Evaluation des effets des rayonnements ionisants sur les abeilles – BEERAD
Evaluation de effets des rayonnements ionisants sur les abeilles – BEERAD
Les activités humaines liées à l’industrie nucléaire génèrent des rayonnements ionisants, dont les propriétés écotoxiques sont peu étudiées chez les organismes non-humains. Ce projet propose d'utiliser les abeilles comme modèle pour étudier les effets des rayonnements ionisants sur les principales fonctions physiologiques, ainsi qu'aux niveaux individuel et populationnel. Les abeilles sont des insectes d'importance économique, agro-environnementale, sociétale et scientifique.
Enjeux principaux et objectifs généraux du projet BEERAD
L’évaluation des risques liés à la radiocontamination de l'environnement après un accident nucléaire est un enjeu écologique majeur, mais reste entourée de résultats et de conclusions controversés sur l'impact réel de tels événements sur la flore et la faune habitant les zones ciblées. De plus, les éventuels mécanismes sous-jacents des actions des rayonnements ionisants sont peu connus. Il paraît donc primordial d’acquérir des données sur les potentiels effets des rayonnements ionisants sur les écosystèmes à la fois dans des conditions expérimentales et réalistes.<br />L'objectif de ce projet est, par une approche pluridisciplinaire, d'approfondir la connaissance des effets et des mécanismes d'action des rayonnements ionisants sur la physiologie et les populations d'abeilles mellifères dans le cadre d'une exposition chronique (i.e. exposition d'une durée significative par rapport à la durée de vie des organismes exposés) et à de faibles débits de dose (écotoxicité sublétale) dans des conditions réalistes, i.e. sur le terrain et au laboratoire. Cependant, très peu de données existent sur ce sujet et il semble important de conduire des études qui serviront de base pour mieux évaluer les impacts des rayonnements ionisants sur la santé animale en utilisant les abeilles.<br />Les objectifs principaux du projet sont :<br />- Définir les conditions d’exposition à la fois au laboratoire et sur le terrain (afin de comparer les résultats obtenus entre ces deux approches) et mesurer dans ces deux conditions les débits de doses externes auxquels seront réellement exposées les abeilles en utilisant des micro-dosimètres ; ces valeurs, additionnées au débit de dose interne, donnera une estimation précise des débits de dose totale absorbés par les abeilles (WP1)<br />- Mesurer les effets physiologiques et toxico-pathologiques induits par les RI aux niveaux sub-individuels (molécule, cellule, tissu), particulièrement en réponse à un agent infectieux (WP2)<br />- Mesurer les effets induits par les RI aux niveaux individu/population par les effets sur la reproduction/développement et les processus cognitifs (WP3)<br />- Comparer les deux types d’exposition, intégrer les réponses et extrapoler à d’autres organismes (autres espèces d’abeilles, autres insectes pollinisateurs) par la modélisation pour conclure sur les effets des RI sur les abeilles (WP4).
Le projet sera conduit en combinant les compétences de l’INRAE (expertise du modèle biologique, analyses de biomarqueurs, de perturbations physiologiques et d’indicateurs populationnels) et de l’IRSN (expertise dans l’exposition radiologique, mesure de l’exposition aux radionucléides et calcul de la dose totale, plateforme d’irradiation d’animaux à des doses croissantes de rayonnements gamma), afin d’étudier l’impact des rayonnements ionisants sur les abeilles. L’aide de l’IER (Institute of Environmental Radioactivity) de Fukushima sera très précieuse pour toutes les approches de terrain, y compris la connaissance des zones, l'obtention des autorisations pour mener les expérimentations, le suivi des ruches et des abeilles lors des expérimentations sur le terrain.
Une double approche d’études conduites au laboratoire et sur le terrain est proposée.
WP1 : au laboratoire, nous utiliserons les installations d'irradiation à grande et à petite échelle disponibles au LECO. Les débits de dose délivrés via cette installation d'irradiation sont connus avec précision et seront suivis à l'aide de micro-dosimètres. Dans les expérimentations de terrain, les sites d'étude seront choisis sur la base de nos recherches sur les données les plus récentes de débits de dose de la région de Fukushima (mission en juillet 2022 pour identifier les sites). Dans chaque zone correspondant à un niveau d'irradiation disponible (témoin, bas et élevé), il sera choisi 3 sites dans lesquels 5 ruches par site seront placées. Les ruches seront laissées en place pendant deux saisons apicoles. Pour toutes les expérimentations, tous les effets mesurés (physiologiques, populationnels, etc.) seront analysés par rapport au débit de dose total absorbé par les abeilles.
