Valorisation biotechnologique des micromycètes pour la bioremédiation environnementale – MicGIVER
L’intérêt des champignons dans la dépollution naturelle des sols et sites contaminés
Le projet Mic GIVER vise à explorer le potentiel de bioremédiation de champignons microscopiques sur 4 groupes de polluants emblématiques des activités humaines. Après avoir criblé les activités de biodégradation et/ou la production de métabolites d'intérêt, le potentiel de décontamination de ces champignons sera évalué à l'aide de tests de biostimulation et de bioaugmentation in situ.
Evaluation des capacités de souches de champignons à dégrader des polluants organiques
L'objectif du projet Mic GIVER est d'explorer le potentiel biotechnologique des micromycètes pour la bioremédiation in situ de 4 groupes de HNS (Hazardous and Noxious Substances) variés mais emblématiques : Glyphosate et AMPA, acide picrique, pétrole brut, cires. Ces SNPD représentent une menace persistante pour l'environnement, soit directement, soit par l'intermédiaire de leurs sous-produits de dégradation. Un polluant nécessite des méthodes de dépollution spécifiques qui dépendent de la durée de vie individuelle, des propriétés physico-chimiques inhérentes et de leur comportement dans l'environnement touché. La bioremédiation est une méthode de dépollution écologique qui utilise des organismes vivants naturels ou issus de la biotechnologie, sélectionnés pour leur capacité à dégrader, transformer et/ou accumuler les SNPD in situ. Ces organismes sont capables de se développer en utilisant les composés toxiques comme sources de carbone et d'énergie, par co-métabolisme ou en changeant leur état organique ou oxydatif en un état moins dangereux et plus biodisponible (par exemple, solubilité dans l'eau, spéciation des métaux...). La bioremédiation peut être utilisée lorsque le taux d'atténuation naturelle des polluants est trop faible ou trop lent. Les plantes, les champignons et les bactéries se sont révélés capables de décontaminer partiellement ou totalement des environnements fortement contaminés (par exemple par des métaux lourds ou des marées noires). La bioremédiation peut être réalisée selon deux stratégies : in situ, directement sur le site pollué, ou ex situ, en récoltant la matrice polluée (par exemple les sables) et en la décontaminant, par exemple à l'aide d'un bioréacteur à boues. La biorestauration ex situ est généralement beaucoup plus efficace que la biorestauration in situ. Toutefois, en raison de son coût, l'utilisation de la biorestauration ex situ est limitée aux cas où la matrice polluée peut être facilement extraite de l'environnement touché.
L'approche adoptée pour mener ce projet intègre 4 phases successives:
-WP1 : Criblage des activités de biodégradation et de la production d'agents tensioactifs : Criblage des activités de biodégradation des HNS et de la production de mycosurfactants à partir de 500 souches fongiques de la collection UBOCC et LUBEM avec l'objectif final de 2 hits positifs par HNS. Découverte de nouveaux mycosurfactants et/ou d'activités de biodégradation spécifiques à 4 HNS emblématiques (TRL3).
-WP2 : Chimie structurale : Extraction, purification et caractérisation structurelle des métabolites secondaires fongiques identifiés au cours du WP1.
-WP3 : Optimisation de l'innovation et transfert industriel : La biodégradation des 4 composés sélectionnés (acide picrique, glyphosate, diesel et cires) a déjà été rapportée dans la littérature et certaines voies de biodégradation ont été élucidées. L'objectif du projet est de caractériser l'efficacité d'un ensemble de souches pouvant être utilisées pour la contamination des eaux et/ou des sols, une sorte d'approche clé en main du producteur à l'utilisateur.
-WP4 : Évaluation opérationnelle : Conception et optimisation de protocoles de terrain adaptés à un contexte opérationnel
Les premirs résultats du projet consiste en une sélection de 11 souches de champignons sur 250 testés qui ont montré une activivté de biodégradation sur les polluants testés. A T18 mois du projet, les métabolites produits par ces souches sont en cours d'indetification. La mise en culture de ces souches à échelle pilote est également au stade d'initiation.
A l'issue du projet, nous proposons deux livrables principaux (TRL 8) :
o Une collection biologique triée de champignons immédiatement disponibles à l'échelle industrielle pour des activités de contrôle de la pollution sur les quatre HNS de référence. Ce screening inclut des activités de biodégradation directe confirmées ou des activités de biodégradation indirecte en améliorant la biodisponibilité des polluants (par exemple, la production de mycosurfactants).
o Un guide opérationnel de mycoremédiation in situ sur les quatre HNS de référence en fonction des spécificités des différents environnements potentiellement touchés.
Une review sur l'identification des biosurfactant a été soumise. Plusieurs publications sont en cours de prédaction: criblage des souches de champignons, analyse des rhamnolipides.
