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04/27/2023

Lancement du programme de recherche exploratoire TRACCS sur la modélisation du climat et les services climatiques : comprendre, anticiper, adapter

Le 29 mars dernier avait lieu le lancement du programme de recherche de France 2030 TRACCS sur la transformation de la modélisation du climat et le développement des services climatiques au Campus Michel Ange du CNRS. Co-piloté par le CNRS et Météo France(1), TRACCS a pour ambition d’apporter des connaissances liées aux risques et impacts du changement climatique et des améliorations aux outils permettant de les documenter. Dans l’optique de mieux co-construire des solutions d’adaptation et d’atténuation du réchauffement climatique, en particulier sous forme de services climatiques d’aide à la décision.

Lauréat de la deuxième vague de l’appel à programmes exploratoires de France 2030, opéré par l’ANR, le programme TRACCS, doté de 51 M€ sur 8 ans, a été officiellement lancé le 29 mars 2023 au campus Michel-Ange du CNRS. Après les discours d’ouverture de Cyril Moulin, Chef du service de la stratégie au Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, de Virginie Schwarz, présidente-directrice générale de Météo-France et de Nicolas Arnaud, directeur de l’INSU ; les directeurs de programme : Samuel Morin (Météo-France) et Masa Kageyama, CNRS ) ont présenté ses ambitions et ses enjeux lors de cette journée.

Un des enjeux clé du programme TRACCS est d’accélérer le développement de services climatiques. Ces services désignent: “l’ensemble des informations et prestations qui permettent d’évaluer et de qualifier le climat passé, présent ou futur, d'apprécier la vulnérabilité des activités économiques, de l’environnement et de la société au changement climatique, et de fournir des éléments pour entreprendre des mesures d’atténuation et d'adaptation”.2

En effet, afin d‘anticiper, informer et, in fine, œuvrer à réduire l’escalade des risques liés au changement climatique, la compréhension fine de phénomènes complexes, imbriqués et variables s’impose. Ces anticipations sont à la fois tributaires de l’étude du climat passé, présent et de la prise en compte de nombreux facteurs physiques, biogéochimiques, humains. La modélisation du climat est l’un des outils majeurs de cette compréhension des changements climatiques et de leurs possibles répercussions futures. Elle consiste en une simulation mathématique du système climatique, à travers des équations différentielles reposant sur les lois de la physique. Les modèles actuels sont capables de simuler l’évolution du climat sur une période de temps s’étendant de plusieurs milliers d’années à quelques mois. Ils nécessitent des puissances de calculs variables en fonction du degré de précision et de réalisme visées. Divers scenarios  à diverses échéances temporelles peuvent ainsi être déclinés, notamment en fonction des trajectoires futures d’émissions de gaz à effet de serre. Ceci permet d’analyser, par exemple, l’évolution future des caractéristiques des canicules, sécheresses, les feux de forêts à l’échelle planétaire ou locale, et leurs impacts.

Dans une dynamique d’amélioration continue, ces modélisations sont confrontées à l’épreuve des observations (in-situ, satellites) afin de tester leur robustesse et, si besoin, les actualiser.

Le programme de recherche exploratoire TRACCS s’appliquera à transformer et améliorer sur le long terme les outils de modélisation actuels, susceptibles d’informer les parties prenantes dans leurs actions visant à contenir les causes et conséquences du réchauffement climatique (décideurs, entreprises, citoyens etc.).

A l’origine du programme, un constat : des outils de modélisation du climat actuels performants mais perfectibles

Des données sur les futurs possibles du climat sont d’ores et déjà disponibles, notamment sur certains portails comme le portail DRIAS qui met à disposition les projections climatiques régionalisées réalisées dans les laboratoires français de modélisation du climat et les scénarios les plus récents du rapport du GIEC. Mais ces données méritent d’être affinées et/ou assorties des décryptages d’experts afin de répondre aux questionnements de la société et guider les actions d’adaptation.

Un programme, trois grands objectifs…

Trois communautés sont au cœur de la réflexion du programme : en premier lieu, la communauté des scientifiques spécialisés dans la connaissance du climat et de ses variations ; celle des spécialistes des impacts des variations du climat, de la vulnérabilité et des adaptations des systèmes face aux réchauffement global ; et enfin, un troisième groupe constitué par les parties prenantes (décideurs publics, politiques, etc.). TRACCS s’attachera à faire communiquer l’ensemble de ces acteurs tout au long du déploiement du programme dont les objectifs majeurs impliquent de :

  1. Co-construire des solutions, sous forme de prototypes de services climatiques co-construits entre experts du climat et les parties prenantes
     
  2. Améliorer les outils de modélisations afin de mieux caractériser l’évolution climatique, en particulier à l’échelle locale
     
  3. Former la prochaine génération de professionnels et experts en sciences du climat, des connaissances du climat jusqu’aux services climatiques.