WP2&3 : dans des expériences en laboratoire et sur le terrain, les effets du rayonnement sur les abeilles seront étudiés par des approches combinées aux niveaux moléculaire, cellulaire et tissulaire. Nous visons à déterminer les impacts des rayonnements sur de grandes fonctions physiologiques qui conditionnent des événements clés pour la survie des individus et de la colonie (comportement de la colonie, reproduction, développement, performances cognitives). Nous considérerons non seulement les impacts physiologiques directs chez les abeilles soumises à un stress d'irradiation mais également la résilience des abeilles et des colonies d'abeilles après une période d'irradiation. Nous évaluerons également les effets des rayonnements ionisants sur la sensibilité des abeilles aux agents pathogènes.
WP4 : nous envisageons de mener des études de modélisation avec deux objectifs différents : (i) prévoir les événements indésirables précoces pouvant survenir dans les colonies exposées aux radiations et (ii) extrapoler les résultats obtenus avec les abeilles à d'autres espèces.
Les travaux ont démarré sur les aspects de recherche de sites pour la partie expérimentation sur le terrain. Plusieurs réunions ont été réalisées avec l’IER. Un travail de cartographie SIG a été réalisé avec un collaborateur de l’IRSN. Grâce à ce travail, différentes données ont été croisées (exposition, accès par la route, type d’habitat, débit de dose) et un gradient de sites en allant vers le Nord de la centrale semble se dégager. Une mission de terrain est prévue du 2 au 15 juillet 2022 afin d’observer les sites de visu, de prendre des photos, de caractériser la floraison et l’ensoleillement de ces différents sites. Grâce à nos collègues de l’IER et à l’aide également d’une chercheuse du NIES (National Institute for Environmental Studies), des apiculteurs professionnels vont être rencontrés pendant cette mission afin de discuter de la possibilité d’installer des ruches de Mars 2023 à Octobre 2024.
Concernant les expériences de laboratoire, deux expériences d’irradiation de 14 jours chacune ont été réalisées entre avril et mai 2022. L’objectif était d’évaluer des interactions toxicopathologiques des rayonnements ionisants sur l’abeille domestique par des approches combinées au niveau moléculaire, cellulaire et tissulaire dans des conditions contrôlées de laboratoire. Pour cela, des abeilles naissantes ont été infectées à Nosema ceranae, un pathogène intestinal de l’abeille, puis irradiées pendant 14 jours en laboratoire à un fort débit de dose d’irradiation gamma (14 mGy/h). Les abeilles ont été placées dans des cagettes (50 abeilles par cage) puis disposées autour d’une source de 137Cs. Plusieurs modalités ont été testées : des abeilles infectées et irradiées, des abeilles seulement irradiées, des abeilles seulement infectées et des abeilles ni irradiées et ni infectées. Les résultats ont démontré une mortalité plus élevée dans le cas où les abeilles étaient à la fois irradiées et infectées. De plus les abeilles irradiées ont présenté une charge plus élevée en pathogène que les abeilles non irradiées. Ce résultat exprime la sensibilité et l’affaiblissement des abeilles dû à la combinaison des deux modalités. Aucune différence de consommation de nourriture n’a été relevée. Des analyses physiologiques ont été effectuées sur les têtes des abeilles et au dernier jour de l’exposition. Un stress oxydant a été observé avec une activité tissulaire augmentée de la GST et de la SOD. Un effet transitoire possible de l’AChE a été suggéré. Ces données, complétées par les analyses prévues ultérieurement sur les autres compartiments et les autres temps de prélèvement (et également sur un débit de dose plus faible de 14 µGy/h), permettront de mieux comprendre les effets combinés de l’irradiation et de l’infection sur les abeilles.
