Compter en situation coloniale. L'Afrique française (1830-1962) – COCOLE
Compter en situation coloniale. Afrique française (1830-1960)
Croisant les approches disciplinaires, le projet étudie la production des statistiques dans plusieurs territoires africains de l’ex-empire français. Il cherche à éclairer le jeu des acteurs qui produisent et utilisent ces indicateurs et l’impact de l’expérience coloniale sur leur fabrication.
Enjeux de la fabrication des conventions statistiques et comptables
En nous arrêtant aux matériaux bruts, aux coulisses des enquêtes et à leur fabrication nous entendons montrer combien le chiffre est structurant, comment il classe, hiérarchise et exclut au risque bien souvent d'approximations qui entretiennent l’illusion d’un savoir-pouvoir chez les titulaires du pouvoir. L’enquête vise à mieux comprendre ce que compter veut dire et à interpréter les conventions statistiques et comptables qui participent aux processus de la colonisation et, c'est l'ouverture du projet en cours, de la décolonisation.<br /><br />La recherche poursuit six objectifs : 1) Savoir ce que les chiffres nous apprennent de la relation coloniale ; 2) Préciser en quoi ils contribuent à une certaine connaissance des territoires, ainsi qu’à leur organisation, à leur « mise en valeur », à la répartition de leurs richesses et à leur inscription dans la hiérarchie économique et financière mondiale ; 3) Détailler le rôle des producteurs et des prescripteurs de chiffres en métropole et dans les colonies (échelons administratifs, entreprises et banques coloniales, corps de contrôle, enquêteurs et « enquêtés »), montrer comment ces derniers construisent ces données et expliquer les enjeux, les tensions et les limites de leur collaboration ; 4) Analyser l’impact de la production et de la diffusion des chiffres et des classifications qu’ils introduisent en métropole et dans l’Afrique colonisée ; 5) Offrir à la communauté scientifique un inventaire des archives et de la documentation disponibles en France et en Afrique francophone sur la façon de compter en situation coloniale ; 6) Comprendre les mécanismes de la transmission de l’information sur l’Afrique colonisée à différentes échelles (internationale, fédérale, étatique, régionale, entreprise, inter-individuelle). Une attention particulière sera portée à la contribution des colonisés à la fabrication des données. Il s’agit à la fois de mieux comprendre ce que compter veut dire, d’interpréter les conventions statistiques et comptables en situation coloniale, de montrer comment et en quoi l’empire des nombres éclaire le processus de colonisation, comment il y contribue et comment il participe aussi au « colonial gaze », au prisme déformant et déformé que les administrations ont des territoires colonisés, et plus largement de leur propre pouvoir.
Centrée sur l’empire français en Afrique, notre démarche viendra nourrir les recherches internationales sur l’histoire des statistiques et des pratiques comptables en mobilisant la documentation et les archives des anciennes colonies (comme celles de l’AOF conservées par exemple aux Archives nationales (AN) du Sénégal et aux ANOM et celles des administrations et des entreprises coloniales conservées en France). L’équipe sera sensible aux approches croisées et aux expériences des autres empires, dont les spécialistes seront invités aux séminaires annuels du consortium, et elle communiquera autant que possible dans des congrès internationaux. Notre approche des statistiques officielles (Axe 1) et du travail (Axe 3) produites par les administrations de métropole et des colonies et celle des chiffres privés, banques et institutions financières (Axe 2) et milieux économiques (Axe 4) est à la fois pluridisciplinaire et critique. Elle produira quelques études de cas (Algérie, AOF et futur Sénégal, Madagascar, Tunisie), un inventaire de l’ensemble des ressources archivistiques et documentaires mobilisées par le projet (Axe 2) et un inventaire de la documentation statistique et comptable des milieux coloniaux (Axe 4) mobilisés par le projet, une base de données des prix de revient de deux produits coloniaux emblématiques de l’exploitation coloniale (caoutchouc et phosphates) (Axe 4), l’amorce d’une base de données des bilans agrégés des plus grandes banques (Axe 2), et la formation d’un réseau de correspondants, jeunes chercheurs (masters et doctorants), archivistes et documentalistes en France, Europe et Afrique francophone. Ce projet est une étape vers une étude plus large qui reste à mener sur les chiffres des empires, dans une perspective comparative et transnationale.
