Méthodologies pour l’étude de la provenance des matières colorantes préhistoriques – COLOR-SOURCES

Au-delà de leur rôle dans le processus de création artistique et de l’expression symbolique des sociétés préhistoriques, les matières colorantes ont été au centre d’activités et de chaînes opératoires variées. Les développements analytiques de ces dernières années, fondés sur la combinaison d’approches naturalistes (géologie/pétrographie) et archéométriques (analyse minéralogique et analyse élémentaire), permettent de mieux appréhender la nature de ces matériaux et d’en rechercher l’origine géologique. Cependant, la mise en œuvre de ces études reste rare bien que les matières colorantes constituent un potentiel d'information important pour la compréhension des comportements techniques et culturels, et la circulation des hommes et des matériaux. Plusieurs verrous peuvent expliquer cette rareté des applications : 1/ le manque de connaissances sur les chaînes évolutives, c’est-à-dire les modifications de leurs caractéristiques sous l’effet des altérations bio-géochimiques, anthropiques et taphonomiques qu’elles subissent depuis le gîte jusqu’à leur découverte : ces altérations de la composition constituent des biais pouvant limiter l’identification de l’origine géologique et géographique des matières colorantes ; 2/ la diversité des protocoles d’analyses et l’hétérogénéité des données produites entre laboratoires et équipes de recherche : ces biais limitent la comparaison des données entre les études et freinent la généralisation de ces approches ; 3/ la difficulté d’analyser et comparer la composition de blocs de matières colorantes et celle de résidus à la surface d’artéfacts : si les protocoles d’analyse de blocs cohésifs sont performants et peu invasifs, l’analyse des résidus reste complexe et les techniques analytiques utilisées sur les blocs ne permettent pas d’accéder à la résolution spatiale nécessaire à l’analyse de ces fines couches ; 4/ le manque de référentiels géologiques robustes : l’établissement de référentiel géologiques à des échelles régionales, et suprarégionales requière un investissement. Les rares référentiels, établis indépendamment par des chercheurs ou des équipes à la faveur de projets centrés sur des sites archéologiques, sont difficilement accessibles et réutilisables, notamment du fait des problèmes de standardisation. L’objectif du projet Color-Sources est de lever ces verrous pour impulser une nouvelle dynamique aux études de provenances des matières colorantes préhistoriques à l’échelle nationale et internationale, en développant et en mutualisant les connaissances et méthodologies nécessaires à la constitution de collections géologiques de référence et à leur comparaison avec des corpus archéologiques. Cet objectif sera réalisé en développant une dynamique de « science ouverte » et de production de données « FAIR » (Facile à trouver, Accessible, Interopérable, Réutilisable).
Pour cela, Color-Sources s’appuiera sur un consortium interdisciplinaire pour a) mettre en commun les expériences acquises sur nos différents terrains afin de mieux comprendre les chaînes évolutives, élaborer une méthodologie commune d’étude des matières colorantes et la mettre en œuvre sur un terrain commun : la Dordogne et sa périphérie ; b) développer des protocoles d’acquisition des données interopérables, améliorer les protocoles de traitement statistique des données produites (notamment des données élémentaires), et développer une méthodologie d’analyse élémentaire par LA-ICP-MS/MS pouvant être appliquée à la fois sur des blocs et des résidus de matières colorantes afin de limiter les biais induits par l’utilisation de plusieurs techniques différentes, c) concevoir un système d’information permettant de sauvegarder, réutiliser et diffuser les données acquises par la communauté française sur les sources de matières premières utilisées au Paléolithique.