Le programme est axé sur les effets des RI sur la santé des abeilles en tant qu'indicateur global de la santé de l'écosystème. Les bénéfices de ce programme sont attendus à différents niveaux :
- Au niveau scientifique, les résultats attendus couvrent un large éventail de domaines : (i) quels sont précisément les doses et les débits de dose absorbées (externe + interne) reçus par les abeilles, (ii) par quels modes d'actions les RI induisent des effets adverses aux abeilles, (iii) quels sont les paramètres physiologiques et toxico-pathologiques affectés par les RI, en mettant l'accent sur les effets combinés des RI sur la sensibilité des abeilles aux agents pathogènes, (iv) quels paramètres sont modifiés par les RI au niveau de la colonie, dont la production de la ruche (en relation avec les services écosystémiques), (v) quelle est la résilience des ruches exposées aux RI pendant une saison apicole, (vi) si les abeilles exposées sur le terrain sont plus ou moins sensibles que celles exposées au laboratoire (comparaison des réponses) et (vii) à travers des approches de modélisation, quelles peuvent être les conséquences attendues de l'exposition aux RI chez d'autres insectes pollinisateurs. Nos résultats permettront de mieux appréhender le risque environnemental par une meilleur prédiction des réponses biologiques induites par les RI chez les insectes pollinisateurs.
- Au niveau économique, nous obtiendrons des données sur la quantité de produits de la ruche (miel et pollen) dans les ruches placées dans la zone d'exclusion de Fukushima le long du gradient de contamination. Par conséquent, le projet aidera à estimer les impacts potentiels des RI sur le service écosystémique d'approvisionnement. De plus, ces données seront disponibles pour les économistes afin de les prendre en compte et de les intégrer dans des modèles pour mieux évaluer les coûts d'un éventuel accident nucléaire en France.
- Au niveau agro-environnemental, le projet ne permettra pas de mesurer l'impact direct des RI sur la pollinisation (service de régulation des écosystèmes). Cependant, nous pourrons mesurer un impact indirect à travers l'activité de butinage de la ruche et la population sur le terrain (évolution du poids de la colonie) et à travers la consommation alimentaire dans les conditions de laboratoire. De plus, ce projet apportera de nouveaux éléments pour explorer si les ruches (abeilles et produits apicoles) pourraient être utiles pour évaluer la qualité environnementale, à Fukushima et en France.
- Au niveau sociétal, du fait de l'image emblématique de l'abeille, les présentations de nos résultats à différentes manifestations, scientifiques et non scientifiques, se feront dans le cadre des services écosystémiques culturels liés aux abeilles. De plus, l'abeille domestique servira d'espèce modèle pour estimer les impacts potentiels des RI sur d'autres espèces.
Transfert vers la communauté scientifique
Les nouveaux résultats et méthodes développés dans le cadre du projet seront publiés dans des revues internationales à comité de lecture afin d'être rapidement accessibles aux experts et apiculteurs internationaux.
Les résultats seront présentés dans des congrès scientifiques nationaux et internationaux (Apimondia, EURBEE, ICP-BR, Symposiums of the Society of Environmental Toxicology & Chemistry, etc.) sous forme de communication orale ou poster.
Nous mettrons également nos données à disposition des économistes afin de contribuer à caractériser les coûts d'un accident nucléaire sur l'apiculture. Pour une utilisation optimale de nos données par les économistes, nous expliquerons clairement aux économistes les forces et les limites de nos données.
Transfert vers les publics généralistes et professionnels
Le projet et les résultats de ce projet seront présentés aux organisations apicoles (GDSA, ADAs…) à travers des communications orales en assemblées générales, « Les Journées de la Recherche Apicole », « les journées santé des abeilles » de l'Anses et à travers des articles de transfert dans différentes revues apicoles telles que « La Santé de l'Abeille » ou « Abeilles & Fleurs » (liste non exhaustive) et différentes revues professionnelles et de transfert concernées par la biologie et la santé de l'abeille, et par la santé environnementale.
De plus, les résultats seront également présentés sous forme de conférences pour les organisations impliquées dans la santé environnementale et la préservation de la biodiversité.
