CE27 - Études du passé, patrimoines, cultures

Dictionnaires sino-européens: manuscrits lexicographiques pour l'étude historique des échanges entre la Chine et l'Europe (fin du XVIe s.-début du XIXe s.) – ChEDiL

Les dictionnaires sino-européens, sources pour l’histoire des langues, des pratiques savantes et des circulations transcontinentales

Étude interdisciplinaire des manuscrits lexicographiques conservés en Europe pour contribuer à l’histoire des échanges entre la Chine et l'Europe (fin du XVIe s.-début du XIXe s.)

Pour une étude ‘globale’ des dictionnaires sino-européens

Ce projet se concentre sur un corpus de dictionnaires sino-européens (fin du XVIe - début du XIXe siècle), conservés sous forme manuscrite, qui ont joué un rôle clé dans la circulation des connaissances entre la Chine et l'Europe. Les dictionnaires sont des objets emblématiques de la mondialisation et des artefacts complexes de rencontres interculturelles réelles, compilés le plus souvent par des missionnaires occidentaux, avec l'aide d'intermédiaires autochtones, malheureusement anonymes dans la plupart des cas ; plus tard, ils ont été collectés, copiés ou élaborés par des savants et universitaires et ils éclairent ainsi l'origine des études sur la Chine en Europe. Ils soulèvent de nombreuses questions concernant leur compilation, telles que les continuités ou les divergences entre les différentes copies, entre les dictionnaires et d'autres outils linguistiques, ainsi que leur relation avec la lexicographie chinoise traditionnelle. Ils représentent un corpus linguistique et philologique important mais peu étudié. En tant que manuscrits, ils offrent la possibilité d'étudier des pratiques scripturales différentes et ‘hybrides’. Les dictionnaires ont contribué à la connaissance et au discours savant sur la Chine au fil du temps, et révèlent ainsi de nombreux aspects inexplorés des rencontres et des échanges entre l'Europe et la Chine, dans le passé mais aussi dans le présent, car ils permettent d'étudier la culture chinoise et de réfléchir à la manière dont les Européens ont élaboré leurs représentations de la Chine, ce qui influence en partie le discours actuel sur et avec ce pays. Malgré leur potentiel, ces dictionnaires sont restés relativement peu exploités : ChEDiL contribue donc à la préservation d'une partie importante du patrimoine culturel européen, témoin des relations sino-européennes au fil du temps. <br />Les chercheurs impliqués dans le projet ont, chacun selon ses compétences disciplinaires, l’objectif d’étudier ces documents, avec des contributions qui porteront sur l’histoire de la linguistique et la linguistique historique, l’histoire de la circulation des savoirs entre la Chine et l’Europe, la lexicographie chinoise et les terminologies propres à différents domaines, telles les sciences et les techniques, ou les religions, dans une perspective historique. Il s’agira aussi de développer des outils–qu’il s’agisse de systèmes informatiques aidant à leur transcription ou de bases de données et de collections d’images disponibles pour d’autres chercheurs–, qui permettront d’autres recherches sur ces mêmes dictionnaires ou sur des dictionnaires comparables.

