Analyse Participative et Interdisciplinaire d’un chat de Prévention du Suicide – APIPreSui

Le projet APIPreSui (Analyse Participative et Interdisciplinaire d’un chat de Prévention du Suicide) est une recherche participative interdisciplinaire sur un dispositif numérique de prévention du suicide par chat. L’analyse est co-construite avec l’association de prévention, ses formateurs, psychologues et bénévoles d’une part, et les chercheurs en sciences du langage (sociolinguistique – analyse du discours – lexicométrie – TAL), en informatique, et en psychologie sociale, d’autre part.
Un premier volet consiste en une analyse de discours outillée des 17 ans du corpus de chat (2005-2022), en combinant approches qualitatives et quantitatives. L’analyse de la totalité du corpus dans ses caractéristiques sociolangagières et discursives a pour but de mieux comprendre le fonctionnement de ces conversations sensibles. L’exploration lexicale, énonciative et interactionnelle permettra de mettre à jour les conditions de félicité et de dysfélicité (bon/dys-fonctionnement) du discours des écoutants. Et ainsi de pouvoir proposer des pistes d’amélioration du dispositif dans son fonctionnement discursif, et dans la formation dispensée aux bénévoles. Des séminaires de travail réguliers réunissant les formateurs et bénévoles de l’association et les chercheurs permettront de travailler, par hétéro-confrontation, les différentes phases d’analyse du corpus systématiquement, en combinant mutuellement des expériences de terrain et de recherche de toute l’équipe. Le second volet est constitué d'entretiens compréhensifs et d’une enquête ethno-photographique auprès des formateurs, écoutants et appelants de l’association de prévention, et d'une enquête en ligne auprès des appelants à propos du dispositif chat. Le troisième volet concerne la diffusion et publication des connaissances co-construites par le projet sous forme d’ouvrages de valorisation et de formation, avec la participation active du tiers-veilleur, en complément des publications scientifiques envisagées.
La problématique centrale porte sur la compréhension du fonctionnement de ce dispositif d'aide, ses conditions de bon fonctionnement et de dysfonctionnement parfois, et dans quelle mesure ces conditions sont dues à l'interaction par le biais de ce discours numérique en particulier, dont les particularismes seront analysés : des comparaisons avec des corpus de mails de la même association d'aide sont prévues, ainsi qu'avec le dispositif des appels téléphoniques (ce dernier à travers les métadiscours des acteurs et les pratiques sociolangagières dans le corpus de chat, les corpus téléphoniques n'étant pas disponibles). En effet, le discours numérique se produit sans la voix, dont la prosodie peut faire défaut, dans ces contextes sensibles de grande fragilité. En même temps, cette absence d'émotivité par la voix est souvent ce qui est recherchée par les appelants, et les aide même à formuler par écrit leurs souffrances, avant de pouvoir les réaliser oralement, et ce d'autant plus que le chat relève d'un registre très formel et d'un relief conceptionnel très distant. Ce dispositif d'aide étant devenu numérique assez récemment (l'association commence en 2005), son évolution sera ainsi étudiée et modélisée en vue de participation à la formation des écoutants, car l'interaction sur un chat de prévention, en contexte sensible, demande à être finement comprise et transmise, en tant que genre discursif à part entière.
Les rencontres, animées par un tiers-veilleur, avec les formateurs et les appelants s'organiseront sur une période de deux ans par ateliers d'analyse et d'hétéro-confrontation pour assurer de façon intense l'apprentissage mutuel qui s'est tissé depuis déjà 4 ans entre les pratiquants et les chercheurs.
Ces analyses des conditions de traitement d’appels provenant de personnes en détresse portent des enjeux très concrets pour la vie quotidienne de ces personnes et de leurs proches, en France et ailleurs, et pourront constituer un laboratoire de la prévention du suicide par chat.