CE03 - Interactions Humains-Environnement

Histoires de vie et place des femmes chez les premiers agropasteurs. Perspectives bioarchéologiques dans le contexte préhistorique français et méditerranéen – WomenSOFar

WomenSOFar

Le projet WomenSOFar a pour objectif de comprendre comment les femmes mangent, se déplacent, prennent soin des plus jeunes et participent aux activités nécessaires à la survie des premières communautés d’agropasteurs (VIe-IVe mill. BCE) en France et Méditerranée. Le projet s’organise autour d’une approche multidisciplinaire et holistique de l’étude des restes humains.

Description des tâches scientifiques et objectifs

Le travail mené par l’équipe est réparti en quatre catégories scientifiques qui évoluent parralèlement tout au long du projet (Work Package – WP) : 1-Ressources et environnements (WP1), 2-Caractérisations biologiques (WP2), 3-Emergence des identités sociales et structurations des groupes humains, et 4-Partage de la science. Au sein de ces WP des analyses et développements méthodologiques sont mis en place. Le matériel et les contextes archéologiques choisis pour répondre à la problématique se répartissent entre le nord et le sud de la France et sur quelques régions d’Afrique du Nord (Maroc, Algérie). Une approche multi-isotopique (C, N, S, O, Sr) est réalisée sur la matière organique et minérale des restes humains et biomatériaux associés (mammifères, escargots). Ce travail permet de suivre différentes étapes des changements alimentaires au cours de la vie et la mobilité intra-individuelle. La variabilité environnementale naturelle (voire anthropique) est étudiée à travers le transect géographique large investigué. Des études sur le tartre dentaire répondent aux même questions mais de façon plus ciblée vers l’environnement végétal. Une étude ostéobiographique incluant un nouvel état des lieu sur l’état sanitaire, la croissance, les proportions corporelles et les activités physiques est réalisée à partir de l’imagerie médicale et des analyses géostatistiques intra-individuelles. Ces données permettent de déterminer le degré d’activité physique de la personne, les membres anatomiques impliqués (supérieurs vs. inférieurs) et d’aborder la différenciation sexuelle des tâches. Une compilation et ré-analyses des données archéologiques et de terrains avec les données biogéochimiques et biologiques offre une nouvelle lecture sur les comportements sociaux et la structuration interne des groupes humains. Le sexe de l’individu sera aussi discuté à travers les différentes « catégories » socio-économiques qui peuvent être visibles sur les sites. L’environnement naturel sera également intégré comme un paramètre pouvant agir sur les comportements (diversité-ressources pérennes-égalité vs. moindre diversité-ressources fluctuantes-inégalité ?).<br /><br />A travers ces différents groupes de travail et cette approche multi-disciplinaire intégrée « biologie-environnement-comportements », nous souhaitons répondre à des des questionnements qui font échos à nos pratiques sociétales actuelles comme :<br />- La transmission <br />- La structuration sociale<br />- La diversité <br />- L’état de santé

Gestion des collections et archivages
Une partie de l’année 2022 a été dédiée à la mise en place du transfert des collections ostéologiques et à la documentation administrative associée qui depuis très récemment suit de nouvelles règles et une étude préalable des dossiers (temps de traitement allongé). A partir de janvier 2023, l’accès au matériel du projet (119 squelettes) est possible au dépôt ostéologique de Pessac où deux missions ont été réalisées (janvier et mars 2023). Ces missions et l’ensemble du travail d’archivage ont été possibles grâce au recrutement d’une ingénieure d’étude (Maëlle Couvrat, LAMPEA). Au cours de ces deux missions, l’archivage numérique du matériel a été fait à partir de photographies et d’un scanner surfacique ARTEC Spider (fig. 2) sur 101 pièces archéologiques. La documentation numérique a ensuite été déposée sur la plateforme de gestion du projet ShareDoc de Huma-Num de façon à être accessible à tous les membres de l’équipe.

2- Création de documentations d’accompagnement du projet
Au cours de l’année 2022 nous avons mis en place un site web, une documentation graphique (carte et logos) et réalisé un PGD (plan de gestion des données) qi sera révisé avant la fin 2023. La documentation accompagant le projet est réalisée par l’équipe responsable du WP4 en respectant autant que faire ce peut les règles de Science Ouverte et le principe FAIR (Findable, Accessible, Interoperable, Reusable). Le PGD a été mis à disposition de l’ANR en juillet 2022 et crée à partir de DMP OPIDoR. Une carte générale (CC BY) localisant les lieux des sites étudiés est désormais utilisable par tous et accessible sur le site internet du projet (fig. 3). Un logo a également été réalisé (petit et grand format mentionnant le n° du projet).
3- Prélèvements et traitement pré-analytique du matériel
Les prélèvements concernent des sélections d’ossements, de dents et de biorestes environnementaux (escargots archéologiques). Ils ont été réalisés lors des missions de janvier et mars 2023 et également par les collègues de l’INRAP sur le terrain. Au total, 62 individus ont fait l’objet de prélèvements sur des dents, constituant un corpus de 288 analyses sur l’émail dentaire (Sr, C,O ; fig. 4), 800 analyses sur la dentine (estimation, travail en cours), une 12ene d’’analyses sur des escargots, 78 analyses sur la tartre dentaire (microrestes et ADN ancien), 180 analyses sur le collagène osseux. Excepté une partie du matériel dentinaire (34 dents selectionnées) et du tartre, tous les autres échantillons ont été préparés selon les différents protocoles des différents plateaux techniques impliqués (au LAMPEA, CEREGE, UCD dublin et SUERC Glasgow) en vue des analyses qui sont en cours en 2023.

