps/100ns, le milieu n'est pas homogène car les étapes primaires de la radiolyse pulsée se déroulent dans des grappes de quelques nanomètres de diamètre. Il y a alors diffusion et réaction dans ces grappes de sorte que les concentrations initiales en réactifs décroissent et deviennent uniformes. Un objectif sera de concurrencer les réactions intra-grappes en introduisant une désactivation compétitive à l'électrode.
b ) Dosimétrie locale électrochimique
Le faisceau d'électrons n'est pas homogène, et de plus diverge quand les électrons pénètrent dans une phase condensée. Des logiciels sont disponibles pour simuler ce phénomène, mais il est difficile d'accéder expérimentalement à la dose locale absorbée par la solution. Nous souhaitons utiliser de petites électrodes (de dimensions micrométriques) pour faire une analyse de la divergence du faisceau d'électrons.
3 ) Propriétés redox des bases de l'ADN
L'application de ce nouveau dispositif à la caractérisation d'intermédiaires importants en biologie nécessitera d'employer de nouvelles conditions. Deux approches sont possibles pour explorer ces systèmes:
a ) Le composé étudié peut être oxydé par transfert d'électron, en employant par exemple SO4•-. Cela a déjà été effectué sur l'ADN
b ) Les radicaux OH• peuvent effectuer une attaque radicalaire.
Dans les deux cas, les intermédiaires ont des durées de vie relativement limitées. Les réactions consécutives dépendent fortement de leur environnement chimique et de leurs propriétés redox. Par conséquent, notre objectif scientifique sera de comparer la réactivité des bases de l'ADN relativement aux deux voies d'oxydation.
Dans les doubles brins, la perturbation initiale peut migrer, et il a été démontré qu'à partir d'une oxidation initiale, le trou pouvait voyager sur plusieurs nanomètres via un mécanisme de saut d'électrons. Les dimères et trimères de guanine piègent ces trous et peuvent être détectés assez facilement. L'identification des chemins réactionnels et des potentiels redox des intermédiares produits est de première importance pour la dégradation ultérieure de l'information génétique.
4 ) Propriétés redox des peptides
Un autre sujet brulant concerne l'effet des rayonnements ionisants sur la réactivité des protéines. La centrine est une protéine liant le calcium qui incorpore une seule tyrosine situés en position terminale. Il a été démontré que dans la centrine la tyrosine est beaucoup plus facilement oxidée que pour l'acide aminé isolé. Cela conduit à une polymérisation qui altère la fonction protéique. Ici, la possibilité d'un transfert concerté électron-proton sera à considérer. Ceci a été en effet observé par le groupe de Savéant dans le cas de l'oxydation d'un phénol biomimétique. Pour résoudre cette question, nous proposons une approche triple:
a ) La chimie sous rayonnement gamma et la radiolyse pulsée serviront à identifier les produits
b ) La radiolyse pulsée couplée à l'électrochimie transitoire serviront à mesurer le potentiel redox de la tyrosine. Les faibles concentrations impliquées permettront de limiter la dimérisation et donc de déterminer des propriétés monomoléculaires.
c ) L'analyse mécanistique classique en électrochimie moléculaire devrait aussi fournir des informations substantielles.
Coordinateur du projet
Monsieur Emmanuel MAISONHAUTE (CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE - DELEGATION REGIONALE ILE-DE-FRANCE SECTEUR PARIS B) – emmanuel.maisonhaute@gmail.com
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenaire
LISE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE - DELEGATION REGIONALE ILE-DE-FRANCE SECTEUR PARIS B
Aide de l'ANR 190 000 euros
Début et durée du projet scientifique :
- 36 Mois