Le projet rassemble une vingtaine de participants, réunis pour une approche collective et multidisciplinaire. La complexité des documents et leur conservation imposent cette approche ; ces facteurs expliquent aussi pourquoi les éditions critiques des dictionnaires anciens sont rarissimes et les travaux peu nombreux. D’une part les dictionnaires sont des documents complexes, difficilement maîtrisables par un chercheur isolé, en raison des compétences multiples mobilisées ; à cela s’ajoute la taille imposante qui les caractérise. D’autre part, certains dictionnaires ont des liens, plus ou moins étroits, avec des compilations préexistantes, mais leur conservation dans des bibliothèques différentes, parfois dans des fonds non catalogués, rend l'étude comparée des originaux difficile. La collaboration de chercheurs formés à différents domaines de l’histoire et de la linguistique, ainsi que des spécialistes d’intelligence artificielle et des humanités numériques, s’est imposée ainsi comme une condition nécessaire au traitement de l’ensemble des problématiques exposées plus haut.
L'étude des contenus sous forme dématérialisée et numérisée (ce qui implique dès le départ, de rassembler les versions numériques des dictionnaires) sera combinée à l’analyse des originaux, puisque la codicologie de ces ouvrages hybrides nécessite d'être développée. Les dictionnaires doivent être étudiés de manière comparée et partiellement transcrits, manuellement ou à l'aide de l’HTR. Ce traitement informatique doit s’adapter à la complexité du dictionnaire, avec un contenu tabulaire et multi-scriptural, parfois avec des suppléments présentant des mises en page particulières. Comme ces dictionnaires peuvent être considérés comme le résultat d'interactions entre les traditions lexicographiques occidentales et chinoises, ils seront étudiés au niveau de la macrostructure (par exemple, le choix de caractères chinois pour les entrées, la disposition des lemmes) ainsi qu'au niveau de la microstructure (par ex., les entrées contenant des citations ou s'inspirant de sources identifiées), le tout étant analysé de manière diachronique dans le contexte de l'histoire de la linguistique missionnaire. Les différents systèmes utilisés pour transcrire les sons en lettres latines seront aussi étudiés, ce qui constituera des apports substantiels à l’histoire de la phonologie et à la phonologie diachronique.
Sur la base des éléments réunis dans la base de données construite à cet effet, et des matériaux complémentaires propres à chaque discipline, les chercheurs participant au projet mèneront des études historiques conjointes sur leurs sous-domaines et thèmes spécifiques (histoire des savoirs, des techniques, de la botanique, histoire des religions et des missions, etc.). Ce socle commun permettra ensuite aux chercheurs de développer des travaux plus fins et spécifiques qui alimenteront l'enseignement, des communications dans des colloques et des publications.

Résultats : base de données et site web, publications académiques, éditions critiques, enseignements.
Le projet ChEDiL comprend le développement d’une base de données et un site web en libre accès pour faciliter les comparaisons entre les manuscrits dispersés dans différentes bibliothèques et permettre des recherches croisées sur les métadonnées ainsi que sur le contenu des entrées des dictionnaires. En utilisant les standards du web pour décrire les informations, l'ontologie et le thésaurus développés serviront de bases pour d'autres études dans le domaine. Les programmes élaborés pour permettre l’extraction et le traitement des données seront réalisés en open-source, et partagés via GitLab pour servir à d'autres projets nécessitant des transcriptions assistées de différentes écritures, ou concernant des dictionnaires ou d'autres documents tabulés. Parallèlement, les chercheurs élaboreront des éditions critiques d'au moins trois dictionnaires de manuscrits sino-européens, et des volumes collectifs liés aux conférences internationales organisées dans le cadre du projet : deux colloques (l'un sur la linguistique, l'autre sur la terminologie, l'histoire conceptuelle et l'histoire des religions et des missions) ; des ateliers sur l'histoire culturelle et la circulation des savoirs, les particularités codicologiques et l'intelligence artificielle et les humanités numériques. Nombre de chercheurs impliqués dans le projet enseignent actuellement : des séminaires liés au projet ChEDiL seront proposés aux étudiants, afin de permettre concrètement la pérennisation de la recherche dans le domaine.

