L’amiante comme problème d’État : responsabilités publiques, santé au travail et mobilisations dans la fonction publique – AmiEtat
L’exposition des agents de la fonction publique aux matériaux toxiques constitue un impensé pour les sciences sociales en France et en Europe plus généralement. Le projet AmiÉtat étudie la construction du problème public de l’amiante dans la FPE, des années 1970 à nos jours, en s’intéressant de concert aux mobilisations professionnelles, à l’évolution des régulations étatiques, et aux controverses expertes qui traversent les institutions nationales et européennes sur ce sujet. À partir de l’affaire du « Tripode », bâtiment emblématique de la décentralisation administrative construit à Nantes en 1971 et ayant regroupé près de 2000 agents – majoritairement des femmes – relevant de trois tutelles administratives (Affaires étrangères, Finances publiques et INSEE), ce projet éclaire la triple responsabilité de l’État, comme législateur, régulateur et employeur, en matière de prévention et de reconnaissance des maladies liées à des contaminations professionnelles.
Parce qu’il ouvre une fenêtre d’étude sur l’évolution de la réglementation applicable à la fonction publique ainsi que la mutation des outils de surveillance sanitaire sur le risque-amiante depuis quatre décennies, AmiÉtat dialogue avec trois principaux champs de la production scientifique : 1/Il éclaire l’histoire de la construction d'un gouvernement des toxiques différencié selon le secteur d’activité (privé ou public) ; 2/ il contribue à enrichir les études de sciences sociales portant sur la construction de savoirs de santé et sur la fabrique de l’ignorance des risques ; 3/ Il comble un angle mort scientifique que constitue la santé au travail dans le secteur public, tout en offrant, au prisme du genre, un regard renouvelé sur les processus de « modernisation » de l’État.
La recherche se fonde sur une année d’enquête exploratoire qui garantit sa faisabilité, permet d’identifier les risques et de constituer une équipe de recherche opérationnelle. L’organisation de l’enquête présente trois principales caractéristiques.
En premier lieu, l’étude multiscalaire propose une articulation des échelles fondée sur les renouvellements proposés par la microhistoire globale. Si le point de départ se trouve dans la mobilisation menée par des agents exposés à l’amiante au Tripode, l’enquête permet d’éclairer l’importance que revêt ce bâtiment dans l’évolution de la réglementation nationale applicable à la fonction publique, ainsi que les circulations transnationales d’expertises qui rendent possible cette mobilisation.
En deuxième lieu, AmiÉtat articule un travail sur des archives inédites à une enquête par entretiens semi-directifs. Plus d’une centaine d’entretiens seront réalisés auprès d’anciens agents exposés à l’amiante, mais aussi auprès de hauts fonctionnaires qui furent concernés par la gestion du risque-amiante dans la fonction publique, d’élus politiques et de médecins ou de scientifiques. Ces entretiens seront transcrits, archivés et rendus accessibles au public au Centre d’histoire du travail (Nantes). La consultation des archives écrites débutera par les fonds déposés par l’intersyndicale nantaise. Les archives publiques départementales et nationales permettront de rendre compte du rôle des Instances représentatives du personnel dans la perception du risque amiante au sein des administrations concernées. Enfin, les correspondances entretenues par les agents nantais avec les chercheurs en médecine et épidémiologie permettront non seulement de reconstituer les circulations d’expertises, mais également d’éclairer le rôle des institutions européennes dans la réflexion sur le risque amiante dans le secteur public.
En dernier lieu, AmiEtat mobilise une équipe pluridisciplinaire (histoire, sociologie, science politique) cohérente avec l’objet et la méthodologie proposée. Les membres du projet disposent d’une habitude de travail, d’une connaissance des terrains et des méthodologies d’enquête que cette recherche permettra de consolider.
Coordinateur du projet
Monsieur Renaud Bécot (Renaud Bécot)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenaire
PACTE - IEPG Renaud Bécot
CHT Centre d'Histoire du Travail
Aide de l'ANR 265 067 euros
Début et durée du projet scientifique :
- 36 Mois