Entre 2022 et 2023 plusieurs analyses biogéochimiques ont déjà été réalisées. Les compositions isotopiques du carbone, azote et soufre (CNS) ont été obtenues sur environ 40% des échantillons prévus à partir de deux appareils au CEREGE (fig. 5) et au SUERC. Au CEREGE, les analyses élémentaires et isotopiques (C, N, d13C et d15N) sont réalisées par un spectromètre de masse à flux continu CF-IRMS relié par une interface ConFlo à un analyseur élémentaire équipé d’un passeur automatique d’échantillons. Au SUERC, les analyses élémentaires et isotopiques du soufre (S, d34S) sont réalisées par un spectromètre de masse flux continu Delta V Advantage relié par une interface ConFlo à un analyseur élémentaire IsoLink. Les prochaines sessions de mesures sont programmées en juillet 2023. Les premiers résultats indiquent une mauvaise conservation du soufre pour de nombreux échantillons.
Préalablement aux analyses sur strontium sur l’émail dentaire, une série d’analyse par pXRF a été menée pour caratériser en amont la composition chimique de ce matériau sur chacun des sites concernés. Les résultats (% et ppm) nous montrent que le strontium est suffisamment présent pour son extraction mais que les ratios de certains éléments (notamment Ca/P) sont plus élevés que ceux attendus sur du matériel bien conservé. L’analyse des compositions isotopiques du strontium (87Sr/86Sr) a débuté en juin 2023 et les prochaines sessions de mesures sont programmées en octobre 2023. Les mesures sont réalisées par un spectromètre de masse à multicollection à plasma couplé par induction (MC-ICPMS) – Neptune Plus au sein de la plateforme ENVITOP (fig. 5). Les premiers résultats indiquent une fiabilité des protocoles chimiques pour la préparation des échantillon et une cohérence entre les valeurs obtenues sur la malcofaune archéologique et celles connues pour la couverture pédologique des régions étudiées. Les premières données sur l’émail dentaire indiquent que la taille de l’échantillon préparé peut être réduite (moindre impact patrimonial) et pour le premier site concerné (Clos Chauvin, cf. carte) que les individus ont une mobilité territoriale probablement réduite.
5- Exploration du tartre dentaire
L’exploration multi-disciplinaire du tartre dentaire est l’un des points novateurs du projet car peu développé à ce jour dans les études bioarchéologiques. Le tartre dentaire est un biofilm minéralisé, relativement resistant à la diagenèse et souvent retrouvé sur les dents archéologiques. Deux approches sont menées en parallèle dans le projet. Une étude des microrestes (phytolithes, amidons etc.) a débuté dans le cadre d’un master 1 (Apolline Lambert) en collaboration entre l’ISEM (Montpellier ; dir. L. Bouby) et l’University College de Dublin (UCD ; Irlande ; dir. R. Power). Cinquante trois échantillons sont en cours de préparation et sept du site de la Roussille ont pu être explorés en détail. Plus de 1000 restes ont été identifiés dans les sept échantillons par l’étudiante.

Les travaux en Afrique du Nord (Algérie et Maroc) font également parties des approches exploratoires du projet WomenSOFar. Une première étude pilote sur le site de Skhirat (Rabat, Maroc) faite en 2017-2018 (CNS, inédite, fig. 8) montre que les groupes humains du Néolithique moyen consommaient peu de ressources marines (difficile à quantifier pour le moment) et qu’il existe une variabilité au sein de la communauté inhumée qui pourrait refléter différents comportements « genrés » (femmes et enfants sont inhumés dans des secteurs différents des hommes). De nouveaux échantillons seront selectionnés avant la fin 2023 dans le cadre d’une mission programmée à l’INSAP (Rabat, Maroc). Le travail préparatoire à cette mission sera menée par Abir El Ouafi (doctorante en cotutelle entre l’INSAP et l’Université de Las Palmas à Gran Canaria ; dir. A. Bouzouggar, J. Santana Cabrera). Les nouvelles analyses permettront de mieux connaitre la variabilité des données isotopiques (CNS) en lien avec l’environnement et l’alimentation et l’approche exploratoire sur l’émail dentaire (Sr, C et O) permettra de mieux identifier des origines géographiques. Les analyses devraient être réalisées au cours de l’année 2024.
En Algérie, c’est le site de Columnata (XIe-VIIe mill. av. notre ère, Sidi Hosni, Algérie) qui sera étudié en priorité et uniquement les restes humains attribués au Néolithique. Une étude biogéochimique exploratoire (CNS, Sr, C, O) est en cours sur quelques sujets immatures et adultes. Une mission à Alger est envisagée avant mars 2024 pour évaluer l’état du matériel restant et travailler avec les partenaires algériens sur la santé et la croissance à partir des restes osseux et dentaires. Deux ou trois dates 14C seront également réalisées (SUERC Glasgow) pour afiner la chronologie des sujets néolithiques étudiés.

