Ce projet a pour objectif d’analyser, dans une perspective comparée et transnationale, la construction de « la vérité électorale » » comme un accord publiquement exprimé sur les règles de la compétition politique et partant, l’acceptation des résultats des élections. En effet, les dénonciations de fraudes sont au cœur de la compétition politique dans de nombreux pays et les questionnements sur la validité des scrutins au cœur de légitimité démocratique : malgré le rôle croissant d’experts navigant d’ONG en organisations internationales, et alors même que les élections n’ont jamais été aussi technicisées et contrôlées, elles apparaissent de plus en plus contestées. Ce paradoxe est au cœur de l’intrigue théorique de ce projet. Notre questionnement comparatif sera abordé depuis des terrains à conflictualité de long court (États-Unis, Mexique, Kenya) et des terrains à conflictualité plus récente (Égypte, Turquie, Ouganda). Un accent sera aussi mis sur la circulation de normes.
Notre première hypothèse découle de ce paradoxe : selon des logiques tantôt de coopération, tantôt de concurrence, les multiples acteurs participant à l’organisation et au contrôle des élections – partis, bureaucraties électorales, experts nationaux et internationaux, juges – contribuent souvent à mettre en doute la robustesse des résultats. Se considérant comme les « gardiens de la démocratie », ils se constituent en professionnels de la dénonciation de la déviance électorale. Ils sont également porteurs de visions concurrentes – techniques et morales - de ce qu’est une « bonne élection ». Ce faisant, ces multiples acteurs contribuent à saper la crédibilité de l’élection à travers la remise en cause permanente de ce mécanisme essentiel de légitimation démocratique.
La seconde hypothèse porte sur la circulation de normes et de pratiques en matière électorale : certains pays à conflictualité électorale longue ont été parties prenantes de la construction d’un milieu d’experts internationaux – c’est par exemple le cas du Mexique. Par ailleurs, certaines technologies électorales (identification biométrique, e-vote, machines à voter, transmission électronique des résultats…) sont développées et commercialisées par des entreprises privées et étrangères, et donc soumises à des logiques marchandes et de transaction parfois corruptive. S’articulent ainsi des logiques de circulation et de diffusion répondant à divers investissements, qui placent la question de la matérialité électorale au cœur de l’expertise démocratique internationale. La construction sociale de la « transparence électorale » est alors au cœur d’un débat technologique et expert, porté par des intérêts divers.
A rebours de cette hyper professionnalisation de l’acte électoral, la troisième hypothèse renvoie à une forme de vernacularisation de l’élection : des groupes affinitaires, mais aussi des groupes porteurs d’intérêts divers faisant du marketing ciblé (targeting politique), se saisissent des enjeux électoraux, alimentent des controverses, et parfois produisent des vérités alternatives et les diffusent largement, notamment sur les réseaux sociaux. Ces contestations et la production de ces vérités alternatives ne se font pas uniquement selon des logiques partisanes, mais répondent à des logiques souvent plus complexes, qui constitueront l’un des axes d’investigation du projet.
Madame Hélène Combes (Centre de Recherches Internationales)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Sciences Po CERI Centre de Recherches Internationales
IMAf Institut des mondes africains
Aide de l'ANR 271 025 euros
Début et durée du projet scientifique :
décembre 2021
- 42 Mois