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De la crise sanitaire à la crise politique ? Enquête sur les processus de politisation dans la France frappée par l’épidémie de COVID-19 – COVIPOL

De la crise sanitaire à la crise politique ? Enquête sur les processus de politisation dans la France frappée par l’épidémie de Covid-19.

En quel sens la crise sanitaire provoquée par la Covid-19, affecte-t-elle les attitudes politiques des citoyens et leur rapport au vote et à la démocratie ? La visée générale de ce projet est de contribuer à une meilleure compréhension de la manière dont les crises changent les attitudes politiques à travers l’analyse des processus de politisation liés à la crise sanitaire actuelle. Il part de l’hypothèse que le travail est un espace central de socialisation à la politique.

D’une crise sanitaire à une crise politique : pour une sociologie des processus de politisation.

En nous fondant sur le constat, bien établi par la sociologie électorale, selon lequel la profession est l’une des variables statistiques les plus prédictives du comportement de vote, nous étudierons ces processus de politisation en les observant dans une diversité raisonnée de milieux professionnels (n = 10). L’enquête, prévue sur une durée de 12 mois, sera ainsi comparative. L’hypothèse que nous formulons est que la pandémie et ses effets accentuent et accélèrent certains des processus de politisation qui sont déjà à l’œuvre dans la société française et qu’ils en ralentissent et affaiblissent d’autres. À cet égard, alors que d’importantes échéances électorales – élections régionales en 2021, présidentielle et législatives en 2022 – sont d’actualité, il nous semble crucial de recueillir des données de première main sur la façon dont la politisation de la société française, sous l’effet de la crise sanitaire et économique, est aujourd’hui même en train d’évoluer. D’ici un an ou deux, en effet, tandis que les conséquences de cette politisation se donneront à lire électoralement, les mécanismes sociaux de sa genèse ne seront plus accessibles aux chercheurs, sinon rétrospectivement et de façon très lacunaire. L’ambition de ce projet est ainsi de recueillir aujourd’hui les données qui permettront d’étudier dans quelle mesure et de quelle manière la crise est un facteur qui modifie la perspective et les attentes politiques de la société française, considérée dans la diversité de ses composantes. Le travail consistera principalement, sur cette période de 12 mois, en la collecte, la confrontation et la pré-analyse de données qualitatives recueillies selon un protocole d’enquête commun (voir la section « méthodes/approches »). Vers la fin de la période des 12 mois, la diffusion des premiers résultats obtenus prendra la forme d’une demi-journée de restitution réunissant des acteurs étudiés, mais aussi des journalistes politiques et des membres des instituts de sondage, ainsi que d’une vidéo mettant en scène la remise en cause de certaines idées reçues sur les effets politiques de la crise. Au-delà de cette première phase, les données recueillies donneront lieu à une analyse de fond des processus de politisation en situation de crise, qui aboutira à la publication d’un livre collectif en 2022.

