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08/11/2019

L’environnement magnétique de Mercure à l’étude : le projet ANR Marmite

Le lundi 11 novembre 2019, Mercure passera devant le Soleil. Il s’agit d’une opportunité importante pour observer l'exosphère de Mercure, planète la plus petite, la plus proche du Soleil, mais aussi particulièrement énigmatique. Les processus dynamiques qui génèrent son champ magnétique, étonnante découverte réalisée dans les années 1970, restent en effet à déterminer. En s’appuyant sur les données de la mission MESSENGER, lancée par la NASA en 2004 et en orbite autour de Mercure de 2011 à 2015, le projet ANR MARMITE apporte un nouvel éclairage sur l’environnement magnétique herméen (de Hermès, nom grec du dieu Mercure) et ses sources internes et externes.

Mercure est la seule autre planète tellurique qui possède un champ magnétique actif. L’observer et le caractériser est donc essentiel pour mieux connaître la structure et la dynamique interne de Mercure, mais aussi pour améliorer la connaissance de notre planète (par comparaison). La mission Mariner 10 avait révélé, par deux survols en 1974 et en 1975, ce champ magnétique totalement inattendu. On pensait que Mercure ne pouvait avoir conservé une activité dynamique interne capable de générer un champ magnétique global. Près de 30 ans plus tard, la mission MESSENGER a acquis des mesures permettant de confirmer l’existence de ce champ et d’en déterminer les principales caractéristiques. Tout du moins, au-dessus du seul hémisphère nord, en raison de la géométrie très elliptique de l’orbite.

L’équipe du projet MARMITE a adapté au cas de Mercure plusieurs techniques de modélisation locale, dédiées au champ crustal de la Terre ou de Mars par exemple, et mis au point un modèle moyen de son champ magnétique interne, basé sur l’ensemble des mesures MESSENGER. Le champ interne de Mercure est quasiment aligné sur son axe de rotation (sur Terre l’écart est de 10°), est dominé par une morphologie dipolaire (un pôle nord et sud), mais la composante quadrupolaire est proportionnellement plus importante, ce qui se traduit par une position de l’équateur magnétique systématiquement décalée vers le nord par rapport à l’équateur géographique. Pour l’instant, une variation temporelle séculaire du champ n’a pas été détectée (le champ terrestre peut varier localement de 1% en une dizaine d’années). La faible intensité du champ implique des processus dynamiques différents avec, par exemple, une convection dans une seule partie du noyau liquide de Mercure.

Un champ magnétique variable dans le temps

Les interactions du champ interne, de l'exosphère de Mercure et du vent solaire conduisent à une magnétosphère très dynamique, qui génère un champ magnétique externe, autour de la planète. L’équipe a mis en évidence une forte variation temporelle et périodique de ce champ magnétique externe, avec une période proche de 88 jours (une année herméenne). La variation du champ externe induit une réponse interne, générée par le noyau de Mercure composé de fer et donc très conducteur, proportionnelle au champ externe et à la taille du noyau. A travers une analyse du rapport d’amplitude de ces variations externes et internes, les chercheurs ont pu estimer le rayon du noyau de Mercure à 2060 km, soit près de 85% du rayon de la planète (contre 55% pour la Terre). Cette analyse, dont les résultats ont été publiés récemment1, suggère un noyau légèrement plus large que les précédentes estimations (rayon estimé à 2010 km).Les travaux menés dans le cadre du projet suggèrent par ailleurs une certaine évolution de Mercure et de son champ magnétique dans le passé. Comme sur Terre, des anomalies crustales (liées à des sources superficielles, aimantées dans le passé par le champ magnétique de Mercure) ont été détectées. Les anomalies étudiées2 montrent que, depuis qu’elles se sont mises en place, le champ magnétique de Mercure et/ou la localisation de ces anomalies a changé. Cela implique soit des inversions de la polarité du champ magnétique de Mercure, soit des mouvements similaires à ceux créés par la tectonique des plaques sur Terre, soit un basculement de l’axe de rotation de la planète.

Figure : A gauche : intensité du champ crustal modélisée à 40 km d’altitude au-dessus de l’hémisphère nord. Les 5 anomalies étudiées sont entourées par ces cercles de couleurs, et sont localisées au-dessus de cratères d’impact (entre 100 et 200 km de diamètre). A droite : localisation des pôles magnétiques anciens associés à chacune des anomalies. Le fond indique la probabilité d’un pôle ancien unique (plus foncé = plus probable). Adapté de Oliveira et al., 2019.

Des apports essentiels pour l’analyse des futures mesures de BepiColombo

Ces travaux sur le champ profond et superficiel, mais aussi sur les interactions avec le vent solaire et l’exosphère, seront complétés grâce aux mesures de la mission BepiColombo lancée à destination de Mercure en octobre 2018 par l’ESA et la JAXA, et dont l’arrivée est prévue fin 2025. Pour cette mission, les collaborateurs du LATMOS, ainsi que ceux du LPP ont fortement contribué pour trois instruments : le spectromètre UV PHEBUS, le spectromètre de masse et d'énergie PICAM, et le spectromètre ionique MSA, qui devraient apporter de nouveaux éléments de compréhension sur les processus exosphériques encore méconnus. 

Les techniques de modélisation et outils développés sont applicables à d’autres planètes du système solaire. Les études sur la corrélation des champs variables internes et externes autour de Mercure seront appliquées dans le cas de Mars, dans le cadre d’une thèse au LPG. Elles seront aussi utiles lorsque la mission JUICE sera en orbite autour de Ganymède, dans les années 2030.

Transit de Mercure le 11 novembre 2019 : une opportunité pour l’étude de son exosphère

Le prochain transit de Mercure devant le Soleil sera observable en Europe, en particulier aux Canaries, site particulièrement favorable avec plus de 6h d’observations potentielles. François Leblanc, chercheur au LATMOS et membre du projet MARMITE, observera le transit depuis ce site à l’aide du télescope solaire français THEMIS, avec des collaborateurs italiens et des Etats Unis. Les chercheurs espèrent observer des variabilités temporelles dans l’exosphère de Mercure, dont ils pensent que l’échelle typique est de l’ordre de l’heure. De telles variabilités en orbite autour de Mercure sont difficiles à suivre en raison du mouvement permanent du satellite. L’observation du transit nécessite un instrument optique (jumelles, lunette ou télescope) équipé d’un filtre solaire approprié. Il sera également possible de le suivre en direct sur internet à cette adresse. Le transit suivant n’aura lieu qu’en 2032.
Observation du transit de Mercure en 2016 (FISS instrument at Big Bear Observatory par Carl Schmidt, Boston University) :

Partenariats

Les partenaires du projet

Le projet MARMITE (2014-2018) est un projet de recherche fondamentale financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR), coordonné par Benoit Langlais, chercheur au Laboratoire de Planétologie et Géodynamique (CNRS/Université Angers/Université Nantes). Il associe le Laboratoire Atmosphères, Milieux, Observations Spatiales (CNRS/Sorbonne Université/UVSQ) et le Laboratoire de Physique des Plasmas (CNRS/Ecole Polytechnique/Sorbonne Université/Université-Paris-Sud/Observatoire de Paris).

En savoir plus :

1Correlated time-varying magnetic fields and the core size of Mercury, Ingo Wardinski, Benoit Langlais et Erwan Thébault, J. Geophys. Res. – Planets, 2019

2Constraining the Early History of Mercury and its Core Dynamo by Studying the Crustal Magnetic Field, Joana S. Oliveira, Lon L. Hood, et Benoit Langlais, J. Geophys. Res. – Planets, 2019

Mis à jour le 08 novembre 2019
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