Cette étude exploratoire fondée sur la collaboration de chercheurs de divers domaines constitue un premier jalon d’une étude multidisciplinaire sur ces objets linguistiques que sont les dictionnaires, étude qui pourrait être étendue à d’autres périodes (jusqu’à la fin de l’époque impériale notamment) et/ou à d’autres types de sources/supports. Elle pourrait donc être prolongée par une étude sur les outils multilingues d’après 1830, quand les étrangers finissent par entrer sur le territoire de l'empire des Qing, ou sur les terminologies d'origine occidentale qui arrivent au tournant du XXe siècle, en même temps que les techniques d'imprimerie occidentale qui aboutiront à une nouvelle forme de reproduction et de distribution, ainsi qu‘à d’autres formats pour les dictionnaires qui, rappelons-le, dans le cadre de ChEDiL sont des manuscrits. On peut aussi envisager une ouverture vers d'autres espaces géographiques : certains de ces espaces sont bien connus dans les études interrégionales sur l'Asie de l'Est, par exemple tous les pays qui utilisent ou qui ont fait usage des caractères chinois ; d'autres s'expliquent par la géopolitique de la période moderne ou coloniale, ainsi que par la présence des missions d'ordre différentes, par exemple en Inde ou dans les Philippines, qui partagent les mêmes outils linguistiques (ou non).
ChEDiL est aussi en phase avec d'autres projets en cours de lancement en France pour l'application de l'HTR aux langues asiatiques et notamment au chinois ; il faudra affronter des problèmes spécifiques à la nature multilingue et tabulaire des documents seront affrontés : toutes ces recherches différentes sont potentiellement destinées à fusionner dans des projets communs, pour le traitement des langues étrangères, rares ou anciennes via l’HTR, quelles que soient les caractéristiques des supports d'origine.

En cours

Ce projet, qui étudie des dictionnaires chinois européens manuscrits (fin du XVIe s.- début du XIXe s.), se situe à la croisée de l'histoire culturelle, de l'histoire de la linguistique et des humanités numériques. D'abord compilés par des missionnaires, souvent en collaboration avec des Chinois restés anonymes, puis détenus par des érudits en Europe, ces dictionnaires ont joué un rôle essentiel dans la circulation des savoirs entre la Chine et l'Europe et représentent les premiers outils dans la constitution de la sinologie européenne. Ces manuscrits seront étudiés non seulement en tant que matériaux linguistiques, mais aussi en tant qu'objets de la mondialisation en cours et qu’artefacts complexes, où se sont concrètement rencontrées différentes cultures. Ces dictionnaires sont dispersés dans des institutions de différents pays : on en compilera un répertoire, tout en analysant leur matérialité et en collectant des informations sur leur circulation. Ils seront aussi étudiés en tant qu'outils linguistiques et didactiques, ce qui permettra d'apporter un éclairage nouveau sur l'histoire de la linguistique et sur l'apprentissage des langues. Par ailleurs, les entrées des dictionnaires seront prises en compte en tant que sources d'information sur l'histoire culturelle, intellectuelle et politique, ainsi que sur l’histoire des missions et sur la circulation des savoirs entre la Chine et l'Europe. Le projet prévoit la constitution d'une base de données, obtenue par numérisation de manuscrits, OCR, transcription assistée par ordinateur et transcription manuelle. Cette base de données en libre accès sera conçue comme une archive destinée à servir d'outil de référence pour les chercheurs. Les membres du projet étudieront donc sous différents angles ce corpus manuscrit volumineux, varié et peu étudié, pour produire des études monographiques dans leurs domaines d'expertise et collaborer à l'élaboration d'éditions critiques des dictionnaires manuscrits les plus importants.

Coordination du projet

Michela BUSSOTTI (Ecole française d'Extrême-Orient)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

Boston University
RESO Recherches sur les Suds et les Orients
EFEO Ecole française d'Extrême-Orient
CAK Centre Alexandre Koyre
CRLAO Centre de recherches linguistiques sur l'asie orientale
Utrecht University, Faculty of Humanities
Università degli Studi di Bergamo
HTL Histoire des Théories Linguistiques
LIRIS UMR 5205 - LABORATOIRE D'INFORMATIQUE EN IMAGE ET SYSTEMES D'INFORMATION
CCJ Chine, Corée, Japon

Aide de l'ANR 539 651 euros
Début et durée du projet scientifique : novembre 2023 - 48 Mois

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