En premier lieu, la stratégie empirique choisie tient à la réalisation d’entretiens praxéologiques dans 10 milieux professionnels. Les terrains investis se répartissent ainsi selon quatre ensembles. Les deux premiers renvoient à la différence entre secteurs professionnels privé et public. Les seconds se structurent selon deux autres variables : des métiers manuels et des professions intellectuelles, distinction dont on connaît également l’incidence sur le rapport à la politique. Les données sont alors recueillies selon un protocole partagé et transposable, afin de rendre justice à l’ancrage social de la formation des attitudes politiques, et d’apporter, un éclairage proprement sociologique sur les processus de politisation qui émergent dans ces différents milieux professionnels. Pour chacun de ces milieux, nous aborderons les métiers et les fonctions qui en composent la structure interne (en particulier l’organisation hiérarchique, mais aussi les formes de représentation internes – via par exemple les syndicats). La grille d’entretien partagée est composée de grands thèmes sur l’organisation du travail et son évolution pendant la crise. Elle vise aussi à saisir les explications que les acteurs produisent quant aux problèmes qu’ils ont rencontrés et continuent d’affronter, les conduisant parfois à responsabiliser des personnes, des entités non humaines ou collectives, sur la base de la formulation d’un point de vue général sur ce que devrait être le devenir la société depuis le point de vue de l’État. Cette enquête centrée sur les processus de politisation implique de décrire la manière dont les acteurs cherchent à « fonder » leurs analyses et leurs connaissances sur ces problèmes, que ce soit sur des intuitions et des expériences pratiques, des preuves réputées « objectives » ou encore l’autorité de certains pairs ou de certaines sources d’information. À cet égard, nous accordons une importance particulière au fait de comprendre si, au cours de ce travail interprétatif, ils se trouvent contredits au sein de leur milieu professionnel (ainsi que dans d’autres cercles) ou au contraire confortés et encouragés, et comment d’éventuels désaccords sont gérés. Il s’agit ainsi d’identifier les différentes étapes des processus de politisation, mais aussi leurs moments de blocages et de ralentissement, voire d’évitement du politique. Au premier décembre, 64 entretiens semi-directifs ont ainsi été réalisés, sur 160 prévus.
En second lieu, l’approche par entretiens est complétée par un recueil des conversations sur les réseaux sociaux, de prises de paroles publiques et de productions médiatiques sur les différents milieux professionnels étudiés.
En troisième lieu, nous récoltons des statistiques sur la structuration de ces professions et celles produites plus récemment sur les transformations de leur organisation des suites de la crise.

La première année de réalisation de cette ANR est consacrée à la récolte des données dans les différentes professions étudiées. Ainsi, il est trop tôt pour rendre compte de résultats pleinement consolidés.
Toutefois, les données déjà récoltées et les analyses initiées collectivement nous ont d’ores et déjà permis d’identifier les opérations et opérateurs de la politisation durant la crise, et dans différents milieux professionnels.
Cette identification est encourageante pour la suite car elle laisse entrevoir la fertilité du type d’entretien semi-directif que nous pratiquons (entretien dit « praxéologique »). En effet, si ces premières pistes devront être mises à l’épreuve par une analyse systématique de l’ensemble des entretiens, nous avons déjà pu relever leur pertinence pour aborder la politisation comme un processus qui prend forme dans les pratiques quotidiennes de travail des acteurs. Plus encore, nous avons déjà la possibilité d’identifier des hypothèses de travail ce qui est susceptible de favoriser ou au contraire d’entraver ce processus de politisation dans les professions étudiées.
Ces hypothèses seront éprouvées non seulement par les entretiens réalisés, mais aussi par les autres données récoltées. En effet, afin de généraliser les résultats proposés, il est essentiel de s’appuyer sur un ensemble de statistiques relatives à la structuration des différents milieux professionnels étudiés et leurs places respectives dans la société française. Nous avons, sur ce point, pu constater qu’il était difficile de trouver des données statistiques précises liant milieux professionnels étudiés et pratiques politiques. Aussi, nous sommes en train de mettre en place une journée d’étude pour le printemps 2022. Cette journée aura ainsi pour objectif de réfléchir ensemble à la manière de mesurer les effets de la politisation dans la profession sur les pratiques électorales et, ainsi, proposer une approche renouvelée de la sociologie électorale.

L’enquête étant encore en cours de réalisation, nous n’avons pas eu l’occasion de formaliser des productions scientifiques évaluées par des pairs.
Toutefois, nous avons déjà élaboré un programme de diffusion des résultats. Celui-ci compte, notamment :
- Une journée d’étude visant à formaliser les apports de notre enquête à une sociologie électorale (début 2022).
- Une demi-journée de restitution qui permettra de rendre compte des premiers résultats, notamment aux différents professionnels rencontrés (mi 2022).
- Une vidéo visant à diffuser plus largement au grand public les premières analyses (mi 2022).
- Un ouvrage scientifique collectif restituant les travaux dans le milieu académique (fin 2022).

