Blanc SVSE 4 - Sciences de la vie, de la santé et des écosystèmes : Neurosciences

Identification et manipulation sélective des microcircuits neuronaux impliqués dans la rechute des comportements pathologiques de peur et d'addiction. – Neurorelaps

Comprendre, pour prévenir, la rechute des comportements d’addiction aux drogues et de peur pathologique (stress post-traumatique).

L’addiction aux drogues et les désordres anxieux, dont le stress post-traumatique, constituent deux enjeux majeurs de santé publique. Ces deux psychopathologies se caractérisent par un risqué élevé de rechute même après des rémissions de relative longue durée. Ce profil suggère une réorganisation qualitative des réseaux neuronaux traitant les stimuli en lien avec la drogue et le traumatisme. Néanmoins, cet aspect fait l’objet de très peu d’études.

Des outils adaptés pour une étude des réorganisations neuronales impliquées dans la rechute des comportements d’addiction et de peur pathologique.

Le caractère récurrent de l’addiction aux drogues et du stress post-traumatique pourrait dépendre de deux processus biologiques majeurs : 1. une modification à long terme de l’expression de protéines spécifiques qui provoquerait un changement quantitative du statut fonctionnel des neurones et de leur capacité à traiter les stimuli liés à la drogue ou au traumatisme, 2. une réorganisation qualitative des circuits neuronaux cérébraux traitant ces stimuli. Ces deux processus ne sont pas mutuellement exclusifs, mais il est particulièrement important d’évaluer le poids relatif des deux mécanismes afin de développer des stratégies thérapeutiques efficaces pour ces désordres comportementaux. Si l’étude des modifications d’expression protéique a fait l’objet de nombreuses études, très peu de travaux ont porté sur la réorganisation qualitative des réseaux neuronaux. Une des principales raisons est probablement d’ordre technologique. L'étude de la réorganisation des réseaux neuronaux implique l’analyse simultanée de l’activité électrophysiologique dans plusieurs neurones et régions cérébrales, chez l’animal se comportant. Il s’agit de l’une des techniques les plus complexes en Neuroscience. De plus, elle doit être couplée avec des modèles comportementaux qui, comme dans le cas de l’addiction, sont particulièrement difficiles à mettre en œuvre. Il n’y a pratiquement aucun laboratoire aujourd’hui qui réunisse les compétences conceptuelles et technologiques nécessaires. De plus, l’expertise complémentaire des deux principaux investigateurs, l’un pour l’addiction, l’autre pour le stress post-traumatique, constitue une valeur ajoutée. Très rarement addiction et stress post-traumatique ont été comparés. Or tous deux mettent en jeu des processus mnésiques et présentent un caractère récurrent. Une étude comparative de ces deux pathologies doit permettre de mieux cerner les mécanismes de leur dimension commune (la rechute) qui constitue l’enjeu clinique majeur.

La connaissance des mécanismes neurobiologiques qui sous-tendent les comportements pathologiques est décisive pour l’identification de cibles thérapeutiques pertinentes. A ce jour, en psychopathologie expérimentale, deux obstacles majeurs, liés à la complexité du fonctionnement cérébral, compromettent notre capacité à étudier ces mécanismes : 1. L’absence de modèles animaux capables de reproduire en laboratoire la complexité des symptômes de ces pathologies comportementales ; 2. Le manque de technologies adaptées à l’étude des microcircuits neuronaux chez l’animal se comportant.
Neurorelaps propose de relever ces défis procéduraux et technologiques, pour caractériser les circuits neuronaux impliqués dans la rechute pathologique des comportements de peur et d’addiction. Les modèles comportementaux utilisés se veulent au plus près de la symptomatologie humaine. Il s’agit, notamment pour l’addiction, du premier modèle multi-symptomatique d’addiction à la cocaïne chez le rongeur (Deroche-Gamonet et al., Science, 2004). Nous couplons ces modèles à des techniques d’électrophysiologie in vivo (permettant l’enregistrement simultané de nombreux neurones dans plusieurs structures cérébrales) et à des manipulations optogénétiques pour une manipulation sélective des ces microcircuits pendant le comportement.
Notre objectif est double: Nous cherchons d’abord à identifier et caractériser les microcircuits impliqués dans le comportement pathologique. Dans un second temps, nous manipulons ces microcircuits, au travers de protéines sensibles à la lumière, pour tester si l’activation (ou l’inactivation) rapide et réversible de l’activité neuronale modifie l’expression du comportement pathologique.