A ce jour intérêt manifeste de nombreux collègues en Afrique francophone pour le projet et qui participent à l'International Research Network financé par le CNRS INSHS. Des manifestations communes (colloques et séminaires, écoles d'été et d'hiver) sont en cours d'organisation.
Manifestations collectives:
1 séminaire annuel
1 journée d'études aux ANOM (Aix-en-Provence)
Une ambition d'histoire connectée puisque le projet entend inciter au développement des recherches sur les statistiques et les comptabilités des autres empires et ex-empires et à leur rôle dans les transitions.
Manifestation:
A colloque de mi parcours en collaboration avec l'IGPDE Paris Bercy septembre 2024
Compter en situation coloniale.
Croisant les approches disciplinaires et les échelles d’analyse, le projet étudie la production des statistiques dans les territoires africains de l’empire français, du début du XIXe siècle aux indépendances des années 1960. Il informe à la fois sur la gouvernance coloniale et ses transformations et sur les rapports de force et les inégalités qu’elle véhicule ; il éclaire le jeu des acteurs, publics et privés, colonisateurs et colonisés, qui, en métropole et dans les territoires utilisent ces indicateurs, participent à leur production ou bien refusent d’y contribuer. Plus largement, et même si elle s’arrête aux statistiques économiques (activité, production, prix, travail), l’enquête éclaire à la fois l’empire des chiffres en colonie et l’impact de l’expérience coloniale sur la production des statistiques. En reconstituant l’histoire institutionnelle, sociale et intellectuelle de leur production, en s’arrêtant aux matériaux bruts, aux coulisses des enquêtes et à la construction des catégories statistiques nous entendons montrer combien le chiffre est structurant, comment il fait lien et comment, en classant, il hiérarchise et exclut. Il s’agit ainsi de préciser en quoi le fait de compter, de tenir des comptes si l’on est producteur ou de fabriquer des statistiques si l’on est administrateur, est une manifestation du pouvoir.
L’enquête informera plus avant sur les spécificités du gouvernement en situation coloniale, en soulignant les formes d’autonomie des acteurs présents sur le terrain, les tensions qui les opposent, et en précisant si – et comment – les statistiques ont pu constituer une « technologie de la distance ». Nos travaux interrogeront également les inévitables approximations, dissimulées sous la rigueur du nombre, qui entretiennent l’illusion d’un savoir-pouvoir chez les administrateurs et dans les milieux économiques coloniaux, participant au « colonial gaze », au prisme déformant et déformé que les administrations ont des territoires colonisés, et plus largement de leur propre pouvoir. Au bout du compte, l’enquête permettra de mieux comprendre ce que compter veut dire, d’interpréter les conventions statistiques et comptables en situation coloniale, et de montrer comment et en quoi l’empire des nombres éclaire le processus de colonisation.
Coordination du projet
Béatrice TOUCHELAY (UMR 8529 - Institut de Recherches Historiques du Septentrion)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenaire
Université de Genève Université de Genève / Unité d'histoire contemporaine
CESSMA CESSMA UMR 245 Université de Paris/INALCO/IRD
TELEMMe Temps, espaces, langages europe méridionale méditerranée
Université de Cocody Université de Cocody, département d'histoire
CESDIP CESDIP UMR 8183 Univ. Versailles St-Quentin/ Ministère de la Justice/ CY Cergy Paris Univ.
IDHE.s Paris Nanterre Institutions et Dynamiques Historiques de l'Economie et de la Société
IRHiS UMR 8529 - Institut de Recherches Historiques du Septentrion
IDHE.s Panthéon Sorbonne Paris 1 Institutions et Dynamiques Historiques de l'Economie et de la Société
Freie Universität Berlin Freie Universität Berlin Centre Marc Bloch Berlin USR 3130/Pacte (Grenoble) UMR 5194
CLERSÉ CLERSÉ UMR 8019
IMAF IMAF UMR 8171 Aix-en-Provence
DRM DRM UMR 7088 Univ. Paris Dauphine
Aide de l'ANR 386 263 euros
Début et durée du projet scientifique :
octobre 2021
- 48 Mois