De la fatigue auditive aux déficits auditifs ? Une étude translationnelle sur l'exposition aux bruits environnementaux – FATIGAUDIT
Le niveau maximum légal d’exposition sonore en milieu professionnel dans de nombreux pays industriels est de 85 dB(A) pour une journée de travail de 8 heures. Cependant, un tel niveau d’exposition conduit à une diminution temporaire de la sensibilité auditive en fin de journée, appelée "fatigue auditive". Ce phénomène a été largement ignoré scientifiquement jusqu'à présent. Pourtant, en cumulant l'exposition au bruit pendant les loisirs et au travail, environ 13 % des personnes seraient exposées à une dose quotidienne cumulée de bruit égale ou supérieure à 85 dB(A).
La fatigue auditive pourrait avoir des effets directs sur les performances cognitives via la perte auditive transitoire associée, ou indirects via l’augmentation du niveau de stress, les difficultés d'apprentissage ou la modulation des niveaux de vigilance par le bruit. En outre, il a été montré assez récemment qu’une diminution temporaire de la sensibilité auditive pourrait en fait sous-tendre des altérations neuronales et synaptiques permanentes dans le système auditif périphérique, même si les seuils auditifs reviennent à la normale à long terme. La fatigue auditive pourrait donc être une signature précoce de la souffrance du système auditif périphérique.
Le projet FATIGAUDIT se propose d’étudier les dégradations structurelles et fonctionnelles du système auditif et l'altération de la perception auditive sur le lieu de travail associées à la fatigue auditive. Les recherches seront menées chez l'homme et la gerbille, un rongeur au système auditif périphérique semblable à celui de l'homme par son anatomie, sa gamme auditive et, surtout, sa sensibilité au bruit.
Nous étudierons les dommages cochléaires au niveau cellulaire et les changements dans l'organisation fonctionnelle du cortex auditif dus à une exposition quotidienne unique ou répétée au bruit à 85 dB(A). Nous vérifierons également si la capacité à identifier et discriminer des sons complexes dans le bruit est altérée par la fatigue auditive. Les résultats obtenus permettront de proposer des méthodes de diagnostic facile et rapide de la fatigue auditive sur le lieu de travail, où il est typiquement difficile d’obtenir des données scientifiques expérimentales. En particulier, une méthode innovante non invasive donnant accès à l'activité du nerf auditif sera testée et validée chez la gerbille puis chez l’homme. Enfin, l’intérêt de périodes de repos durant l’exposition sonore sera exploré afin de prévenir l’apparition de la fatigue auditive.
FATIGAUDIT réunit quatre équipes complémentaires combinant recherche fondamentale, recherche clinique et recherche scientifique en milieu professionnel. L'Institut de l'Audition (Institut Pasteur, coordinateur) apportera son expertise sur les troubles auditifs et les modifications fonctionnelles du système auditif central des animaux induites par le bruit; l'Institut des Neurosciences (Montpellier) est un spécialiste mondialement reconnu du système auditif périphérique; Le Centre Hospitalier Universitaire de Montpellier réalisera des tests cliniques de diagnostic de la fatigue auditive chez l'homme; l'Institut National de Recherche et Sécurité (Nancy) a un savoir-faire unique pour mesurer les effets de l'exposition au bruit directement sur le lieu de travail.
Ce consortium sera donc en mesure d'évaluer les aspects cellulaires, fonctionnels et cognitifs de la fatigue auditive, d’améliorer son diagnostic et de proposer des pistes de prévention applicables en milieu professionnel. Mieux comprendre ce risque trop longtemps négligé permettra de limiter la survenue à long terme de troubles auditifs chez une partie importante de la population. Le projet FATIGAUDIT contribuera donc à réduire le coût social et financier du bruit. Il vise également à remettre en question les réglementations professionnelles actuelles dont les données préliminaires du consortium montrent qu'elles n'empêchent pas la survenue de pertes auditives temporaires dans de nombreuses professions.
Coordination du projet
Boris GOUREVITCH (IP - Plasticité des Circuits Auditifs Centraux)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenaire
IP - Plasticité des Circuits Auditifs Centraux IP - Plasticité des Circuits Auditifs Centraux
CHU Montpellier frederic venail
INM Institut des Neurosciences de Montpellier
INRS Institut National de Recherche et de Sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles
Aide de l'ANR 696 557 euros
Début et durée du projet scientifique :
mars 2022
- 48 Mois