A ce jour, deux résultats majeurs peuvent être soulignés. Des premiers travaux ont été publiés dans la revue Nature sur l’identification des microcircuits inhibiteurs du cortex impliqués dans l’apprentissage du comportement de peur. Ces travaux ouvrent de nouvelles perspectives thérapeutiques pour la régulation de l’acquisition des réponses émotionnelles de peur. Ces résultats sont la base des travaux menés actuellement sur les circuits neuronaux inhibiteurs impliqués dans la rechute pathologique de ce comportement de peur. Nos résultats préliminaires suggèrent effectivement qu’une altération du mode de fonctionnement de ces circuits inhibiteurs pourrait être impliquée dans la rechute des réponses émotionnelles de peur à long terme. En ce qui concerne nos travaux sur la rechute du comportement d’addiction, nous avons relevé les défis procéduraux et technologiques, qui consistaient à coupler le modèle d’addiction à la cocaïne avec les enregistrements électrophysiologiques in vivo multi-sites, et les analyses des premières expériences sont en cours.

La stratégie proposée par Neurorelaps doit permettre d’identifier des mécanismes physiopathologiques impliqués dans l’expression du stress post-traumatique et la rechute de l’addiction. Cette stratégie repose sur deux éléments clés : 1. Le couplage de modèles comportementaux pertinents, à des technologies qui permettent, de façon unique, de questionner, et d’agir sur le fonctionnement cérébral lors de l’expression du comportement pathologique. 2. Une étude dimensionnelle comparative des rechutes de l’addiction et des mémoires pathologiques.
Ces travaux doivent ouvrir de nouvelles perspectives thérapeutiques pour prévenir la rechute du comportement addictif et la formation des mémoires de peur traumatiques.

Un article a été publié dans la revue Nature (A disinhibitory microcircuit for associative fear learning in the auditory cortex, 2012). Un chapitre d’ouvrage (Encyclopedia of the Sciences of Learning, 2012) a été publié qui traite de la problématique et des enjeux qui sont au cœur du projet Neurorelaps. Les travaux en cours et le projet ont été présentés dans plusieurs congrès nationaux (SFN, Marseille, 2010) et internationaux (FENS, Barcelone, 2012).

Dans les pathologies comportementales, telles que l'anxiété et l'addiction, la rechute quasi constante après une période de rémission est un critère déterminant de la sévérité du trouble. Au cours des dernières années, il a été démontré que les apprentissages associatifs jouent un rôle fondamental dans la rechute des troubles anxieux et addictifs. En effet, l'exposition à des stimuli qui ont été répétitivement associés aux effets des drogues ou bien associés à des événements traumatiques peuvent précipiter la rechute des comportements de recherche de drogue ou la rechute des comportements anxieux. Alors que des progrès considérables ont été réalisés dans l'identification des mécanismes neuronaux qui sous-tendent l'acquisition des comportements de peur et d'addiction aux drogues, les microcircuits neuronaux impliqués dans la rechute des comportements addictifs et anxieux sont encore largement inconnus.
Notre projet de recherche a pour objectifs d'identifier des circuits neuronaux impliqués dans ces phénomènes de rechute. Des approches électrophysiologiques, optogénétiques et comportementales innovantes seront mises en œuvre chez l'animal vigile. Dans un premier temps, grâce à l'utilisation de modèles animaux pertinents disponibles au sein de notre laboratoire, nous étudierons les propriétés de microcircuits neuronaux excitateurs/inhibiteurs possiblement impliqués dans la rechute pathologique des comportements addictifs et anxieux. Dans une seconde étape, nous manipulerons sélectivement ces microcircuits chez l'animal vigile par l'utilisation de techniques optogénétiques. Nous testerons si l'activation/inhibition rapide et réversible de l'activité neuronale au sein de ces circuits provoque des modifications comportementales. Les expériences proposées permettront de révéler comment l'organisation anatomique et fonctionnelle de microcircuits excitateurs et inhibiteurs module l'expression/inhibition des comportements anxieux et addictifs.
L'identification de mécanismes neuronaux facilitant ou inhibant l'expression de comportements anxieux et addictifs devrait permettre de proposer des cibles thérapeutiques pertinentes pour le traitement de pathologies caractérisées par une forte probabilité de rechute telles que le syndrome de stress post-traumatique et l'addiction aux drogues.

Coordination du projet

Véronique Deroche-Gamonet (INSTITUT NATIONAL DE LA SANTE ET DE LA RECHERCHE MEDICALE - DELEGATION DE BORDEAUX) – veronique.deroche@inserm.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

INSTITUT NATIONAL DE LA SANTE ET DE LA RECHERCHE MEDICALE - DELEGATION DE BORDEAUX

Aide de l'ANR 339 426 euros
Début et durée du projet scientifique : - 48 Mois

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