Les activités humaines liées à l’industrie nucléaire génèrent des rayonnements ionisants (RI), dont les propriétés écotoxiques sont peu étudiées chez les organismes non-humains. Dans les zones contaminées, il n’y a pas de consensus quant à leurs effets sur la structure et le fonctionnement des écosystèmes, et les éventuels mécanismes sous-jacents de leur action sont peu connus. Il paraît donc primordial d’acquérir des données sur les potentiels effets des RI sur les écosystèmes à la fois dans des conditions expérimentales et réalistes. Ce projet tentera d’appréhender les conséquences environnementales d’un accident nucléaire en utilisant l’abeille domestique, qui regroupe plusieurs enjeux scientifiques, économiques et sociétaux, de par ses services rendus à la société et aux écosystèmes. Ce projet contribuera également à élargir les connaissances sur les effets et les mécanismes d’action des RI sur les abeilles, selon une double approche d’études laboratoire/terrain et permettrait d’entrevoir les conséquences plus globales sur les pollinisateurs responsables en grande partie de la biodiversité végétale.
Les objectifs principaux du projet sont:
- Définir les conditions d’exposition à la fois au laboratoire et sur le terrain (afin de comparer les résultats obtenus entre ces deux approches) et mesurer dans ces deux conditions les débits de doses externes auxquels seront réellement exposées les abeilles en utilisant des micro-dosimètres; ces valeurs, additionnées au débit de dose interne, donnera une estimation précise des débits de dose totale absorbés par les abeilles (WP1),
- Mesurer les effets physiologiques et toxico-pathologiques induits par les RI aux niveaux sub-individuels (molécule, cellule, tissu), particulièrement en réponse à un agent infectieux (WP2),
- Mesurer les effets induits par les RI aux niveaux individu/population par les effets sur la reproduction/développement et les processus cognitifs (WP3),
- Comparer les deux types d’exposition, intégrer les réponses et extrapoler à d’autres organismes (autres espèces d’abeilles, autres insectes pollinisateurs) par la modélisation pour conclure sur les effets des RI sur les abeilles (WP4).
Les résultats attendus couvriront différents domaines : (i) quels sont précisément les doses et débits de doses absorbés (interne + externe) reçus par les abeilles, (ii) par quels modes d'actions les RI induisent des effets adverses aux abeilles, (iii) quels sont les paramètres physiologiques et toxico-pathologiques affectés par les RI, (iv) quels paramètres sont modifiés par les RI au niveau de la colonie, dont la production de la ruche (en relation avec les services écosystémiques), (v) quelle est la résilience des ruches exposées aux RI pendant une saison apicole, (vi) si les abeilles exposées sur le terrain sont plus ou moins sensibles que celles exposées au laboratoire (comparaison des réponses) et (vii) par la modélisation, quelles peuvent être les conséquences attendues de l'exposition aux RO chez d'autres insectes pollinisateurs. Nos résultats permettront de mieux appréhender le risque environnemental par une meilleur prédiction des réponses biologiques induites par les RI chez les insectes pollinisateurs.
Ce projet est innovant pour plusieurs raisons. Il propose (i) d’étudier les effets des RI sur les abeilles, qui sont très peu connus, (ii) d’établir une base de connaissance des mécanismes d’action des RI chez les abeilles et (iii) de relier les réponses observées aux échelles cellule/organe à des processus intégratifs mesurés à l’échelle individu/population en étudiant la reproduction et les répercussions des effets au niveau de la colonie. De plus, le projet combinera des expériences au laboratoire et sur le terrain, plus représentatives de l’environnement. Cette complémentarité servira à tirer des conclusions utiles pour la radioprotection de l’environnement.
Les retombées de ce projet sont attendues aux niveaux scientifiques, agro-environnemental et socio-économique.
Coordinateur du projet
Madame Beatrice Gagnaire (Pôle Santé Environnement - Direction Environnement)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenaire
PSE-ENV Pôle Santé Environnement - Direction Environnement
INRAE PACA - A&E Institut National pour la Recherche, l'Agriculture et l'Environnement - Centre de recherche PACA - Abeilles et Environnement
IER Institute of Environmental Radioactivity
Aide de l'ANR 522 637 euros
Début et durée du projet scientifique :
décembre 2021
- 48 Mois