De l'esprit à la paroi : recherche d’une langue de signes dans les mains négatives paléolithiques – MIND2WALL

Plusieurs sites archéologiques gravettiens (e.g. Gargas, Tibiran, ou Fuente del Trucho) ont des mains négatives aux « doigts mutilés ». Nous explorons l’hypothèse qu’elles représentent des gestes des langues de signes (conjecture classique de Leroi-Gourhan 1967, jamais évaluée). Notre travail préliminaire sur la biomécanique des gestes suggère qu'une telle connexion existe, car les mains négatives correspondent uniquement à des gestes qui sont articulables sans appui dans les langues de signes. Nous étudions l’hypothèse qu’elles correspondent à des gestes de « langues de signes suppléantes », utilisées pour les rites par des populations toujours bilingues bi-modales (en Australie et ailleurs). Le projet, donc, a deux objectifs principaux: (1) créer un corpus 3D avec les mains négatives des sites les plus importants d’Europe, et (2) analyser l’hypothèse que des expressions en langue de signes leur sont sous-jacentes. Ce travail combinera les technologies et outils analytiques les plus récents de la linguistique et de l'archéologie. Le projet comporte les 6 taches suivantes :
1. Création d’une base de données FAIR (trouvable, accessible, interopérable et réutilisable) avec les mains négatives de quatre sites majeurs en France et Espagne (Gargas, Fuente del Trucho, El Castillo et Maltravieso). Cette tache comporte trois sous-taches : (a) Analyses photogrammetriques et hyperspetrales des peintures des mains négatives, (b) contextualisation archéologique des peintures dans chaque grotte, (c) création d’un corpus public avec les images 3D manipulables et toutes le (méta)données requises. Les données obtenues seront par ailleurs comparées avec des données d’autres grottes telles que Cosquer, Erberua, Arcy-sur-Cure, Margot, Cudón, Fuente del Salín, etc.
2. Comparaison des mains négatives dans chaque grotte étudiée, pour identifier d’éventuelles correspondances. Évaluation de l’identité de chaque modèle, et, éventuellement, de la variabilité dans la disposition des doigts d’un même individu. Analyses quantitatives des données (analyses de groupement et analyses de composant principal).
3. Analyses catégorielles et annotation des gestes sous-jacents à chaque image (e.g. avec le modèle de Brentari (1998) ou le Hamburg Notation System (Hanke, 2004)).
4. Analyses biomécaniques des gestes. Comparaison des différents indicateurs de la complexité articulatoire (Ann, 1993; Aristodemo & Geraci, 2014; Aristodemo et al., 2019; Morgan et al., 2019).
5. Interprétation des gestes comme étant des gestes de langues de signes en étudiant (i) dans quelle mesure ils correspondent à des restrictions phonétiques générales des langues des signes; (ii) dans quelle mesure ils paraissent obéir aux généralisations phonologiques établies dans la typologie des langues de signes (en particulier, dans les langues de signes « suppléantes »); (iii) leur plausibilité en tant que systèmes de signes linguistiques.
6. Revue des recueils ethnographiques existants qui portent sur des langues de signes, et plus précisément celles des Indiens des Plaines, des Aborigènes d’Australie et du peuple San. Évaluation de la validité des données ethnographiques d’usage de pochoirs et de narration traditionnelles audio-visuelles en tant que modèles permettant de comprendre l’utilisation des gestes dans l’art paléolithique. L’accès aux bases de données sur l’art rupestre, telles que le South African Rock Art Digital Archive (SARADA), enrichira l’aspect comparatif de l’étude.