... qui impliquent plusieurs défis de taille

Celui de l’interdisciplinarité

Des défis de communication sont en jeu pour pallier la déconnexion entre la production de connaissances sur le climat et leur prise en compte dans les décisions stratégiques, en particulier dans le domaine de l’adaptation. D’où l’importance de la co-construction de solutions promue avec force par TRACCS, ce qui demande d’articuler finement les connaissances et données sur l’évolution du climat, avec la caractérisation des facteurs de vulnérabilité climatique de secteurs ou de territoires concernés, faisant intervenir d’autres expertises scientifiques et connaissances des acteurs concernés. Ceci permettra de développer une information climatique pertinente en matière d’impacts et de risques climatiques, et d’analyse de la pertinence et les limites des pistes d’action climatique (adaptation et atténuation) envisagées. Déclinées sous forme d’outils d’aide à la décision, ces informations constituent alors le fondement de services climatiques.

S’emparer des techniques d’intelligence artificielle et optimiser l’utilisation du calcul haute performance : des opportunités et des défis techniques à relever

Les modèles actuels nécessitent de tirer parti de la montée en puissance des technologies (intelligence artificielle) et des systèmes de calcul (supercalculateurs de type Exascale), dont l’arrivée prochaine d’ici 2025-2026 impose une refonte des codes actuels. « Nous sommes en effet en passe de changer d’architecture de calcul à l’horizon 2025, nos codes de calcul font plusieurs centaines de milliers de lignes et nous savons que nous allons devoir en réécrire ou en adapter une grande partie » a indiqué Masa Kageyama. Si l’on peut espérer que l’intelligence artificielle améliore la vitesse de traitement de certains résultats, elle nécessitera dans le même temps des experts capables d’en apprécier les applications potentielles et les limites.

L’amélioration technique des modèles

A l’heure actuelle, les modèles de climat à échelle planétaire opèrent à une résolution horizontale de l’ordre d’une centaine de kilomètres. TRACCS entend accélérer le développement d’une panoplie d’outils permettant de représenter aussi des processus à plus petite échelle, nécessitant des résolutions horizontales pouvant atteindre environ 1 à 3 km. Masa Kageyama a rappelé l’importance de ce passage d’échelle et de la montée en résolution pour évaluer les impacts locaux  « Le fait que nous puissions prendre en compte les processus fine échelle dans les modèles nous permet d’affiner nos projections par rapport à l’échelle planétaire ».


Exemples de projections à échelle régionale obtenues à partir de modèles de climat régionaux.

La caractérisation et la quantification des incertitudes

Les incertitudes sur les projections climatiques sont imputables à la variabilité interne, au manque de connaissances, aux limitations des modèles et, bien sûr, aux trajectoires d’émissions de gaz à effet de serre que nos sociétés mettront en œuvre. TRACCS souhaite ainsi mieux identifier et communiquer sur ces incertitudes pour construire une information climatique robuste et adéquate à la prise de décisions, en particulier locales.

Zoom sur l’organisation opérationnelle du programme TRACCS

Samuel Morin (Météo France) co-directeur de TRACCS a de son côté présenté la structure du programme, articulé en 3 blocs : un premier volet intitulé « Mobiliser les sciences du climat pour le développement des services climatiques  », un deuxième « Défis scientifiques et techniques pour la modélisation du climat ». Un troisième bloc transverse enfin, concerne l’animation, la formation, les enjeux internationaux, l’administration du programme et la communication. Pour chacun des deux premiers blocs, des projets ciblés en lien avec ces problématiques ont été désignés dès le début du programme.

Mission1

10 projets ciblés structurant et orientant les recherches dès le démarrage du programme

Un premier pan concerne quatre projets visant à « Mobiliser les sciences du climat pour le développement des services climatiques ». Ce premier volet sera directement lié au développement de prototypes de services climatiques.

1 : DIALOG – Interaction avec les parties prenantes pour faciliter les mises en œuvre de solutions grâce aux services climatiques par la co-construction

2 : INVEST- Infrastructure de Valorisation des donnéES pour mettre à disposition et améliorer l’accès aux données climatiques pour un usage élargi

3 : DEMOCLIMA – Démonstration de services et d’informations climatiques pour l’adaptation de territoires et secteurs vulnérables

4 : EXTENDING – Extreme events climate change pour améliorer et affiner les projections d’événements extrêmes (vagues de chaleur, tempêtes, précipitations intenses)

Les six autres projets sont liés aux « Défis scientifiques et techniques pour la modélisation du climat » :

5 : COMPACT : vers des modèles climatiques plus efficaces, plus modulaires et entrainables pour améliorer les paradigmes de calcul, former la nouvelle génération de chercheurs

6 : Quantification des incertitudes, calibration et mise à l’équilibre des modèles de climat

7 : IMPRESSION-ESM : Mieux représenter les processus physiques dans les modèles du Système Terre pour augmenter la confiance dans les simulations climatiques

8 : BCGinESM : Les cycles biogéochimiques dans les Modèles de Système Terre

9 : ISCLim : Le rôle des calottes polaires dans le système climatique – Aborder les scénarios du niveau de la mer à fort impact

10 : LORECLI : Atteindre l’échelle locale dans études climatiques – vers des informations climatiques fiables pour les stratégies d’adaptation locales pour améliorer la résolution en soutien aux stratégies d’adaptation.

