Blanc SIMI 6 - Sciences de l'information, de la matière et de l'ingénierie : Système Terre, environnement, risques

Caractérisation, quantification et modélistion de l’impact de l’usage des terres sur un processus majeur d’évolution des sols : le lessivage. – AGRIPED

Caractérisation, quantification et modélisation de l’impact de l’usage des terres sur un processus majeur d’évolution des sols : le lessivage.

Les activités humaines représentent une menace majeure pour les sols comme l’a récemment reconnu la Commission Européenne. Les sols doivent donc être protégés si l'on veut qu'ils continuent à remplir leurs fonctions. L'agriculture peut être considérée comme une variable de forçage de l'évolution des sols, qui agit sur une échelle de temps de 10 à 100 ans. Cependant, l'impact de cette variable de forçage sur l'évolution du sol à cette échelle de temps a rarement été étudié et est mal connu.

Les transferts verticaux de matière déterminent en partie propriétés et qualité des sols, mais leur amplitude et leur vitesse ne sont pas quantifiées.

Le lessivage des argiles est un processus naturel qui tend à dégrader les sols, en réduisant la teneur en argile en surface et en formant des couches imperméables en profondeur. Les processus de bioturbation par la faune du sol ou par les racines sont des processus antagonistes qui, au contraire, tendent à homogénéiser le profil de sol. Ces processus de transfert vertical de matière solide sont très importants également parce qu'ils influencent toutes les propriétés des couches de surface, la dynamique du carbone ou le devenir et le transfert en profondeur de certains contaminants. Il est important de savoir si le changement climatique ou les pratiques agricoles peuvent accélérer ou ralentir ces processus de transfert vertical de matière. Cependant l’ampleur, les vitesses et temps caractéristiques des processus n'étaient pas encore connus faute de méthodes adaptées. Dans ce cadre, il a été nécessaire de développer des méthodes adaptées afin de caractériser l’ampleur, les vitesses et les temps caractéristiques de ces processus.

Nous avons déterminé les conditions physico-chimiques du lessivage et sa cinétique, ainsi que celle du mélange par bioturbation, dans quelques observatoires de recherche du nord de la France dont les sols sont développés sur limons éoliens. Ceci a été rendu possible par la combinaison de plusieurs méthodes innovantes : la tomographie d’absorption de rayons X résolue dans le temps (imagerie 3D par scanner médical), l'utilisation conjointe et synergique de traceurs isotopiques naturels, en particulier de chronomètres adaptés à des durées s'étalant de la décennie aux milliers d'années: isotopes cosmogéniques en ultra-traces, isotopes radiogéniques et isotopes stables, ainsi que des modélisations mathématiques des systèmes dynamiques travaillant à plusieurs échelles d'espace et de temps. Les facteurs du détachement, de la mobilité et de la rétention des particules argileuses ont également été caractérisés. Ils sont aussi pertinents en termes d'érosion des sols.

Le lessivage est un processus lent, mais encore actuel, qui cependant n'explique qu'en partie l'accumulation d'argile rencontrée en profondeur dans les sols. Lessivage et bioturbation sont affectés par le changement d’usage des terres mais avec des sensibilités différentes. Au-delà, le projet Agriped propose une représentation originale des processus de transfert verticaux et des modélisations mathématiques de ces processus à l’échelle du profil de sol. Ces dernières pourront être utilisées pour la prévision des propriétés de sols en surface comme en profondeur, pour la dynamique du carbone dans les sols. Elles permettront aussi de comprendre mieux la genèse des sols naturels ou artificiels, ainsi que le devenir des contaminants fortement fixés aux phases solides du sol.

Les perspectives d’Agriped sont de deux types, outre la finalisation d’un certains nombres de travaux encore en cours : un aspect important de modélisation de l’évolution des sols et une partie de généralisation de la méthode de traçage multi-isotopique mise au point pour l’estimation des transferts verticaux de matière.
La méthode de traçage multi-isotopique développée n’est applicable à l’heure actuelle que pour des sols pauvre en matière organique et non-acide. Elle devra être testée dans d’autres contextes pédologiques.
En termes, de modélisation, les mécanismes identifiés dans AGRIPED devront être intégré à un modèle plus complexe de formation et d’évolution des sols, auquel il serait aussi souhaitable d’ajouter les traceurs des transferts verticaux identifiés. Ce modèle pourrait alors être calibré à sur les expérimentations réalisées et les sites analysés dans le cadre d’AGRIPED.