Liste des communications 2022-2023


? G. Goude, G. Leduc, S. Rottier & le consortium de l’ANR WomenSOFar. Contextualisation et présentation des enjeux et perspectives du projet Individual life histories and WOMEN Status at the Onset of FARming. Bioarchaeological perspectives in the French and Mediterranean Prehistoric context. Séminaire dans le cadre de l’école d’été CIVIS - European Civic University « Interdisciplinary approaches to Gender Archaeology » (Tübingen, Allemagne, 4-9 juillet 2022).
? Goude G., Leduc G., Rottier S. & le consortium WomenSOFar. Le projet ANR WomenSOFar : une approche pluridisciplinaire et innovante pour appréhender la place des femmes dans les sociétés anciennes. Tables rondes GlobalMed – La Méditerranée et le Monde. MMSH, Aix en Provence (2 juin 2022).
? G. Goude, G. Leduc, S. Rottier & le consortium de l’ANR WomenSOFar. «Women on the move«. Diversity of social organization and women status in the Neolithic: new perspectives within the WomenSOFar ANR project. Communication flash dans la session “Manger - Bouger” : histoire bio-culturelle du métabolisme des premières rencontres du réseau RESHAPE (Toulouse, 27-28 septembre 2022).
? G. Goude, G. Leduc, S. Rottier & le consortium de l’ANR WomenSOFar. Challenges and perspectives for women’s studies in past populations: presentation of the WomenSOFar ANR project. Session Regards actuels sur les femmes dans les sociétés du passé : constructions sociales, perspectives bio-culturelles et lectures archéo-anthropologiques, Réunion Scientifique de la Société d’Anthropologie de Paris (25-27 janvier 2023, Paris).
? G. Goude, G. Leduc, S. Rottier, R. C. Power, D. C. Salazar-Garcia, A. Lambert, M. Le Roy, M. Gandelin, M. Couvrat & ANR WomenSOFar Consortium. New perspectives for women’s studies in past populations: some key issues presented in the WomenSOFar ANR project. Session Human Stories and Histories in the Era of Integrated Science - People of the Present – Peopling the Past, 29th EAA Annual Meeting (30 août- 2 septembre 2023, Belfast, UK). Présentation orale (en présentielle par R. Power et M. Le Roy).
Titre du stage : « Reconstruction des paléodiètes du néolithique moyen à partir des tartres dentaires (Auvergne, France) »

M1 apolline LAMBERT
Titre du stage : « Reconstruction des paléodiètes du néolithique moyen à partir des tartres dentaires (Auvergne, France) »

M2 Jai Rebière
Titre du mémoire : « Approche de la mobilité dans l'enfance des sociétés préhistoriques sédentaires par croisement des modèles isotopiques et ethnographiques ».

Le rôle des femmes est central dans les processus de néolithisation et d’expansion démographique. La façon dont elles sont impliquées dans l’organisation sociale dépend notamment de l’environnement et de l’économie de subsistance. Le projet WomenSOFar a pour objectif de comprendre comment les femmes mangent, se déplacent, prennent soin des plus jeunes et participent aux activités nécessaires à la survie des premières communautés d’agropasteurs (VIe-VIe mill. BC) en France et Méditerranée. Le projet s’organise autour d’une approche multidisciplinaire et holistique de l’étude des restes humains. Les hypothèses testées concernent la diversité alimentaire et la mobilité différentielle des femmes ainsi que les stratégies d’adaptation (sevrage, mobilité des tout-petits) et les liens potentiels entre état sanitaire, marqueurs d’activité et modes de subsistance. WomenSOFar participera à notre compréhension sur l’origine des charges sociales pesant sur les femmes et les hommes d’aujourd’hui.

Coordination du projet

Gwenaëlle GOUDE (Laboratoire méditerranéen de préhistoire Europe-Afrique)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

LAMPEA Laboratoire méditerranéen de préhistoire Europe-Afrique
PACEA DE LA PREHISTOIRE A L'ACTUEL : CULTURE, ENVIRONNEMENT ET ANTHROPOLOGIE
CNRS DR12 - CEREGE Centre National de la Recherche Scientifique Délégation Provence et Corse - Centre européen de recherche et d'enseignement de géosciences de l'environnement

Aide de l'ANR 473 521 euros
Début et durée du projet scientifique : janvier 2022 - 48 Mois

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