Une enveloppe de 10 millions d’euros pour des appels à projets visant à élargir le spectre des domaines de recherche du programme

Au-delà de ces projets en capacité de démarrer leurs travaux rapidement, le programme a prévu une enveloppe de 10 Millions d’euros pour des appels à projets, co-construits avec l’ANR et publiés à partir de 2024. Ils auront vocation à ouvrir encore davantage la voie aux contributions de la communauté des sciences du climat à ce programme, notamment dans les domaines déjà fléchés de la co-construction de services climatiques complémentaires, l’apport de l’intelligence artificielle, les enjeux de l’analyse des interventions climatiques (y compris géoingénierie), et de l’évaluation des modèles du climat.

 

Former et informer : l’importance des actions de formation et de médiation scientifique au sein du programme

L’animation des communautés scientifiques, la communication au grand public et la formation d’experts constituent un ensemble d’activités transverses de ce programme. Le programme se donne l’ambition de mettre en réseau les acteurs de la recherche du climat à l’échelle française, avec en ligne de mire, un plus fort rayonnement de la recherche hexagonale à l’international, notamment en Europe (en apportant des contributions complémentaires aux programmes Copernicus, Destination Earth : initiative visant à créer un jumeau numérique de la Terre) et en contribuant à la préparation de la communauté française aux prochains rapports du GIEC. Une structuration nationale dans le domaine de la formation sera également mise en œuvre, dans l’optique d’accélérer la montée en puissance de la prise en compte des enjeux climatiques dans les formations initiales et continues.

Présentation du rapport de synthèse du GIEC : focus sur des défis scientifiques possibles pour TRACCS

Après les propos d’introduction, les directeurs du programme ont cédé le pupitre à Valérie Masson-Delmotte, Vice-présidente du Groupe de travail 1 du GIEC, pour un exposé sur la synthèse du Sixième rapport GIEC, rendu public quelques jours auparavant et adopté à l’issue d’une session d’approbation tenue du 13 au 17 mars en Suisse avec les représentants des 195 pays membres du GIEC. Cette présentation des grands enjeux liés au réchauffement climatiques révélait, en miroir, les nombreux défis possibles pour le programme TRACCS. Trois grands points principaux émergent : gravité de la situation, urgence à changer d’échelle dans l’action, détermination à l’action grâce aux bénéfices connus et possibles à mettre en œuvre.

Une « communauté de préoccupations » : des synergies avec les programmes de recherche de France 2030 connexes aux sciences du climat

Bien que déployés nationalement, ces programmes transcendent non seulement les frontières géographiques par leur enjeux globalisés mais également les disciplines. Une « communauté de préoccupations » existe au sein des programmes de recherche de France 2030 investiguant les domaines scientifiques liés au climat. Complémentaires et voués à interagir, ces PEPR vont pouvoir conférer une nouvelle impulsion à la recherche française appliquée à l'action climatique.

Parmi les programmes de recherche exploratoires : FairCarboN (qui s’intéresse au cycle du carbone), OneWater (qui place les recherches sur les ressources en eau au cœur de la transition des territoires), IRiMa (sur les sciences du risque et la résilience des sociétés face aux changements globaux),  Agroécologie et numérique ou encore Numpex (sur les briques logicielles des supercalculateurs de demain) partagent des enjeux, des établissements-pilotes; des laboratoires et parfois, des outils et des résultats. « TRACCS se tient à l'interface de toutes ces démarches », a noté à ce sujet Samuel Morin.

La journée de lancement s'est clôturée sur une table ronde organisée à l'Académie du climat sur le thème de "La recherche au service de l'action climatique". Conjuguer recherche, dialogue avec les multiples entités concernées et réflexions à des solutions concrètes et communes : telles sont les grandes ambitions programmatiques de TRACCS pour les huit années à venir.

En savoir plus :

Lien vers la page du PEPR TRACCS ANR

Replay de la journée d’inauguration du programme TRACCS

Replay de la table ronde « La recherche au service de l’action climatique » à l’Académie du Climat

Interview de Masa Kageyama sur le site du CNRS : PEPR TRACCS : « Nous avons besoin de transformer nos approches et nos modèles pour faire face au changement climatique » | CNRS

Interview de Virginie Schwarz sur le site de Météo-France « TRACCS : la recherche au service de l’action climatique »

Site du programme TRACCS : PEPR TRACCS – CLIMERI-France

 

 

1 Partenaires du programme : CEA, Sorbonne Université, UVSQ-Université Paris-Saclay, Université Grenoble-Alpes, Institut de Recherche pour le Développement, Université Paris-Saclay
2 Stratégie-scientifique-de-développement-des-services-climatiques.pdf (allenvi.fr)

Last updated on 02 May 2023
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