En quel sens la crise inséparablement sanitaire, économique et sociale provoquée par la Covid-19, est-elle en train d’affecter les attitudes politiques des citoyens et leur rapport au vote et à la démocratie ? Il est à parier que cette question sera au centre des interrogations des médias et des partis politiques lors des prochaines élections nationales françaises, prévues en 2022. Conscients, cependant, qu’elle risque de l’être alors surtout sur le mode des impressions subjectives et de l’illusion rétrospective, nous proposons de mener une enquête de terrain dont l’objet est de mieux comprendre les processus de politisation liés à la crise au moment même où ils seront en train de transformer – y compris encore souterrainement – les attitudes politiques des Français, c’est-à-dire au cours des tout prochains mois.
En nous fondant sur le constat, bien établi par la sociologie électorale, selon lequel la profession est l’une des variables statistiques les plus prédictives du comportement de vote, nous étudierons ces processus de politisation en les observant dans une diversité raisonnée de milieux professionnels (n = 16). L’enquête, prévue sur une durée de 12 mois, sera ainsi tout à la fois ethnographique et comparative. Son intérêt comme sa faisabilité reposent sur trois éléments clefs, qui garantissent qu’elle pourra commencer aussitôt le financement perçu.
En premier lieu, les milieux professionnels envisagés seront étudiés par les membres de l’équipe dans le prolongement d’enquêtes déjà réalisées ou débutées depuis plusieurs mois (sur la base d’autres thématiques que celle de ce projet mais avec un même intérêt méthodologique pour les pratiques interprétatives des acteurs). L’immersion au long cours dans ces milieux professionnels offre la certitude de pouvoir procéder rapidement à des observations et à un recueil de données pertinents et de mieux faire apparaître ce que la crise actuelle change dans les pratiques et les raisonnements des acteurs.
En second lieu, les 16 milieux professionnels considérés renvoient à des distinctions, caractéristiques de la structuration de la société française, dont on connaît au plan statistique l’incidence forte sur le comportement électoral : celle, d’une part, entre secteur privé et secteur public et celle, d’autre part, entre travail manuel et travail intellectuel. Ces oppositions structurantes, en assurant les conditions d’une enquête comparative, permettront d’ordonnancer le « tableau politique de la société française » que nous serons amenés à esquisser.
En dernier lieu, les chercheur·e·s de l’équipe, étant toutes et tous membres d’un même laboratoire de recherche, partagent un grand nombre d’orientations méthodologiques et théoriques et ont l’habitude de travailler ensemble et de se coordonner au sein, notamment, d’ateliers mensuels qui les réunissent depuis plusieurs années et assurent leur socialisation scientifique commune. La dimension collective de l’enquête s’en trouvera grandement facilitée.
Le travail consistera principalement, sur cette période de 12 mois, en la collecte, la confrontation et la pré-analyse de données qualitatives (observations in situ, entretiens [n = 160], corpus de documents professionnels et de conversations entre professionnels sur les réseaux sociaux) recueillis selon un protocole d’enquête commun. Vers la fin de la période des 12 mois, la diffusion des premiers résultats obtenus prendra la forme d’une demi-journée de restitution réunissant des acteurs étudiés mais aussi des journalistes politiques et des membres des instituts de sondage, ainsi que d’une vidéo mettant en scène la remise en cause de certaines idées reçues sur les effets politiques de la crise. Au-delà de cette première phase, les données recueillies donneront lieu à une analyse de fond des processus de politisation en situation de crise, qui aboutira à la publication d’un livre collectif en 2022.

Coordination du projet

Cyril Lemieux (Laboratoire Interdisciplinaire d’Études sur les Réflexivités - Fonds Yann Thomas)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

LIER-FYT Laboratoire Interdisciplinaire d’Études sur les Réflexivités - Fonds Yann Thomas

Aide de l'ANR 153 311 euros
Début et durée du projet scientifique : février 2021 - 12 Mois

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