Depuis le début de l'ère industrielle, l'humanité a pu augmenter de manière exponentielle sa productivité et son accès aux ressources, et cela a des niveaux encore inimaginables il y a à peine 200 ans. Si ce progrès technologique inexorable lui a permis de multiplier par sept sa population en un siècle, de s'affranchir de bon nombre de maladies autrefois mortelles et désormais bénignes, de juguler, bien que de manière inégalitaire, la famine ou bien de repousser l'œkoumène au-delà des limites même de la planète, cela a également eu un impact irréversible sur la biosphère. Dans sa marche irrépressible vers le progrès, l'humanité a détruit et anthropisé son environnement à des niveaux jamais atteints depuis le début de la révolution cognitive il y a 50 000 ans. Une des conséquences de ce progrès a marche forcée a été l'émission dans l'environnement de divers polluants (ou HNS : Hazardous and Noxious Substances) dont certains s'avèrent extrêmement persistants, au-delà même des générations humaines. Depuis la fin du 20ème siècle, une prise de conscience mondiale s'est opérée sur les dangers encourus par les générations présentes et futures à cause de ces pollutions. De plus en plus, les législations tendent, toujours de manière très inégalitaire par delà le monde, à limiter ces émissions et à en interdire la forme. Bien qu'encourageantes, ces initiatives sont néanmoins insuffisantes pour réparer les dégâts déjà causés et en juguler les effets à long terme. Forte de son génie, l'humanité a donc mis au point diverses méthodes pour dépolluer les environnements impactés. Ces méthodes peuvent être physicochimiques et utiliser des protocoles initialement issus de l'industrie (ex usage de résines, de surfactants, excavation, pyrolyse...). D'autres méthodes, plus douces et spécifiques, exploitent la bioremédiation. La bioremédiation est un phénomène biologique durant lequel des organismes vivants vont soit métaboliser directement les HNS (bioaugmentation), les immobiliser dans leur biomasse ou augmenter leur biodisponibilité (biostimulation) pour les autres maillons trophiques. Maitrisée, la bioremédiation démontre un potentiel biotechnologique séduisant car elle permet de traiter les pollutions in situ ou ex situ sur un ensemble de HNS quasi illimité (des hydrocarbures aux radionucléides) en évitant d'ajouter un degré de perturbation anthropique supplémentaire par apport aux méthodes physicochimiques. En ce sens, les moisissures (champignons filamenteux ou levures) présentent une manne biotechnologique conséquente de part leurs capacités à dégrader des HNS normalement particulièrement récalcitrants. Le projet Mic GIVER se propose d'exploiter ce potentiel de bioremédiation fongiques sur 4 HNS aussi divers qu'emblématiques des activités humaines : l'acide picrique, le glyphosate, le diesel et les cires (C10 à C20). Cette bioremédiation fongique se focalisera sur les HNS natifs mais aussi sur leurs produits de dégradation potentiellement écotoxiques. Dans un premier temps, 500 souches fongiques seront criblées pour leur capacité à dégrader les HNS ou à synthétiser des biosurfactants pouvant augmenter leurs biodisponibilités. Par la suite, les conditions de culture seront optimisées sur 16 des souches les plus prometteuses (8 pour la dégradation des HNS et 8 synthétisant des biosurfactants). Une approche de métabolomique sera également déployée afin de caractériser finement ces biosurfactants. A partir de 4 souches les plus intéressantes, une production et une extraction sur pilote industriel sera réalisée afin d'augmenter le degré de TRL de 3 à 5 (Technology Readiness Level). Enfin, un banc d'essai de bioremédiation sera mis au point afin de pouvoir tester et optimiser en conditions opérationnelles in situ (bioaugmentation et biostimulation) ces solutions de bioremédiation (TRL8). A terme, Mic GIVER permettra le développement de nouveaux bioprocédés de biorémediation fongiques pour les acteurs industriels du domaine de la dépollution.
Coordinateur du projet
Monsieur Stéphane Le Floch (Centre de documentation de recherche et d'expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenaire
ICOA Institut de Chimie Organique et Analytique
CEDRE Centre de documentation de recherche et d'expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux
URN-COBRA Université de Rouen Normandie (URN), Laboratoire CHIMIE ORGANIQUE, BIOORGANIQUE : RÉACTIVITÉ ET ANALYSE
UBO-LEMAR Université de Bretagne Ocidentale (UBO), Laboratoire des sciences de l'Environnement Marin (LEMAR)
UBO-LUBEM Université de Bretagne Occidentale (UBO), Laboratoire Universitaire de Biodiversité et Ecologie Microbienne (LUBEM)
UBO-SGPLAT Université de Bretagne Occidentale (UBO), Service Général des Plateformes Technologiques (SGPLAT)
CNRS-ICSN Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), Institut de Chimie des Substances Naturelles (ICSN)
Aide de l'ANR 637 540 euros
Début et durée du projet scientifique :
janvier 2022
- 48 Mois