Le projet a donné lieu à 6 publications publiées et ou acceptées, deux soumises et une petite dizaine d’autres en préparation, ainsi qu’à de nombreuses communications dans plus de 13 conférences tant nationales qu’internationales. Il est à noter que le consortium du projet a tenu à faire une restitution de l’ensemble du projet à la communauté de sciences du sol francophone par l’organisation d’un symposium spécifique lors des JES de Chambéry en juillet 2014. Ces rencontres rassemblent scientifiques et membres des chambres d’agriculture, de l’ADEME, ou de bureaux d’étude.

Les activités humaines, et notamment l’agriculture, représentent une menace majeure pour les sols. Leur protection nécessite d’être capable de comprendre et prédire leur évolution sous l’impact des activités agricoles. Néanmoins certains processus majeurs d’évolution des sols sont encore insuffisamment décrits et quantifiés (en termes d’intensité et de cinétique) pour être modélisés. C’est le cas notamment des processus de translocation verticale de particules fines au sein d’un profil de sol : le lessivage. Il s’agit d’un processus majeur de formation des sols qui est décrit dans de nombreuses pédogenèses, mais qui est cependant rarement quantifié voire parfois même remis en question.
Dans ce projet, nous proposons de travailler sur l’impact de pratiques agricoles en plein essor (réduction du travail du sol et les amendements organiques) sur le lessivage. Nous proposons d’utiliser une approche combinée terrain, expérimentations en laboratoire et modélisation.
Les sites expérimentaux s’appuient sur des observatoires certifiés : essai longue durée de réduction du travail du sol de Boigneville et de l’ORE ACBB de Mons en Chaussée et d’apports de fumier et compostes de l’ORE Qualiagro. Ils permettront de quantifier l’impact de la mise en agriculture, en général, et des deux pratiques agricoles sélectionnées, en particulier, sur le lessivage et ce, grâce à une approche multi-isotopique originale. En effet, nous utiliserons des isotopes présentant la particularité d’avoir été deposés à la surface du sol et d’avoir une forte affinité avec les phases solides (14C, 137Cs, 210Pb, 206Pb/207Pb, 26Al, 10Be atmosphérique). Ainsi les redistributions en profondeur de ces éléments seront principalement liées à des redistributions de matière au sein du profil par bioturbation ou lessivage. L’analyse de ces données multi-isotopiques par une équation de convection-diffusion permettra de déconvoluer ces deux processus. La confrontation des différents isotopes permettra d’estimer la contribution de la lixiviation à la redistribution des isotopes en profondeur. Cette dernière est supposée être d’un second ordre par rapport aux processus de redistribution de matière. L’approche multi-isotopique permettra en outre d’obtenir des vitesses moyennes des différents processus considérés.
Les expérimentations en conditions contrôlées au laboratoire permettront l’analyse : (1) de l’impact des conditions climatiques (intensité de pluie et teneur en eau initiale) sur le lessivage ; (2) de l’impact de la composition chimique des eaux de percolation sur la mise en suspension et la coagulation des particules ; (3) des chemins empruntés par l’eau dans les colonnes afin de quantifier la partie effective du réseau poreux, plutôt que de le considérer dans son ensemble.
Ces expérimentations fourniront en outre les données d’entrée et de paramétrisation d’un modèle lessivage dérivé de modèles existants dans la littérature sur le transfert des colloïdes. Une fois paramétré, le modèle sera utilisé pour simuler les évolutions observées sur les sites expérimentaux.
Enfin, dans les deux cas (essais de longue durée et lessivage expérimental) l’impact du lessivage sur l’évolution de la structure sera analysé et quantifié par analyse d’image obtenues en microscopie et part tomographie et micro-tomographie X.
Ce projet permettra une meilleur compréhension et prédiction de l’évolution des sols sous contrainte anthropique ou climatique. Il permettra (1) de déterminer clairement l’importance du processus de lessivage dans l’évolution des sols; (2) de déterminer sa dynamique ainsi que celle des processus de redistribution verticale de la matière en général; (3) d’améliorer nos capacités de modélisation de l’évolution des sols.


Coordination du projet

Sophie Cornu (INSTITUT NATIONAL DE LA RECHERCHE AGRONOMIQUE- Centre PACA) – sophie.cornu@inrae.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

GSE INSTITUT NATIONAL DE LA RECHERCHE AGRONOMIQUE- Centre PACA
URSols, INRA INSTITUT NATIONAL RECHERCHE AGRONOMIQUE - Centre de Recherche d'Orléans
LSCE COMMISSARIAT A L'ENERGIE ATOMIQUE ET AUX ENERGIES ALTERNATIVES - Centre SACLAY
CNRS DR12 _ CEREGE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE - Délégation Provence et Corse

Aide de l'ANR 600 000 euros
Début et durée du projet scientifique : - 48 Mois

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