Pour une histoire critique des Trésors du Nord – FCHNT
L'histoire du Tibet reste obscure à biend es égards, malgré les recherches accumulées au cours des dernières décennies. Et pourtant, il existe des dizaines de milliers de pages de matériaux historiographique inexploités.
Cette documentation prend la forme de généalogies religieuses - séries de biographies d'individus appartenant à des institutions qui se perçoivent comme des familles. L'écriture de l'histoire est souvent liée à la construction d'une légitimité ; au Tibet, elle prend la forme de la narration du pedigree spirituel des maîtres : la transmission des matériaux tantriques doit être authentique, continue et illustrée à chaque génération par des figures héroïques manifestant la puissance et la valeur de ce qu'ils transmettaient.
Ainsi, avec pour horizon la grande synthèse historique, il faut bien d'abord suivre ces nombreux fils singuliers, puis essayer de les retisser selon la manière dont ils étaient effectivement agencés dans la trame réelle de l'histoire tibétaine.
On doit donc consentir une étape intermédiaire entre les sources primaires et ces synthèses proprement dites: la tâche des philologues qui éditent, comparent les documents, restituent leur sens, détaillent ce qui y est présenté comme des faits tout en tâchant de les localiser et de les dater en croisant les sources disponibles, avec aussi l'idée de leur donner plus de contexte.
Pour un tel travail préliminaire, il faut choisir, parmi les nombreuses lignées religieuses tibétaines, une celle qui soit suffisamment documentée par une littérature bien conservée, qui ait cultivé un sentiment de son identité pendant de nombreux siècles, et qui ait joué un rôle important dans de nombreux aspects de la vie tibétaine, de sorte que son étude éclaire beaucoup d'aspects inconnus de l'histoire tibétaine. Nous avons donc choisi une branche de l'"Ordre ancien" (rNying ma) du bouddhisme tibétain : le Jangter (Byang gter) ou "Trésors du Nord", qui répond parfaitement à ces trois exigences.
Les Nyingmapas font remonter leurs origines à la première diffusion du bouddhisme au VIIIe siècle. Mais la plupart de leurs doctrines, pratiques et liturgies relèvent de la catégorie des "trésors cachés" (gter ma), fruits d'un processus de révélation ultérieur et continu dont les "Trésors du Nord" sont un cas typique, quoique singulier.
C'est en 1366 que Rigdzin Gödem (1337-1408) aurait extrait d'une grotte du Tibet central l'un des plus célèbres ensembles de ces "textes-trésors" (15 forts volumes), le noyau initial des "Trésors du Nord", auquel se sont amalgamées les "découvertes" de ses réincarnations ultérieures, mais aussi celles d'autres mystiques.
Une très grande partie du corpus de cette tradition, jusqu'ici inaccessible, a été publiée en 2015 en une collection (63 vol.) dont un exemplaire complet a été acquis par les Instituts d'Asie du Collège de France, rendand notre projet à la fois possible et nécessaire : il faut exploiter ce trésor enfin disponible.
Le t. 62 de cette collection est grande Histoire des Trésors du Nord (905 p.) qui donnera à notre projet son canevas. Il consistera en une traduction critique de cette chronique, complétée et amendée par les matériaux disponibles par ailleurs (4000 p. de documents historiographiques dans cette collection, sans compter les innombrables éléments précieux disséminés dans les textes rituels).
L'équipe de spécialistes qui soumet le présent projet se donne pour objectif de produire quatre volumes respectant l'architecture générale de cette Histoire, tout en y ajoutant les chapitres qui lui manquent sur des aspects qui n'ont pas été retenus en raison du goût des historiens tibétains pour les récits linéaires sous forme de généalogies. Les quatre années sur lesquelles s'étalera ce programme devraient être suffisantes pour amener ces quatre volumes, sinon à un état directement publiable, du moins à une forme ne nécessitant plus qu'un travail d'édition pour une publication dans les années suivantes.
Coordination du projet
Stéphane Arguillère (Institut Français de Recherche sur l’Asie de l’Est)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenaire
C.R.C.A.O. Centre de Recherche sur les Civilisations de l'Asie Orientale
TROY UNIVERSITY TROY UNIVERSITY / Department of Philosophy
IFRAE Institut Français de Recherche sur l’Asie de l’Est
Aide de l'ANR 416 614 euros
Début et durée du projet scientifique :
January 2022
- 48 Mois